• Transformers 4



    Ils sont de retour.
    Encore.
    Transformers revient pour une quatrième fois. Toujours avec Michael Bay aux commandes. On pensait pourtant qu’après le lamentable 3ème volet, il allait arrêter les frais. Mais visiblement, la production de Pain & Gain, son film personnel, lui a laissé une dette envers la Paramount. Alors évidemment, sans même entamer la critique, sans même voir la chose, on se doute fortement du résultat final. Puisque Shia Labeouf a quitté le navire (comme l’avait fait Megan Fox après le second volet), Bay recrute son chouchou Mark Wahlberg aux côtés de…bah…d’une blonde (parce qu’il faut bien remplacer la précédente) nommée Nicola Peltz, mais franchement le nom n’a aucune importance. Nous sommes dans Transformers, de toute façon rien n’a d’importance, faut juste que ça fasse boom !

    On  ne va pas vous faire l’affront de vous rappeler l’histoire (hum hum) juste la mise à jour nécessaire pour ce volet. Après la bataille de Chicago, les humains n’aiment plus beaucoup les robots géants et ont décidé de les pourchasser, Decepticons ou Autobots. Pour se faire, ils ont même recours aux services d’un mercenaire robotique venu de l’espace (oui, c’est génial dis comme ça) du doux nom de Lockdown. Au milieu, une famille Texane avec le père Cade Yeager, la fille Tessa et son petit-ami Shane. Voilà voilà. Faut-il préciser également que le film s’étire sur 2h45 ? Oui, précisons-le parce que ça risque d’être très long près de trois heures de robots qui se foutent sur la tronche. Très très long.

    Soyons honnêtes cinq minutes. A moins de n’avoir vu aucun des précédents volets ou d’être masochiste, on sait très bien ce qui nous attend dans la salle. Ce n’est pas parce que Bay sort d’un excellent film avec Pain & Gain qu’il peut transfigurer sa saga favorite. Surtout que tous ses acteurs se sont barrés et que, de toute façon, la franchise fait n’importe quoi depuis un bail. C’est vrai après tout, Transformers à la base, c’est tout de même des jouets Hasbro avec des aliens mécaniques qui se transforment en voitures et en robots géants. Mais qu’est-ce que l’on peut espérer d’une adaptation pareille ? En sachant en plus que le premier volet était tout juste passable, on vous laisse imaginer les suivants…jusqu’à donc ce quatrième volet. Qu’en dire au final ? C’est la question… Commençons par les bons points : Lockdown et son vaisseau ont un look super bad-ass et soigné, et même si le cliché SF du chasseur intergalactique est vu et revu, c’est bien le seul qui apparait comme vraiment cool dans le long-métrage. Ensuite, les FX sont au top (comme d’habitude) et Bay filme un peu moins de façon hystérique ses combats de robots. Enfin, il y a des gros plans sur le short de la blonde et même qu’elle coure au ralenti parfois...

    Passé ce dernier argument misogyne au possible, le constat ne change pas beaucoup : Transformers 4 est un film affligeant. Déjà, en un seul long-métrage, vous avez tous les clichés (mais absolument tous, ce n’est pas juste une formule comme ça !) du blockbuster Hollywoodien. Jugez vous-même : Une famille avec un père ultra-protecteur envers sa fifille d’amour qui se balade dans des tenues qui ne filent plus aucun doute sur sa virginité, le petit-ami de la dite fifille d’amour qui est un beau gosse en conflit ouvert avec la papounet parce que Papa a du mal à laisser partir sa fille, et même qu’il va prouver au père qu’il peut être un bon copain. Un méchant très très très méchant qui vendrait sa mère, son yorkshire et son slip lapin crétin pour tuer les Autobots. Un scientifique que même s’il a l’air méchant, en fait non, il a un bon fond. Des asiatiques qui font du kung-fu – sinon ce n’est pas un asiatique de toute façon. Des Robots qui parlent comme des demeurés. Les méchants qui capturent les gentils qu’il faut aller sauver. Le grand méchant de la série qui revient (ENCORE !). Le sacrifice du héros (une fois, deux fois, trois fois…). Bon, on va arrêter là, il n’y a aucune once de début d’originalité dans Transformers. Voila. Et en plus son récit traîne en longueur comme pas possible avec des ajouts dont on se fout totalement comme la sous-intrigue avec le Transformium, et qui ne sert qu’à annoncer un cinquième volet (joie et bonheur sur le monde).

    Ce qui est tout de même drôle avec Transformers, c’est cette capacité hallucinante à n’avoir rien à foutre de la mythologie installée auparavant. A chaque film, on retrouve une nouvelle menace sortie d’on ne sait où (Lockdown apparait comme ça mais on sait même pas pourquoi) et que la précédente giga-menace cosmique en fait…bah c’était rien du tout. Ah non ! Sauf Mégatron. Parce que le chef des Decepticons, lui, il est increvable. Ça fait 4 volets qu’on se le tape, 4 ! Il a été noyé eu fond d’un océan, taillé en pièces et décapité mais non, il est de retour. Soyez certains que s’il vient à fondre dans de la lave, ils vont appeler Jean-Pierre Jeunet pour le cloner et le mettre dans le ventre de Ripley. Déjà qu’il n’était pas super-charismatique avant, son nouveau design s’avère banal et son rôle n’intéresse personne dans l’histoire. Alors le troquer pendant une bonne grosse demi-heure à la place de Lockdown, c’est l’idée la plus stupide du film. Mais il n’est plus à ça près.

    Parce que tout de même Transformers 4 n’a aussi rien à faire de sa cohérence interne et de la vraisemblance. Les autobots sont en groupe quand ils le veulent, laissent capturer leur chef quand ils le veulent…Lockdown tue tout le monde mais se retrouve à genoux face à 3 humains armés d’un fusil et d’une dépanneuse (oui oui une dépanneuse)…Et puis on ne va même pas vous parler des multiples sauvetages d’humains pendant des chutes vertigineuses style « On vous écrase pas dans nos mains de gros robots même si on tombe de 12 km de haut en se prenant 3 immeubles ». Ne parlons pas non plus des nouveaux Autobots, même si la plupart ont un super look (et feront vendre plein de jouets), ils sont neuneus comme pas possible. Le seul soulagement c’est que depuis le départ de Sam, Bumblebee ne nous saoule plus avec sa pseudo-amitié. Il reste très lourd certes, mais c’est déjà ça de gagner. Parce qu’en plus le film se veut drôle mais il ne l’est jamais (ou presque). A un moment, avant que le sidekick du début ne brûle, on a juste envie de se pendre avec ses lacets à l’accoudoir de son siège tellement l’humour tombe bas. Et pas que l’humour puisque Bay nous gratifie des pires placements de produits commerciaux qui soient. Arriver à placer comme ça des marques comme Victoria Secret’s ou Beats Audio, sérieux, chapeau, fallait oser.

    Alors oui, à la fin, les autobots chevauchent des robots dinosaures (les Dino-Bots). Oui. Bon. Qu’est-ce qu’on peut rajouter à ça ? Transformers 4 marque une étape de plus dans le ridicule de la franchise, une franchise qui continue à exploser le box-office US malgré sa totale médiocrité. De là à penser que nos amis américains ont un cerveau de bulot… Non, nous n’irons pas jusque-là. Vous l’avez maintenant deviné, il n’y a rien à tirer de ce volet, rien qui mérite de se déplacer. Pire, même les scènes de combats impressionnent moins que les précédents opus, comme si Bay lui-même en avait définitivement marre. Alors laissez-le faire des films personnels comme The Rock ou Pain & Gain et arrêtez avec ces Transformers…Parce que là, ça devient vraiment pathétique.

    Note : 1/10

    Meilleure scène : Le passage dans le vaisseau de Lockdown

    Meilleure réplique : « Tire sur mon manche ! »


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  • Le Conte de la Princesse Kaguya


    Isao Takahata est un génie. Tout le monde connait Hayao Miyazaki mais, étrangement, en Occident, Takahata est un peu moins connu. Pourtant avec des dessins animés comme Pompoko ou Mes Voisins les Yamada, le monsieur n’a pas de quoi rougir, bien au contraire. Ajoutez-y le chef d’œuvre Le Tombeau des lucioles, un des plus grands et puissants dessins animés de tous les temps (rien que ça), et vous commencerez à comprendre pourquoi la sortie d’un nouveau long-métrage du maître constitue un événement. En restant dans un strict registre japonais avec l’adaptation d’un des contes populaires les plus anciens et les plus connus du pays du Soleil Levant (Le Coupeur de Bambou), Takahata choisit également de conserver un style d’animation désuet là où les productions occidentales l’ont totalement délaissé. Que nous réserve ce Conte de la princesse Kaguya ?

    Alors qu’il part couper des bambous sur la colline, un paysan découvre lové au sein d’une tige de bambou une minuscule princesse. A peine l’a-t-il ramené chez lui qu’elle se métamorphose en bébé : la petite Kaguya. Alors que ses grands-parents adoptifs comprennent immédiatement son origine divine, la fillette se prend d’amour pour la nature qui l’environne et s’aventure avec d’autres enfants au cœur des collines. Malheureusement, persuadés qu’un tel cadeau des Dieux ne pourra pas s’épanouir dans un lieu si reculé, les grands-parents prennent une décision difficile à vivre pour Kaguya, s’installer à Tokyo pour asseoir son statut de princesse.


    Comme ses compatriotes de chez Ghibli, Takahata ne veut pas de la 3D. Ainsi, visuellement, Le conte de la princesse Kaguya est un dessin animé à l’ancienne. Mais avec une maîtrise hallucinante et une poésie tout à fait merveilleuse. Tout en crayonné, dense et épuré à la fois, le métrage s’affirme purement et simplement comme une perfection visuelle. A peu près la moitié de la subtilité et de la sensibilité du message que véhicule Takahata passe par l’image et non par le scénario ou la musique. Attention, pas que ces deux éléments soient plus faibles, bien au contraire, mais ils se trouvent amplement magnifiés par la beauté visuelle du dessin animé. Son trait fin et sa vivacité donnent naissance à quelques séquences mémorables dont la plus marquante reste celle de la fuite de la princesse, emportant tout sur son passage et où ses vêtements s’envolent et se fondent aux décors qui éclatent à leur tour. Takahata n’oublie jamais que la beauté visuelle ne doit pas forcément rimer avec prouesse technologique mais avec sincérité et authenticité. De ce côté, le long-métrage s’affirme comme une éclatante réussite.

    Puis vient le scénario lui-même. Au-delà de tout son aspect visuel, Le conte de la princesse Kaguya nous invite à suivre le parcours d’une enfant hors du commun et qui, contre toute attente, s’humanise et rejette presque sa nature divine. Plus qu’un simple parcours d’apprentissage, le récit de la fillette jette un regard tendre et surprenant sur le Japon rural, celui des paysans et des petites gens qui peuplent les collines et les forêts. C’est d’ailleurs leur bonté qui les pousse non seulement à recueillir Kaguya et à l’élever mais aussi à tout faire pour la rendre heureuse – du moins ce qu’ils croient être juste pour elle. Ces premiers instants de la princesse, lorsqu’elle est bébé puis quand elle devient enfant, sont simplement des petits moments de grâce où la musique, les images et les réactions des personnages se conjuguent pour créer une magie douce et poignante. Toute cette première partie du film, où Kaguya découvre les collines, la nature et les autres enfants, tout s’avère sublime.

    Arrive ensuite le plus gros message du film et certainement le plus intelligent. Arrivée à Tokyo, l’atmosphère du film change imperceptiblement et oscille entre la tristesse de Kaguya et son amour pour ses grands-parents. De façon tout à fait surprenante, le conte se pare d’une modernité stupéfiante et Kaguya devient un symbole du féminisme avant l’heure. Objet de toutes les convoitises, la jeune femme va rendre fou ses prétendants et les repousser un à un avec malice et humour. Dès lors, le conte se fait politique, et déroule son propos sur la place de la femme dans la société du japon féodale. Une femme-objet, cachée derrière des rideaux de bambous, qu’on convoite par vantardise et dont les rumeurs sur sa beauté suffisent à intriguer l’Empereur lui-même. Celui-ci est d’ailleurs dépeint d’une façon tout aussi peu reluisante que les précédents nobles dans une scène magnifique qui fait de nouveau basculer le film.

    Si le fantastique semblait en retrait avec l’arrivée à Tokyo, la dernière partie laisse libre cours à l’imaginaire du conte et revient sur les origines de la princesse de la Lune. Dans une explosion de beauté, embaumé par une musique encore une fois parfaite, Kaguya s’envole en même temps que le spectateur. Poétique et déchirant jusqu’au bout, le long-métrage lâche la bride sur son côté mythologique et offre encore quelques séquences oniriques magnifiques (l’arrivée du peuple de la Lune, le vol de Sutemaru et Kaguya) qui renoue avec la beauté des autres long-métrages Ghibli. Les personnages secondaires, complexes et loin de stéréotypes manichéens occidentaux sont également à saluer avant de terminer, notamment les grands-parents, qui font du mal sans le vouloir à la petite fille, et retrouve finalement toute leur bienveillance originelle en fin de métrage. Seul bémol, il est difficile finalement de conseiller aux enfants de voir Le Conte de La Princesse Kaguya, bien que beaucoup plus accessible que Le Vent se lève, le long-métrage n’en reste pas moins assez difficile à comprendre pour les plus jeunes.

    Le Conte de la princesse Kaguya fait mieux que le dernier long-métrage de Miyazaki tout en reprenant à son compte une des plus vieilles histoires de la tradition nippone. Simplement enchanteur d’un point de vue visuel, il n’oublie jamais de développer un récit passionnant et d’une intelligence rare. Poétique et simplement fascinant, le bébé de Takahata ne déroge pas à la longue liste de réussites accumulées au fil des ans par les studios Ghibli.

    Note : 8/10

    Meilleure scène : La soirée de présentation de la princesse et sa fuite


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  • Under the Skin


    La science-fiction constitue le parfait terrain pour des films atypiques et inattendus. Lorsque le britannique Jonathan Glazer décide d’adapter le roman Sous la Peau de Michel Faber pour le grand écran, on ne suspecte pas à quel point son long-métrage pourra sortir des sentiers battus. Le réalisateur de Birth enrôle la sublime Scarlett Johansson pour interpréter son personnage principal, une femme inquiétante et séductrice qui passe son temps à attirer les hommes qu’elle rencontre jusqu’à une petite maison délabrée pour les piéger et les consommer. Jusqu’au jour où l’un d’eux va changer quelque chose en elle et ainsi va la pousser à s’enfuir loin de ses maîtres. Si dit, comme ça, le scénario semble assez simple, Glazer va pourtant bâtir un long-métrage beaucoup plus difficile à aborder que ne le laissait supposer son postulat de départ.

    Glazer frôle le cinéma expérimental avec son Under The Skin. La preuve immédiate en est son « générique » de début avec ce gros plan sur la construction d’un œil qui semble s’étirer indéfiniment. Grossièrement, toute la première moitié du film se bâtit de façon semblable. Le spectateur se retrouve propulser dans une histoire dont il ne comprend pas grand-chose avec une Scarlett Johansson aussi froide que séductrice, semblable à une araignée cherchant inlassablement ses proies. Jusqu’à la première séquence dans la maison, difficile de comprendre quoi que ce soit de ce que l’on voit. Glazer adopte un rythme lent, poussé par une musique hypnotique et lancinante de Mica Levi. Pourtant, par un étrange phénomène, on se retrouve scotchés et fascinés, une sorte de curiosité étrange qui nous pousse à regarder l’écran en nous demandant si tout cela a un sens.

    Au fur et à mesure, et sans aucune précision claire, Under The Skin laisse entrevoir son intrigue. Rien ne passe par des mots pour expliquer ce que l’on voit, Glazer abandonne son spectateur et, soyons franc, le perd souvent. L’expérience proposée n’est d’ailleurs pas si aboutie. La répétition de la scène du lac noir, sa radicalité et finalement sa froideur, tout concourt à décrocher. Glazer semble en faire trop pendant cette première moitié du film. Under The Skin gagne peut-être en ambiance mais perd lourdement en accessibilité. Disons-le clairement, on n’est pas loin de l’ennui pur et simple à de nombreuses reprises. Reste le jeu de veuve noir de Scarlett Johansson et sa beauté, juste magnétique, qui contraste avec la laideur et la froideur des lieux qu’elles arpentent. Villes froides, obscures boîtes de nuit ou lotissement abandonné, Under The Skin installe une ambiance de misère et étudie les hommes sous l’angle cru de la pauvreté. Aucun des hommes abordés ne rentre dans les canons de beauté Hollywoodien, c’est même largement le contraire. Et cette banalité de l’être entre en collision avec l’extraordinaire plastique de Scarlett, parfaite pour le rôle.

    Puis, arrive un moment charnière. Celui de la rencontre avec l’homme défiguré, un moment de grâce dans le long-métrage, aussi réussi que la première partie était cryptique. La confrontation de Scarlett avec celui-ci a quelque chose de profondément touchant, sa naïveté non feinte et l’authenticité de la misère affective que l’on ressent permet à la scène de se sublimer tout en douceur. Glazer touche à la plus profonde des misères humaines, celle de la solitude. Bien sûr, il serait de mauvaise foi d’oublier le passage sur le bord de mer avec la noyade et l’observation froide et détachée de Johansson, un autre superbe et intense moment du film, bien qu’on y comprenne goutte, ce qui amoindrit son impact …mais revenons au tournant du métrage. Après cette rencontre en apesanteur, Glazer dépasse la répétitivité de son histoire et envoie Scarlett dans une autre direction. Celle de l’émancipation. Dès lors, on comprend bien mieux le rôle de ces étranges motards, sorte de gardiens ou de créateurs selon l’interprétation que l’on choisit au récit.

    Glazer emmène alors le spectateur sur le chemin de la liberté et surtout de l’humanisation. Quoi que soit Scarlett Johansson, elle découvre l’humanité qui l’entoure et qu’elle a commencé à apercevoir dans l’homme défiguré. Mais Glazer ne se dépare pas de son obscur sens de la narration. Si l’on comprend que la jeune femme est en fuite et qu’elle découvre petit à petit la bonté humaine, c’est par nous-mêmes Glazer n’emmène toujours personne par la main. Encore une fois, il arrive par moment à toucher le firmament, comme avec cette scène de sexe et la découverte traumatisante que fait Johansson vis-à-vis de son physique et de sa nature. Cette nature pernicieuse qui l’enferme dans son propre corps qui finira par « imploser » dans un final aussi inévitable que tragique. C’est seulement dans ces dernières minutes que l’on peut donner un sens à ce que l’on vient de voir et rendre compte de la sophistication du film. Une complexité qui lui pèse bien trop au final d’autant plus que certaines scènes clinquantes et prétentieuses se glissent dans l’histoire, comme le parcours dans la boîte de nuit, tellement facile. Quant à savoir la nature exacte de Scarlett – xénomorphe ou cyborg ? – le mystère reste à la libre-interprétation du spectateur.

    L’énorme handicap d’Under The Skin s’avère également être sa principale originalité. La radicalité du traitement de Glazer sur un sujet de prime abord simpliste accouche d’un film totalement inclassable et difficilement accessible au spectateur lambda. Malgré d’évidentes qualités et des scènes très fortes, le long-métrage du britannique aurait immensément gagné à troquer quelque peu son caractère brumeux contre de petits éclaircissements bienvenus. C’est d’autant plus dommage que ni Scarlett Johansson ni la réalisation n’ont à rougir. Arriver à suivre jusqu’à son terme Under The Skin est une gageure…Vous voilà prévenus !

    Note : 6/10

    Meilleure scène : Scarlett et le défiguré


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  • Brad est un adolescent difficile, et c’est peu de le dire. Délinquant à la petite semaine, dealer de drogues et forte tête, sa mère décide de le confier aux bons soins d’un camp de redressement pour mineurs, Coldwater. A sa tête, le colonel Frank Reichert, un ex-marine, qui ne croit qu’en une seule et unique chose, les vertus de la discipline et des sanctions corporelles. Bien vite, Brad se retrouve piégé dans un univers fait de violences et de privations, et il doit apprendre à composer avec les gardiens et ses autres compagnons pour survivre. Mais Coldwater va aller trop loin, bien trop loin, et transformer des adolescents en authentiques monstres…

    Illustre inconnu, Vincent Grashaw choisit un sujet difficile pour son premier long-métrage avec Coldwater. En s’inspirant des nombreux camps de redressement pour mineurs qui fleurissent aux Etats-Unis et leur réputation plus que douteuse, Grashaw s’engouffre dans le genre du film prison à l’instar d’un certain Dog Pound. Pour l’occasion, l’américain s’appuie sur une nouvelle et jeune génération d’acteurs avec en tête P.J Boudousqué et Chris Petrovski. La question qui reste en suspens est celle de savoir ce que le cinéaste peut apporter de neuf à un genre assez balisé.

    Grashaw bouscule immédiatement son spectateur en nous propulsant avec Brad, enlevé en pleine nuit par les gardiens du camp qui vont l’amener jusqu’à Coldwater sous les lamentations de sa mère. Sans transition ou exposition, on découvre Coldwater avec une séquence à base de sergent-instructeur que ne renierait pas Full Metal Jacket. Frank Reichert s’improvise en caricature cheap du sergent Hartman, mais avec cette même haine et cette même violence qui couve dans sa voix. Le décor est planté, aride et tranchant, où des sales gosses se retrouvent piégés avec d’autres sales gosses, sauf que ceux-ci dirigent le camp. Le récit se scinde alors en deux, avec d’une part des flashbacks pour mettre en place l’histoire de Brad et les raisons qui l’ont amené à Coldwater, et d’autre part le quotidien du camp.

    Le gros point noir du film vient en fait du manque d’équilibre entre ces deux fils. Le premier s’avère rapidement cousu de fil blanc mais, pire, coupe le rythme et l’ambiance de la seconde partie du métrage. C’est celle-ci qui fait des merveilles et tend à dénoncer l’ultra-violence comme réponse éducative. Dans le microcosme de Coldwater, Reichert joue une parodie de la formation des marines américains…mais avec des « éducateurs » plus que douteux. On se retrouve plongé dans un simili-camp de concentration où privations et sanctions physiques font office de seules réponses. Ainsi, peu à peu, les adolescents flanchent, déraillent puis finissent par rentrer dans le rang, comme de bons chiens de garde…avant d’endosser le rôle d’éclaireurs (sorte de Kapo au rabais) puis un jour celui de gardiens. Dès lors, le cycle se prolonge et la violence contenue jusqu’ici se retrouve dirigée contre les nouveaux venus. Coldwater fonctionne à la fois comme camp de torture et d’endoctrinement.

    Ainsi le parcours du personnage de Boudousqué – excellent dans son rôle, même si un peu trop dans le mimétisme d’un certain Gosling – retrace cette évolution diabolique. Autour de lui gravitent d’autres victimes, comme Jonas, qui payent le prix fort et ne s’intégreront pas dans ce cercle vicieux de cette violence. Malheureusement, ceux qui ne jouent pas le jeu y perdent parfois bien plus. L’autre élément passionnant du long-métrage de Grashaw, c’est le personnage de  Reichert incarné par un James Burns en grande forme. Il incarne l’exemple de la rigidité disciplinaire made in America et le glissement (in)humain qu’elle implique. Appliquée sans règles (ou presque) et à des adolescents qui ne peuvent l’assimiler, son ultra-violence ne résout rien. Pourtant, pris lui aussi dans le cycle victime-bourreau, il se révèle incapable de prendre du recul et fonce tête baissée vers l’horreur. Un pur produit de la société américaine en somme.

    Le film ne joue pourtant pas la surenchère pendant les trois quarts de son déroulement et tente de dresser un constat amer de cet échec éducatif. Grashaw sait pourtant qu’à un certain moment, il doit arriver à un point de rupture. Celui-ci a lieu avec l’entrée en scène de Gabriel, personnage bancal (peut-être un de ceux qui, de toute façon, n’aurait été qu’un criminel même sans le camp) mais qui catalyse toute la frustration et la haine de ses camarades, notamment Brad. Ainsi, dans une séquence aussi sauvage qu’intenable, la violence éclate et les proies deviennent les chasseurs. Encore une fois on pense à Full Metal Jacket, sauf qu’ici Baleine n’agit pas seul dans les toilettes mais avec toute son unité en plein jour. Cette apothéose pleine de sang et de vengeance incandescente porte le film à son sommet et achève son propos : au lieu de trouver la repentance, les sales gosses sont devenus des monstres, des machines à tuer froides et implacables. Plus qu’un film sur la dénonciation de l’existence de ces camps de la honte, Coldwater analyse l’échec d’un mode de pensée et d’éducation.

    Malgré quelques faiblesses structurelles, Coldwater surprend de belle façon. Plus intelligent qu’il n’en a l’air et porté par des gueules de cinéma en devenir, il invite son spectateur dans un gouffre de déshumanisation. Dénonciation en règle d’une pratique communément admise outre-Atlantique, le film de Grashaw est aussi prenant qu’il fait mal. Un impressionnant coup d’essai !

    Note : 8/10

    Meilleure scène : Le déchaînement de violence final

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  • Bird People


    Pascale Ferran
    est une habituée de Cannes. En 1994, elle remporte la Caméra d’Or dans la sélection Un certain regard pour son premier long-métrage, Petits arrangements avec les Morts. Après avoir été la présidente du jury en 2007 de cette même sélection qui l’a vu consacrée, elle revient en tant que participante cette année avec son nouveau film : Bird People. A cette occasion, elle recrute Josh Charles et Anaïs Demoustier pour un long-métrage en deux temps autour de la solitude moderne et de la soif de liberté. Un film inattendu.


    Dans un hôtel Parisien où les gens se croisent sans se voir, deux destins vont se lier par hasard. D’un côté, Gary Newman, consultant pour une firme américaine, en voyage d’affaire en France loin de sa famille. De l’autre, la jeune Audrey, simple femme de chambre de l’Hôtel, qui a abandonné ses études et continue à le cacher à ses parents. Tout semble séparer ces deux personnes, mais une envie irrépressible de liberté va les faire se rencontrer, libérés du poids du travail et des conventions, deux inconnus au bout du rouleau aux abords de la ville-lumière.

    Bird People s’ouvre sur une courte séquence où la caméra de Ferran virevolte dans Paris, observe et capture ses habitants. Le spectateur épie la vie privée des gens, leurs pensées, dans la rue ou le train. On y découvre une pluralité de personnalités, une densité d’émotions et de vies surprenantes que le paraître moderne ne laisse pas deviner. Tout ça jusqu’à la première rencontre entre un moineau et Audrey assise dans le train. Puis le long-métrage se divise, littéralement, en deux chapitres. Le premier s’intéresse à la vie de Gary Newman. Ferran y capture le quotidien d’un homme d’affaire avec classe et sobriété, sa réalisation tout en douceur qui nous immerge, sans l’expliciter, dans la solitude industrieuse d’un homme moderne. Ferran semble exposer la répétitivité du travail de Newman et son sentiment d’oppression – la séquence de réveil en pleine nuit – jusqu’à mener à cette prise de conscience et déchaîner une envie de liberté irrépressible qui le conduit à tout plaquer. Josh Charles remplit parfaitement son rôle, perdu dans un travail qui le bouffe, en conflit ouvert avec sa femme, en bref, englouti par une vie médiocre derrière le lustre de sa réussite sociale. Evidemment, on peut reprocher à cette première partie de rester très (trop ?) conventionnelle, où un homme rompt avec son travail et sa famille comme dernier recours pour se sentir libre. Si l’entrevue via internet avec Radha Mitchell reste toujours crédible, c’est parfois de plus courts passages qui emportent l’adhésion. Comme l’ébauche de conversation avec Roschdy Zem au bas de l’hôtel, une sorte de bouée de survie en plein milieu d’un désert aride pour Gary.

    Arrive la seconde partie, celle d’Audrey, la plus réussie du film. D’abord parce qu’elle se centre sur un personnage surement plus proche de tout un chacun – française, petit job, vie banale – mais aussi parce qu’elle montre mieux le calvaire du travail à l’air moderne. Simple femme de chambre, outil en puissance, corvéable à merci, dont personne, ou presque, n’a rien à faire, Audrey n’a même pas de nom (elle sera toujours appelé par son prénom sauf à la fin). Tous semblent l’ignorer ou la snober, les clients se fichent bien du désordre qu’ils laissent derrière eux, tout semble froid et étranger dans la vie d’Audrey. On sent son asphyxie encore plus facilement que celle de Gary et… un élément fantastique vient s’intercaler brutalement dans le récit ! Ferran surprend son monde en venant bouleverser le ton de son métrage par cette longue séquence de près d’une demi-heure où elle reprend le postulat fondamental du genre fantastique, à savoir l’irruption d’un événement « surnaturel » dans le quotidien. Evidemment étroitement liée au besoin de liberté d’Audrey, la métaphore prend instantanément, réserve son lots de situation comique et cette fois, l’utilisation de la voix-off est pleinement justifiée (contrairement à celle d’Almaric dans la première partie, lourde et hors de propos). De la même façon que cette séquence permet quelques belles idées narratives, elle donne l’occasion à Ferran de capturer la vie nocturne de Paris et ses alentours sous un angle inattendu. C’est la bonne idée du film qui relève le niveau un peu commun de la partie précédente.
    Reste alors la conclusion, et cette fameuse rencontre fortuite entre Audrey – excellente Anaïs Demoustier de bout en bout – et Gary Newman. Pleine d’intelligence et de tendresse, elle permet surtout de redonner leur humanité et leur identité aux deux personnages (Audrey y retrouve même son nom) et, dans un sens, de consacrer une liberté retrouvée, même l’espace d’un instant.

    Bird People flirte avec le fantastique de façon si discrète qu’il parvient presque à le faire oublier. Même si le film reste un peu bancal, la faute à une première partie très conventionnelle et balisée, le message qu’il renferme, sa réalisation et ses deux acteurs principaux finissent par emporter l’adhésion. Pascale Ferran nous gratifie d’un long-métrage plaisant à voir pour les amateurs de curiosités.

    Note : 6.5/10

    Meilleure scène : La rencontre Gary/Audrey

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  • Avec l’âge, Tommy Lee Jones a fait comme nombre des acteurs Hollywoodiens et s’est lancé dans la réalisation. Après un premier long-métrage remarqué et franchement réussi avec Trois Enterrements, une histoire de cow-boys modernes et de repentance, il revient près de 9 ans plus tard, et à la Croisette qui plus est. The Homesman choisit cette fois le XIXème siècle pour installer son long-métrage et aborde un thème original pour l’époque : la folie. Comme pour Trois Enterrements, Tommy Lee Jones interprète également un des personnages principaux et s’entoure cette fois d’Hilary Swank, de Miranda Otto ou encore de Jesse Plemons. L’américain peut-il arriver à confirmer tout le bien entrevu dans son premier long-métrage ?

    1854, Nebraska. Dans une petite communauté isolée, trois femmes perdent la raison. Pour prendre soin d’elle et les faire rejoindre leur famille, un tirage au sort a lieu et c’est à Mary Bee Cuddy, une femme au caractère bien trempé, qu’incombe la charge de les emmener jusqu’à l’Iowa. Mais pour traverser des contrées aussi désertiques qu’hostiles, traversées par des Indiens et des pillards, Mary Bee va devoir trouver un compagnon de route. En croisant le chemin d’un vagabond à la moralité douteuse et porté sur la boisson, George Briggs, elle s’embarque dans un périple où seule une amitié improbable pourra leur permettre de mener à bien leur entreprise.

    Alors que dans Trois Enterrements le personnage de Tommy Lee Jones agissait comme un rédempteur pour Mike Norton, la situation s’inverse pour The Homesman. Cette fois, c’est bien Tommy Lee Jones qui endosse le rôle du repentant et c’est Hilary Swank qui va le remettre sur le droit chemin. Le début de The Homesman n’est pas forcément facile à appréhender, Jones tente de manier l’ellipse et le non-dit mais ne maîtrise pas totalement le procédé. Ainsi les vingt premières minutes du film restent assez mystérieuses avec ces allers-retours entre le personnage de Mary Bee Cuddy et les trois femmes perdant la raison. Dans un certain sens, The Homesman est d’ailleurs un film féministe. Tommy Lee Jones expose la vie des femmes dans l’Ouest Américain dans une époque dominée totalement par la société patriarcale et où elles endurent les pires cruautés. Les trois personnages de folles, interprétées respectivement par Grace Summers, Miranda Otto et Sonja Richter, décrivent parfaitement la place ignominieuse de la femme dans l’Amérique du XIXème siècle. Leurs destinées, toutes plus cruels les unes des autres, croisent celui d’une saine d’esprit mais néanmoins en proie à une solitude féroce en la personne de Mary Bee Cuddy.

    Interprétée par Hilary Swank – qu’on croyait disparue de la circulation… - Mary Bee est le prototype même de la femme en avance sur son époque. Débrouillarde, indépendante et un poil autoritaire, elle détonne dans un environnement masculin qui ne laisse la place à rien d’autre que le machisme et la sévérité. Mary Bee Cuddy et son destin s’affirme comme la plus grande réussite du métrage…Mais Tommy Lee Jones en George Briggs vaut aussi son pesant d’or. A l’opposé de son personnage de Trois Enterrements, Jones interprète un cow-boy alcoolique et rustre, aussi drôle que touchant. Il sert de contraste bienvenu avec Mary Bee et permet, en outre, de ne pas tirer un tableau totalement noir sur la gente masculine de l’époque. Enfin, il faut saluer le trio de malades mentales qui les accompagnent, toutes excellentes et toutes, à leur façon, visages de l’abandon et de l’incompréhension de leur société.

    The Homesman n’arrive pourtant jamais à se hisser au même niveau que son prédécesseur. D’abord parce que la mise en scène de Jones est un peu en retrait, plus sobre certes mais aussi plus banale, elle n’offre que peu de moments d’ébahissement. De même, le film aurait mérité quelques coups de rabots comme sur ce passage de l’égarement dans le désert de Mary Bee Cuddy pour enterrer un cadavre, pas vraiment nécessaire et qui n’amène rien au long-métrage au final. Si Jones tente de dresser un portrait cru de l’Ouest sauvage, il traîne un peu en longueur dans sa première partie et on ne peut s’empêcher de penser que le long-métrage aurait pu gagner en lisibilité dans ses premiers instants. Pas très grave en soi puisque le bilan global se révèle plutôt positif pour The Homesman mais loin de pouvoir prétendre à une place dans les mémoires. Reste un film atypique sur un sujet original.

    Tommy Lee Jones ne transforme pas tout à fait l’essai de Trois Enterrements mais ne rate pas pour autant le coche. The Homesman tente la synthèse du western et du film d’auteur, avec plus ou moins de bonheur et s’en tire avec les honneurs grâce à ses acteurs principaux et sa thématique. Cruel et drôle à la fois, une aventure agréable et parfois surprenante dans le cœur de l’Amérique profonde.

    Note : 7/10

    Meilleure scène : La traversée de la rivière par George Briggs


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  • Evil Dead (Version 2013)



    Mia décide d’en finir avec la drogue et, pour se faire, part dans une cabane à l’écart dans la foret avec deux amis ainsi que son frère David et sa copine. Seulement, lorsqu’ils découvrent le sous-sol de l’endroit où ils séjournent, la bande trouve d’évidentes traces de sorcellerie ainsi qu’un livre mystérieux qui va bientôt libérer sur eux des formes démoniaques.

    L’original datant de 1981, quelqu’un, peut-être même Sam Raimi himself, s’est dit qu’il serait bien de réactualisé ce « classique » de l’horreur qu’est Evil Dead. L’affaire s’avère vite conclut et remis à un illustre inconnu en la personne de Fede Alvarez. Précédé de la réputation du « film le plus effrayant jamais vu », voici donc la nouvelle mouture d’Evil Dead.

    Déjà, rien de bien neuf par rapport à l’original. 3 filles, 2 mecs, une cabane, un livre mystérieux et un démon. Sauf qu’Alvarez introduit son film autour d’une histoire de première possession antérieure au fil principal, pourquoi ? Pour donner un visage au démon qui sera libéré plus tard. C’est la première fausse bonne idée du long-métrage puisque l’horreur invisible allait bien mieux au contexte mais passons. Autre changement, nous avons ici une héroïne (exit Ash), Mia, qui est une junkie et qui vient se sevrer. Très bonne idée sur le papier avec les possibilités métaphoriques et/ou les quiproquos. Et encore une fois, l’idée, traitée tout sauf subtilement, fait flop.
    Pourtant soyons clairs, et même si les meilleurs moments de charcutage figurent dans la bande-annonce, les effets spéciaux s’avèrent excellents et tellement meilleurs que dans l’original (enfin ce n’était pas dur, on partait de loin…) tandis que la réalisation reste des plus correctes avec quelques très beaux plans. Malheureusement, le côté gore à outrance a aussi ses limites et le film plonge très très rapidement. Pourquoi ?

    Parce qu’Evil Dead enfile tous les clichés possibles du genre sans aucune nuance et accumule les imbécillités. Des jeunes crétins (il n’y pas pas d’autres mots), la cabane abandonnée maudite, le livre (maudit aussi), l’idiot patenté qui ouvre un livre (tenez-vous bien) recouvert de chair humaine (et de une), entouré de plastique noir (et de deux) avec du barbelé autour (et de trois !!) et avec marqué dessus ne pas lire, ou réécrire (et de quatre !) mais bien sûr, il l’ouvre, le lit et à haute voix (et de cinq !). Heureusement, ce sympathique Eric, non content d’être con comme un manche à balai, fait aussi de l’humour en rappelant régulièrement que « non la situation ne s’arrange pas »… sans blague. On aura aussi toutes les variantes possibles sur le thème « c’est ma petite copine/ma copine/ma sœur, je peux pas le tuer » avec des doutes à la pelle quand Mia, possédée, tente de faire la gentille pour les attirer (« Natalie, j’ai mal aux jambes, descends à la cave, je sais pas ce qui m’arrive »… vous devinez la suite) ou le moment épique dans le genre cliché éculé de la vieille comptine qui attendrit le frère (bon la soeurette vient de buter les quatre autres, mais c’est rien). Mieux, Alvarez ne change pas les incohérences de l’original : « Tiens, ma copine pousse un hurlement dans la chambre et s’enferme dans la salle de bain, surtout ne me hâtons pas, c’est pas comme si il y avait déjà une possédée dans la cave ».

    Et on retombe dans les séparations qui n’ont d’autre justification que d’en buter un (Allez la blondasse, va dans la cuisine chercher un truc, nous on reste à deux dans la cabane ! Fais gaffe on a laissé Mia un poil possédée là-bas) mais surtout, eh bien oui, les « héros » ont peut-être le QI d’un castor mais ils sont vachement résistants, le meilleur exemple reste le Eric sus-nommé, qui va tout de même se prendre une aiguille plantée 20 fois dans la face et l’œil, une quinzaine de clous dans bras/jambe/poitrine, 5-6 coups de pied de biche dans la tronche et la main coupée en deux, avant de crever bien plus tard par un cutter planté dans le ventre. C’est fort en chocolat quand même…
    Comble du ridicule, on aura droit à la séance de défibrillation la plus débile du monde sans parler des séances de « Je me coupe un membre moi-même, mais je ne tombe même pas dans les pommes ».

    Achevez le long-métrage par du largage de sang à tout va, saupoudré de tronçonneuse pour faire gros clin d’œil à l’original, et un lever de soleil pour la seule rescapée qui repart victorieuse (mais qui aura désormais du mal à lasser ses chaussures) et vous comprendrez que ce remake n’est non seulement que du gore pour du gore, mais qu’en plus il n’effraie pas plus que ça. Si, franchement, vous voulez voir un film d’horreur, optez pour Martyrs, vous allez sentir la différence. Nous ne parlerons pas des acteurs, exceptée peut-être de Jane Lévy qui joue bien le jeu de la possession avec son maquillage, car ceux-ci n’ont rigoureusement rien d’intéressant ni à donner ni à faire.

    Evil Dead 2013 rassemble bon nombre des pires symptômes du remake. Esbroufe, gore pour le style, faussement jusqu’au-boutiste, acteurs en carton-pâte, histoire et protagonistes d’une débilité profonde, misant tout sur ses effets spéciaux… bref Fede Alvarez a tout, mais vraiment tout faux. Un massacre.

    Note : 3/10

    Meilleure réplique : « On devrait l’emmener au médecin » (hum)

    Meilleure scène : La salle de bain

    La critique de l'original à ce lien.


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  • World War Wolves, Tome 1 : Dieu a de l'humour


    L’éditeur Soleil a l’agréable idée de nous proposer un comic book à la française avec World War Wolves. Si Walking Dead et ses zombies ont pris le contrôle du marché, et si les vampires continuent de faire des ravages sur le grand et le petit écran, c’est bien de loups-garous dont va parler ce premier volume sous-titré Dieu a de l’humour. Emmené par Jean-Luc Istin, l’auteur de nombreuses séries telles que Merlin ou Le Seigneur des Ombres et mis en images par Kyko Duarte, le dessinateur du Capitaine Fracasse, World War Wolves tente donc d’accommoder l’apocalypse à la sauce lycanthropes. Ce premier tome s’avère-t-il aussi saignant que l’on pourrait l’espérer ?

    En 2015, les Etats-Unis connaissent une très grave épidémie. Celle-ci a la particularité de transformer les infectés en monstrueuses bêtes sauvages qui submergent bientôt des villes entières comme New-York ou San Francisco. Les loups-garous prennent l’ascendant sur les hommes mais certains survivants s’organisent, comme à Philadelphie où la cité se voit divisée en deux entre humains et loups, ou encore Las Cruces dont les murs et l’organisation permettent de reformer une communauté viable. C’est d’ailleurs à Las Cruces que se rend John Marshall et sa famille dans l’espoir d’échapper à l’apocalypse. D’autres n’ont pas cette chance, notamment Malcolm Spolding devenu un simple outil aux mains des lycanthropes de New-York, ou Jeremy Lester qui va devoir malgré lui s’immiscer dans le conflit de Philadelphie. Mais la horde du terrible James Raven peut-elle être contenue ?

    Ce premier volume se présente vraiment comme un Walking Dead à la française. Comme dans ce dernier, on retrouve un dessin en noir et blanc – bien qu’un peu moins radical, plus détaillé et plus fin – et une page introductive de ses protagonistes avant le récit. Les points communs ne s’arrêtent pas là puisqu’il s’agit également d’une apocalypse, où les hommes doivent se reconstruire au milieu de dangereux loups-garous. Enfin, dernière ressemblance, l’histoire se centre surtout sur le destin des hommes et des femmes survivants donnant un côté intimiste prononcé, mais déjà vu donc. Reste que World War Wolves fait du très bon travail dans ces similitudes. Son histoire s’avère immédiatement efficace et prenante et cela grâce aux variations qu’elle introduit.

    Tout d’abord, le changement au niveau de la menace s’affirme immédiatement comme très agréable. Les Loups-garous de World War Wolves sont bad-ass et franchement impressionnants mais, en plus, Istin imagine une nouvelle société avec de nouveaux codes inhérents aux bêtes sauvages que sont devenues les infectés. Si l’on regrette de ne pas voir davantage le charismatique James Raven, on se console avec la masse de ses congénères. Ensuite, l’apocalypse de World War Wolves n’est pas tout à fait terminée, on est même en plein dedans, puisque l’on sent que des villes résistent et que l’armée existe encore. Il est donc très intéressent de voir les moments où s’effondre la résistance humaine et de quelle façon. Le récit marque d’ailleurs avec ce moment de bravoure que constitue l’assaut en règle de Philadelphie, sublimé par le magnifique noir et blanc de Duarte. Enfin, et c’est une des originalités qui fait le plus de bien au récit, les planches sont entrecoupées par des articles de presse, des pages de journal intime, des rapports médicaux…bref un tas de petits textes qui immergent davantage dans l’univers et y ajoutent de la crédibilité. Une excellente idée en somme pour ce type d’histoire.

    Côté cheminement du récit, on reste dans un classique tome d’introduction où Istin installe ses protagonistes et tente de les faire vivre. John Marshall et sa famille convainquent moyennement – la faute à certains dialogues un peu simplistes – et c’est surtout Jeremy et Malcolm qui se révèlent les plus touchants et intéressants. Ce dernier et sa situation passionnent tout particulièrement, malgré la cruauté des événements. Istin sait garder un rythme et donner envie de suivre les aventures de ses personnages dans le prochain volume. Reste que l’on en voit bien peu et que certaines questions restent encore en suspens (Que vient faire de prêtre dans le prologue ? Sera-t-il exploité ou non ? Qu’en est-il de Raven ?).

    World War Wolves change des sempiternels zombies et vampires, et introduit la menace loup-garou de fort belle façon. C’est certes assez classique, parfois maladroit, mais impossible de ne pas éprouver une certaine sympathie pour l’univers créé par Istin et Duarte dont on attend la suite avec impatience pour confirmer tout le bien entraperçu dans ce premier tome efficace et accrocheur.
    Prêt à courir ?

    Note : 7/10

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  • Dragons 2

    Cela fait quelque temps maintenant que le petit monde de l’animation occidentale se retrouve bouleversé. Alors que l’on pensait le roi Pixar intouchable, c’est aujourd’hui un temps révolu. Après les médiocres Cars 2 et Monstres Academy, la firme à la lampe s’est fait voler la vedette par son principal concurrent : Dreamworks. Si l'on peut citer les Croods comme petite surprise de 2013, c’est surtout Dragons qui a changé la donne. Petite merveille totalement inattendue, le film a raflé tous les suffrages critiques en s’axant sur l’émotion et la sensibilité plutôt que la blague à outrance. Mais la vraie raison de ce succès, il faut la chercher ailleurs, en l’occurrence chez les deux compères à l’origine du film : Chris Sanders et Dean DeBlois. Déjà responsable de l’excellent Lilo & Stitch, les deux hommes ont réussi un nouveau tour de force avec la franchise Dragons, car il s’agit bien d’une franchise désormais comme le prouve la sortie de Dragons 2. Malgré tout, plusieurs éléments ne mettent pas en confiance pour cette suite : d’abord le fait qu’il s’agit d’une suite, forcément, mais aussi et surtout l’absence de Chris Sanders. Désormais tout repose sur Dean DeBlois. Peut-il arriver à égaler son illustre prédécesseur ?

    Sur l’île de Berk, la guerre entre vikings et dragons est un lointain souvenir. Désormais, les deux peuples vivent en symbiose, et chaque viking possède son propre dragon. De leur côté, Harold et Krokmou continuent d’éprouver les limites du monde connu jusqu’au jour où ils ont vent d’un terrible chef de guerre, Drago. Conquérant impitoyable, il asservit les dragons pour mieux détruire ses adversaires. Bien qu’Harold doive reprendre le flambeau de son père Stoik à la tête du village, il décide de partir rencontrer Drago pour le raisonner. En chemin, il va faire une rencontre étonnante, celle d’un dragonnier masqué prêt à tout pour protéger les dragons. Mais la guerre peut-elle être évitée ?

    Après une petite séquence introductive pour remettre les choses dans leur contexte et dépeindre le nouveau visage de Berk, Dragons 2 se recentre sur son duo magique, Harold et Krokmou. A l’instant où ces deux-là apparaissent à l’écran, la magie opère. La réalisation de DeBlois et la fabuleuse musique de Powell (une des plus belles bandes-originales depuis longtemps) s’allient pour atteindre des moments de grâce qu’on n'avait connus que dans le premier volet. La séquence aérienne crève l’écran, Krokmou virevolte, la 3D est au poil… oui Dragons est de retour. On comprend rapidement que cette suite sera plus axée sur la relation entre Stoik et Harold, entre un père à l’apparence bourrue et traditionnelle et un fils rêvant de liberté et idéaliste au possible. L’humour fait surface quasi-immédiatement, jamais lourdingue et souvent en arrière-plan (Krokmou qui interagit avec les autres dragons, un vrai plaisir). Les retrouvailles des premiers instants enchantent… et ce n’est pas fini !

    Ce Dragons 2 ne se contente pas des mêmes mécanismes d’histoires qui ont réussi au précédent mais voit plus grand. DeBlois élargit l’univers, offre un éventail de dragons impressionnant et crée des enjeux captivants. De front, le film d’animation mène deux axes : la rencontre entre Harold et sa mère et celle entre Drago et le monde de Berk. Chaque axe profite de thématiques spécifiques et bien plus malignes qu’il n’y parait de prime abord. Celle avec la mère lorgne vers Avatar, autant visuellement – le refuge des dragons – que thématiquement avec tout un sous-texte écologique et pacifiste, sur la confrontation de la nature humaine et de son environnement. Le discours sort rapidement des sentiers balisés et se confronte à la dure réalité, l’impossibilité de l’homme à vivre en harmonie avec les animaux qui l’entourent, ici les dragons. L’utopie de Berk se heurte ainsi douloureusement à l’ost de Drago. Entre asservissement et souffrance, le grand méchant de l’histoire s’avère très convaincant, charismatique à souhait et vraiment menaçant pour nos héros. Dans cet axe-là, l’interaction entre Harold et son père, la nécessité de la succession et surtout la fin de l’idéalisme (Drago ne pourra être ramené à la raison que par la violence), tout explose dans une série de scènes d’actions formidables, impeccablement mises en scène.

    C’est là LE point fort de Dragons 2 : sa réalisation. DeBlois et Dreamworks nous livre un long-métrage d’animation d’une perfection visuelle hallucinante. Tableau aérien superbe, scènes d’actions épiques, et un character-design toujours plus convaincant. Doit-on insister sur l’absolue réussite de Krokmou, toujours calqué sur un chat dans son comportement ? Le dragon star s’affiche comme la plus belle et grande réussite de Dreamworks en animation, une petite merveille. A ce stade, la différence, c’est aussi la touche de DeBlois, l’émotion et les fulgurances des rencontres – comme ce toucher inoubliable entre Krokmou et Harold dans le premier volet – atteignent des sommets. Bien plus nombreuses que dans les précédents, le réalisateur arrive à nous serrer le cœur avec une facilité déconcertante, la tendresse visuelle et la subtilité de l’emploi image-musique porte le film à quelques acmés insoupçonnées, comme cet instant sublime où Harold rencontre sa mère, ou lors des événements de la première bataille. DeBlois retrouve la clé magique qu’a perdue Pixar, celle d’un cinema à différents niveaux de lecture, sensible et beau à mourir, aussi bien visuellement qu’émotionnellement.

    Il y a du Roi Lion dans ce Dragons 2, de l’Avatar, mais il y a surtout du génie. Une fois que le récit a décollé, les événements s’enchaînent à un rythme soutenu et trouvent le parfait équilibre entre intimiste et spectaculaire. Toute la dernière partie fait office de moment de bravoure aux yeux du spectateur, magnifiée par une 3D superbement utilisée encore une fois – un des très très rares films qui sait l’employer ! -, les traits d’humour font mouche, le cœur se serre, palpite. Dragons 2 arrive à faire mieux encore que le précédent volet, pourtant déjà formidable. Là où un Rio 2 échouait sur tous les tableaux, Dragons 2 concilie monde adulte et enfantin, pour accoucher d’un immense film plein de poésie. Insistons une dernière fois sur la musique de Powell qui livre une partition simplement parfaite et dont l'alchimie avec les images s’impose naturellement. Dès les premières notes du vol inaugural de Krokmou, impossible de ne pas tomber sous le charme.

    Dean Deblois n’a pas démérité. Même sans son compère de toujours, le réalisateur accouche d’une pépite d’animation. Epique, poignant et intense, Dragons 2 c’est la réussite de l’année en matière d’anime à l’occidentale. Dreamworks prouve encore une fois qu’il a su tirer des enseignements de ses échecs et sait aussi soutenir des auteurs fabuleux.
    Courez le voir, volez avec Krokmou et surtout vivement Dragons 3 !

    Note : 9/10

    Meilleure réplique : "On ne peut raisonner un homme qui emploie la violence sans raison."

    Meilleures scènes : La première apparition d’Harold et de Krokmou / Harold confronté à sa mère / Le flashback sur le sort de la mère/ l’adieu viking

     

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  • Le cinéma australien a vu émergé un certains nombres de réalisateurs marquants ces derniers temps. On citera le terrifiant Crimes de Snowtown de Justin Kurzel et le non moins terrifiant The Loved Ones de Sean Byrne sans même parler du petit prodige John Hillcoat. Présenté hors-compétition au Festival de Cannes 2014, The Rover est le second film d’un autre australien remarqué en 2011 pour The Animal Kingdom, David Michôd. Retrouvant le grand Guy Pearce pour l’occasion, le réalisateur s’essaye au genre post-apocalyptique sauce Mad Max dans un décor aride… forcément australien. Mais peut-il confirmer tout le bien entrevu dans son précédent métrage ? D’autant plus en prenant un acteur aussi inégal que Robert Pattinson pour donner la réplique à Pearce…

    10 ans après l’effondrement, un homme taciturne débarque dans un bar douteux perdu au milieu de l’aridité australienne. Au même moment, un gang vient d’échapper à un contrôle militaire et y a même laissé un de ses membres blessé par balle, Rey, le frère d’Henry, le leader. En fuite, il croise le chemin d’Eric, l’homme solitaire qui les voit impuissant voler sa voiture garé devant le bar. Il décide alors de se lancer à la poursuite du gang et va finir par rencontrer Rey. Dans la déliquescence d’une société australienne impitoyable, les deux hommes vont nouer une étrange relation d’haine-amitié.

     The Rover n’est pas un film simple à aborder. Michôd choisit de parler de façon très sèche et silencieuse d’une post-apocalypse qui ne dit pas son nom. Hormis une phrase avant le film, rien n’explique la chute de la civilisation qui semble morceler en villages épars. L’atmosphère de l’australien s’appuie en grande partie sur le non-dit, si bien que l’on a du mal à savoir le nom de son anti-héros incarné par un excellent Guy Pearce. Film d’ambiance, The Rover s’apprécie comme une peinture dure et rugueuse d’une société détruite. On pense souvent à Mad Max mais aussi à la Route, pour ce côté road-movie avec la poursuite du gang. Comme La Route, The Rover dépeint un univers désespéré et âpre où la survie passe par la violence et le meurtre. L’homme, débarrassé du vernis sociétal et de ses règles, revient à la loi du plus fort. Ainsi, Eric constitue un parfait organisme pour ce nouveau paradigme, impulsif et sans limite.

    Loin d’employer la violence sans raison, Michôd cherche du sens à celle-ci. The Rover s’avère rapidement un film basé uniquement sur cette recherche désespérée d’un sens aux choses. Cela amène les deux protagonistes du long–métrage à se lancer dans une quête difficile et douloureuse. Eric y cherche le sens de l’impunité de ses crimes passés, tandis que Rey tente de comprendre pourquoi son frère l’a abandonné. Dans l’univers de The Rover, la vie n’a en fait plus aucun sens et les futilités d’antan prennent une importance démesurée, comme cette voiture métaphorique, symbole du vol de la vie ordinaire du personnage d’Eric, celle-ci contenant la dernière parcelle de sa vie antérieure. Tout au long de son film, Michôd montre la brutalité et la cruauté de l’existence après l’humain, devenu une bête dangereuse et mourante. C’est d’ailleurs le personnage de Rey qui fait office de contrepoids à la froideur d’Eric. Pattinson compose ici un attardé attachant avec un talent insoupçonné, d’autant plus impressionnant qu’il n’avait jamais atteint ce niveau ailleurs (notamment chez Cronenberg où il s’était un peu débarrassé de son image déplorable de Twilight). Rey incarne cette infime touche d’humanité qui semble absente de tout autre chose. Attention, il ne s’agit pas d’un gentil petit handicapé non plus, le cliché ne fait pas partie du film de Michôd et Rey n’hésite pas à sombrer dans la violence, inhérente à l’homme de toute façon.

    Si l’on peut reprocher certaines longueurs au long-métrage de Michôd, il faut saluer sa magnifique réalisation, tantôt atmosphérique tantôt sombre et désespérante. Certaines scènes touchent d’ailleurs au sublime, comme ce face-à-face improbable entre des chiens en cages et le personnage d’Eric, où l’on ne sait pas vraiment qui est le plus libre. Une scène qui prendra bien plus de sens à la toute fin du film. Sur cette scène plane la noirceur et l’injustice tout autant que la cruauté humaine, les chiens restant prisonniers pour éviter de se faire bouffer. Comme tous les personnages de The Rover finiront par l’être, métaphoriquement ou littéralement. On terminera aussi sur ce grand dialogue, cynique et terrible au possible entre le policier et Rey, preuve évidente de la vacuité des choses et de la futilité du destin. Tout concourt à dépeindre un monde de violence dénué de sens, dans une société bestiale où seule une loi existe : tuer ou être tué.

    Même si l’on peut forcément reprocher le caractère hermétique et parfois un peu longuet de son métrage (qui ne plaira pas au spectateur lambda, soyez prévenus), The Rover s’affirme comme un film fort et sans concessions porté par un duo d’acteurs remarquables. David Michôd continue d’explorer la violence tout en déplaçant sa réflexion sur une autre facette de celle-ci, et l’on ne peut s’empêcher d’attendre avec curiosité son prochain long-métrage.
    Assurément une voix singulière du cinéma moderne.

    Note : 7.5/10

    Meilleure scène : La découverte des chiens en cage chez le docteur


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