• [Critique] Fury

    David Ayer est un réalisateur inégal qui alterne les navets (Sabotage) et les films sympathiques (End of Watch). Son dernier projet avait pourtant de quoi susciter l'enthousiasme : un film de guerre centré sur un équipage de char Sherman M4A2 emmené par un certain Brad Pitt dans une Allemagne nazie à l'agonie. Pourtant, tout aussi attirant que puisse être le pitch, Ayer a fort à faire pour convaincre tant celui-ci peut facilement tomber dans le bête film d'action. Ce n'est heureusement pas le cas de Fury, qui joue la carte d'une sorte de réalisme très noir pour nous entraîner à la suite d'une troupe de tankistes sérieusement amochés par la guerre et sa rudesse. Une totale réussite ?

    L'Allemagne est en ruines, ses armées en déroute s'accrochent avec l'énergie du désespoir aux dernières villes et villages sur la route des alliés. Les colonnes de blindés et d'infanterie américaines rencontrent désormais une résistance inattendue et des troupes de plus en plus jeunes, les fameux Volkstürm. Après la perte d'un des leurs, l'équipage du Sherman "Fury", mené par le sévère Don Collier, reçoit le renfort d'un tout jeune membre, Norman. Pas le temps de faire connaissance que les hommes se retrouvent de nouveau dans les mâchoires de la guerre et doivent porter assistance à un groupe de combats bloqué face au blocus acharné de quelques canons et d'une poignée d'homme retranchés aux abords d'un village. Leur combat va les mener au cœur de l'enfer.

    Fury est un peu un film à l'image de son réalisateur : inégal. D'emblée, on peut reprocher le simplisme des personnages que l'on voit à l'écran : quatre gars aguerris face au petit nouveau naïf et qui ne veut tuer personne. Pendant un certain temps, la galerie d'individus qui jalonnent le film a tout de l'archétype bas du front des soldats made in Hollywood. Pas de subtilité, immédiatement hostiles au petit nouveau auquel ils vont en faire voir de toutes les couleurs.... Bref, les choses semblent mal parties. Enfin, pas tout à fait. Car de l'autre côté, Ayer étale une réalisation crépusculaire magnifique et sauvage avec cette séquence d'introduction du plus bel effet au milieu des carcasses de chars d'assaut. De la même manière, l'américain capte immédiatement la majesté mécanique de son char, Fury, le véritable personnage principal du métrage, mis en avant de façon fascinante notamment au cours des divers affrontements, où la caméra d'Ayer vibre et tangue au gré des coups de canons. Le point d'orgue du film semble même être atteint au cours de l’embuscade tendue par un char Tiger I contre 4 Shermans. La violence de l'affrontement, le talent d'Ayer pour le filmer et l'intensité du combat permettent d'approcher d'un paroxysme guerrier purement jouissif.

    D'autant plus jouissif qu'Ayer met un point d'honneur à respecter la réalité historique. L'impuissance des Shermans face à un char Tiger est scrupuleusement respectée, tout comme la façon de mener un assaut contre une position retranchée. Cette volonté persiste jusque dans la séquence de fin (trop) héroïque où une colonne d'allemands attaque le char de WarDaddy. Aucune arme antichar, juste quelques fourgons, des armes antipersonnelles et quelques PanzerFaust, la troupe allemande fait pâle figure en réalité, brisée par cinq hommes seulement. Alors oui, Ayer en fait trop dans cet épilogue plein de fureur, trop long et franchement peu crédible dans l’imbécillité des soldats allemands en face, mais il ne s'agit pas non plus d'une catastrophe, loin de là. En fait, et c'est assez paradoxal, Ayer est à deux doigts d'accomplir quelque chose de bien plus formidable au deux-tiers de son film lors d'une séquence dénuée du moindre coup de canon ou de la moindre explosion.

    Cette séquence, c'est celle qui se déroule entre l'équipage sorti fêter sa victoire dans un village allemand, et deux allemandes réfugiées dans un appartement miraculeusement intact. Ayer mise pendant quelques minutes sur une sorte de huit-clos où Norman, le jeune vierge, et Don, le commandant blasé, s'imposent dans la vie des deux bourgeoises. Assez conventionnel au début, la scène est transfigurée par l'arrivée du reste de l'équipage et de la véritable résurgence de sentiments bestiaux qui s'ensuit. La tension qui s'installe où l'on sent le viol et l'effusion de sang à peine contenus dans les affrontements verbaux entre Don et Grady - Brad Pitt et Jon Berthal, fabuleux - menace de faire basculer le film dans quelque chose de très noir et surtout d'inédit dans un film américain : des GIs qui violent des innocentes, une chose que jamais Hollywood n'a mis frontalement en lumière. Malheureusement, Ayer ne va pas jusqu'au bout mais cette simple séquence permet à Fury de gagner encore quelques bons points. Ses derniers atouts résident dans son casting, purement masculin, qui fait des étincelles. Entre un Shia LaBeouf aux antipodes de ses rôles habituels et un Logan Lerman toujours aussi épatant en passant par un Brad Pitt grimé en vieux briscard ambigu, l'équipage de Fury apparaît non seulement comme extrêmement crédible mais aussi comme tout à fait charismatique, ceci malgré les nombreuses failles dans la moralité de ses "héros". Un atout capital pour un métrage qui repose entièrement sur son assemblée de tankistes.

    Assurément, Fury s'avère une excellente surprise. Certes on empêchera pas les stéréotypes de bases d'empiéter sur le réalisme pendant les débuts de l'histoire ni une fin carrément too much, mais l'atmosphère de "crépuscule des dieux" qui baigne le film d'Ayer, le talent de sa troupe d'acteurs et sa volonté de réalisme historique, sans compter sur quelques audaces narratives inattendues, permettent à Fury de s'affirmer comme un film de guerre intéressant et de très bonne facture.
    En route.

    Note : 8/10

    Meilleure scène : Le repas chez les Allemandes

    Meilleure réplique : "Emmène-la dans la chambre, sinon c'est moi qui le fait"


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  • [Critique] Gotham Central, Tome 1

    Volume regroupant Dans l'Exercice de ses fonctions - Le Mobile - Pour Moitié (Numéro 1-10)

    Lorsque l'on dit Gotham, naturellement on pense Batman. Pourtant, on oublie certains acteurs primordiaux de chaque histoire ou presque, très souvent cantonnés à de la figuration ou des rôles subalternes : les flics de Gotham City. Parce que c'est bien beau d'avoir un super-héros dans la ville, il faut tout de même boucler les méchants et se charger des autres enquêtes du quotidien. Le Batman ne peut pas être partout tout le temps. C'est ce que ce sont dit Greg Rucka (Daredevil, Elektra, Wonder Woman) et Ed Brubaker (Criminal, The Authority, Sleepers), deux spécialistes du polar, chacun à leur façon. Après le monstrueux event No Man's Land, c'est donc sur les forces de police que DC se penche. Publié une première fois en France par les défuntes éditions Semic, c'est grâce à l'excellent éditeur Urban Comics que nous avons droit à une mouture en 4 volumes dont ce premier tome a la lourde charge d'hameçonner le public pour la suite. Les flics peuvent-ils être à la hauteur de la chauve-souris ?

    La réponse est oui, trois fois oui. Non seulement ce que nous ont concocté Rucka et Brubaker est une petite douceur pleine de saveurs inconnues, mais en plus ils font équipe avec Michael Lark qui avait déjà bossé avec Brubaker sur Daredevil. Son trait, rude et rapeux, s'adapte parfaitement à ce polar hard-boiled servi bien noir par les deux scénaristes américains. Mais revenons-en à nos histoires. On en compte trois dans ce premier volume, chacun  mettant en scène un super-vilain différent. La première (et aussi la plus courte) sert d'introduction en centrant l'intrigue sur une affaire de routine qui tourne mal. Pour l'occasion, Rucka et Brubaker écrivent à 4 mains un récit qui pose les bases, et qui déjà, s'interroge : Dans une ville où sévit le Batman, quelle place pour de "petits" inspecteurs ? Malgré son nom de Brigade des Crimes Majeurs, l'unité qui intervient ici vit en fait dans l'ombre du justicier masqué. Celui-ci passera d'ailleurs de temps à autre devant nos héros ordinaires, mais sans jamais prendre une part prépondérante à l'intrigue, définitivement dévolue à l'inspecteur Driver et ses collègues. 


    La réflexion primordiale qui sous-tend presque tout le recueil, c'est donc la relation qu'entretiennent les simples policiers avec le Batman. Une relation d'amour-haine en fait, rendue d'autant plus délicate par cette espèce de minuterie qui s'écoule inlassablement jusqu'à la tombée de la nuit et la venue obligatoire de celui qui résoudra à coup sûr l'affaire en cours. Dès lors, les flics aiment autant celui qui représente à leurs yeux la quintessence de la justice et de son implacabilité qu'il le déteste lorsqu'il se compare à lui et sa scandaleuse supériorité. Dans un sens, Rucka et Brubaker explorent l'impact qu'a eu le Batman sur les autres "justiciers" de Gotham. C'est non seulement très malin mais aussi très efficace. Dans la seconde histoire - Le Mobile -, c'est Ed Brubaker qui prend le relai en solo. Celui-ci s'axe encore davantage sur l'intimité des inspecteurs de police tout en livrant une histoire à la fois simple mais extrêmement efficace, une spécialité du bonhomme. Son enquête passionnante a la bonne idée de réemployer un méchant de troisième zone - Firebug - tout en jouant avec certains clichés et faux-semblants. Il n'oublie pas de poursuivre la réflexion amorcée dans le premier arc avec un final aussi court que brillant confrontant un Batman distant à un Driver revanchard. 

    Enfin, Pour Moitié, c'est un peu le gros morceau de ce premier volume. Et aussi la plus grosse réussite. Greg Rucka revient aux commandes en solo et offre une plongée formidable dans la vie intime et professionnelle de l'inspecteur Renée Montoya. Ne négligeant ni son enquête - réellement passionnante - ni ses personnages - tous très travaillés -, Rucka se paye le luxe de lier son récit à celui de No Man's Land grâce à son super-vilain (qu'on ne dévoilera volontairement pas) vraiment bien employé. Surtout, l'américain livre une réflexion incisive et militante sur l'homosexualité féminine en lui donnant du panache, de la beauté et surtout du réalisme. Très certainement le plus important en nombre de pages, ce dernier arc l'est également du point de vue de l'intelligence. Rucka honore autant les flics de Gotham que le droit de s'aimer librement, en profite pour tordre le coup aux préjugés et y ajoute une bonne dose d'émotions que l'on applaudit bien fort. Une prise de position qu'on l'on admire d'autant plus après la lecture de sa brillante post-face. En fait, la seule petite chose à reprocher à ce premier volume, c'est le manque de relief de Mr Freeze, peu creusé puisque présent dans l'arc le plus court, malheureusement. 

    Ce premier tome de Gotham Central réussit un exploit similaire au Joker d'Azzarello : offrir un récit passionnant et intelligent sans recourir en premier lieu au Batman. En misant sur l'originalité de découvrir le milieu policier tout en exploitant le plus judicieusement possible les possibilités offertes par cette démarche, Greg Rucka et Ed Brubaker inaugurent en grande pompe une série qui s'annonce d'ors et déjà indispensable.

    Note : 9/10

    Meilleur arc : Pour Moitié


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  • [Critique] Philomena


    Le très british Stephen Frears revient après The Queen et Tamara Drew pour s’intéresser à un drame inspirée d’une histoire vraie (et d’un livre éponyme) autour des orphelinats catholiques irlandais. Pas forcément attendu, le long-métrage a tout de même décroché une nomination pour le meilleur film aux oscars, de même que Judi Dench pour son interprétation de Philomena elle-même. Il n’en faut pas plus pour attiser la curiosité et aller jeter un coup d’œil sur ce petit film qui pourrait bien surprendre son monde.

    Philomena décide après 50 années de silence d’avouer à sa fille qu’elle a un demi-frère, Anthony. Après avoir couché très jeune avec un jeune homme l’espace d’une nuit, elle a dû mettre au monde son fils au sein d’une communauté de bonnes sœurs catholiques irlandaises, avant de se voir enlever son fils, adopté par un couple d’américain.
    Quant à Martin Sixsmith, ex-journaliste célèbre de la BBC désormais sans travail, il ne sait plus vraiment que faire avant de rencontrer justement Philomena et de se plonger dans de « l’aventure humaine » en l’aidant à retrouver son fils. Pour cela, ils devront aller jusqu’aux Etats-Unis et briser bien des tabous.

    Pas forcément un cinéaste majeur, Frears n’en reste pas moins un bon réalisateur qui donne régulièrement des films honnêtes. Philomena dénote un peu d’une démarche similaire. Bâti comme un road-movie, il repose sur des procédés éculés et efficace comme celui, bien connu, de se faire rencontrer deux personnes que tout oppose. Heureusement, ces deux personnages principaux s’avèrent très attachants et ce malgré le côté élitiste de Sixsmith. Philomena reste le cœur du duo et plus loin, du film. Sa personnalité et ses croyances catholiques surprennent au vu ce qu’elle a subit. Frears dépeint une vieille dame qui refuse la haine et la rancœur, une vraie « catholique » pourrait-on dire, notamment à travers la scène de confrontation finale et le pardon, éminemment difficile. Son manque de second degré et son naturel la rendent pourtant réellement sympathique et touchante, ceci n’étant pas étranger à l’excellent jeu de Judi Dench d’ailleurs également nommée aux oscars, et assez loin de son rôle de femme de fer dans Skyfall.

    De l’autre, il y a donc Martin Sixmith interprété par le remarquable Steve Coogan, un personnage peut-être plus singulier et plus intéressant qu’il n’y parait, à la fois totalement athée et sacrément prétentieux, illustrant avec simplicité la différence de classe entre la bourgeoisie intellectuelle et le commun des mortels. Parfois agaçant, c’est cependant à lui qu’on s’identifie le plus pour sa « saine colère » vis-à-vis de la révélation finale. Le film n’est cependant pas construit entièrement sur la révélation du destin d’Anthony et laisse une large place à la douleur d’une mère, tout simplement. Même si on regrette un manque de chaleur dans le traitement, surement un peu trop british en fait, force est de reconnaître le talent de Frears pour dépeindre une situation révoltante sans en faire des tonnes.

    S’attaquant de front au scandale des orphelinats catholiques Irlandais, le film pourrait être vu comme une violente charge contre la religion et, surtout, le clergé. Mais Frears prend bien soin de disséminer des personnes meilleures que la sœur Hildegarde par exemple, et forcément il reste Philomena. Il s’avère difficile de comprendre les fondements de la foi de celle-ci, surtout au vu de son passé, mais finalement, en recentrant le métrage sur sa douleur et en illustrant son passé – le début se trouve parsemé de flash-backs – le spectateur finit par pouvoir appréhender ce comportement surprenant. Reste cependant un arrière-goût d’inachevé, de manque d’ampleur, en fait d’un manque de panache dans la réalisation et dans la structure qui nous amène à considérer Philomena comme un bon film, surement nécessaire dans un sens, mais qui n’a pas la carrure pour marquer durablement.

    Concurrent surprise des oscars, Philomena n’a quasiment aucune chance de l’emporter, à raison au vu du niveau des nominés. Pourtant, il serait abusif de le manquer, d’une part par son sujet important – d’autant plus important quant à l’heure actuelle des associations catholiques défilent contre l’IVG pour nous montrer qu’ils ont du respect pour la vie, des milliers d’enfants irlandais en parleraient autrement - mais aussi parce que le long-métrage de Frears confronte deux acteurs de talent sur un parcours touchant.

    Note : 7.5/10

    Meilleure réplique : « Si Jesus était là, il vous jetterait au bas de votre chaise »

    Meilleure scène : Philomena qui demande à s’arrêter dans une église américaine


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  • [Critique] Les Boxtrolls

    Inspiré par Les Chroniques de Pont-aux-Rats d'Alan Snow, Les Boxtrolls représente le troisième long-métrage d'animation des studios indépendants Laïka. Spécialisé dans le stop-motion, Laïka opte une nouvelle fois pour ce choix artistique après ses deux premiers essais : Coraline de Henry Selick, un petit chef d'oeuvre, et L’Étrange pouvoir de Norman, un échec au box-office mais une vraie réussite cinématographique. Après Sam Fell et Chris Butler, c'est au tour d'Anthony Stacchi (Les Rebelles de la Forêt) et Graham Annable de prendre la caméra pour plonger dans l'univers atypique des Boxtrolls. Même si l'on devine immédiatement que des concessions ont du être faites pour plaire au grand public et éviter un nouveau four au box-office, le long-métrage reste tout de même une bouffée d'air frais dans le paysage de l'animation moderne.

    Cheesebridge est la capitale du fromage. Tout dans la ville tourne autour de sa fleurissante industrie du fromage sur laquelle règne les fameux chapeaux blancs. Seulement voilà, sous ses rues pavées et entre ses maisons aux allures victoriennes, Cheesbridge abrite de petites bestioles peu communes : des boxtrolls. Pour débarrasser de cette vermine qui a, dit-on, kidnappé un bébé humain, Archibald Trappenard propose à Lord Belle-Raclette, le plus grand des chapeaux blancs, de débarrasser la ville de ces infâmes créatures. En échange, il ne demande qu'un simple ticket d'entrée dans les plus hautes sphères de la ville : son propre chapeau blanc. Mais loin des regards, les Boxtrolls s'avèrent beaucoup plus humains que leur réputation ne le laisse entendre. Au sein de leur décharge souterraine, Poisson, Roulettes, Bassine et les autres élèvent le petit Oeuf, ce jeune garçon humain que le destin a placé entre leurs mains. Désormais, pour empêcher l'extermination des Boxtrolls, Oeuf doit unir ses forces avec Winnie, une jeune noble de la surface.

    Ce qui réjouit à chaque fois avec les productions Laïka, c'est ce refus systématique de tomber dans la 3D devenue monnaie courante chez (presque) tous les autres. Quand les studios Ghibli tentent désespérément de garder vivant la splendeur du dessin-animé en 2D, Laïka offre une alternative plus atypique au "tout-synthèse". Les Boxtrolls ne font pas exception à la règle, on retrouve instantanément cette patte artistique léchée et étrange qu'on avait déjà dans Coraline et Paranorman. Intégralement en stop-motion, magnifiquement pensé sur le plan du character-design avec ses personnages cradingues et filiformes, le long-métrage flatte l’œil du spectateur tout en permettant de s'immerger dans un univers plein de caractère. La réussite est d'autant plus grande que l'on se hisse au niveau de Coraline au niveau de l'atmosphère crasseuse et très victorienne (CheeseBridge est une ville victorienne jusqu'au bout de ses égouts) et de cette espèce d'ambiance steampunk-light des machines conçues par Archibald. Définitivement, sur le plan visuel autant que sur celui de l'univers représenté en général dans le film, Les Boxtrolls est une éclatante réussite qui ravira petits et grands.

    Penchons-nous donc sur le reste, c'est à dire l'histoire et ses protagonistes. Même si cette fois le long-métrage fait appel à certains ressorts dramatiques plus grand public, il n'en reste pas moins fabuleux, notamment dans sa première partie où l'on dresse un portrait absurde mais délicieux d'une ville où le fromage fait loi, pour ainsi dire. Cependant, les vrais héros de ce long-métrage, ce sont forcément les boxtrolls eux-mêmes. Incompréhensibles avec leur langage fait de grognements et de grincements, les petites créatures font des étincelles dès les premières minutes du long-métrage. Cela grâce à une succession de séquences sans dialogues intelligibles entre Poisson et Oeuf, le petit humain. Carrément touchées par la grâce, celles-ci renvoient aux passages muets de Wall-E ou Là-Haut avec une tendresse et une humanité étonnantes. La relation qui se tisse entre les boxtrolls, le spectateur et Oeuf procure un plaisir de plus en plus intense au fur et à mesure que l'histoire avance et que les réalisateurs profitent des possibilités offertes par des personnages aussi hauts en couleur et atypiques. En s'attardant sur des thèmes aussi fédérateurs que l'amour au-delà des différences, le besoin de reconnaissance ou simplement la relation père-enfant, les Boxtrolls trouve un certain équilibre délicat entre orientation grand public et petites surprises audacieuses. Pour cela, le film peut remercier ses personnages, notamment son méchant aussi drôle que repoussant, qui n'hésite pas à se travestir en diva douteuse ou à employer des hommes de mains truculents pour arriver à ses fins. Mentionnons d'ailleurs que parmi ceux-ci, Mr Poireau et Mr Truite vous tireront quelques sourires dans leur questionnement sur le bien et le mal qui semble en total décalage avec le reste du métrage.

    Ce troisième film est une nouvelle réussite pour les studio Laïka.
    En conservant le charme visuel atypique et l'ambiance si particulière des précédents, tout en s'ouvrant un peu plus traditionnellement au niveau de ses péripéties, Les Boxtrolls procure une histoire dépaysante et des personnages succulents.
    Vous n'avez plus aucune raison de le rater !

    Note : 8,5/10 


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  • [Critique] Bande de Filles



    Céline Sciamma
    aime les sujets difficiles. Après Naissance des Pieuvres et plus récemment Tomboy (qui avait fait pousser de hauts cris aux décérébrés de la Manif pour Tous), la française s'attaque à une autre problématique épineuse : la place des filles de banlieue dans la société moderne. Ainsi Bande de filles réunit un casting de jeunes inconnues pour plonger le spectateur dans un univers replié sur lui-même et passablement asphyxiant. Que peut cependant bien nous réserver Céline Sciamma ? Peut-elle vraiment éviter la vision caricaturale de gauche tout comme de droite ? 


    Marieme est une jeune fille des cités qui habite avec sa mère, son grand-frère et ses deux sœurs. Plutôt effacée, elle se voit refuser l'entrée en classe de seconde générale du fait de ses médiocres résultats scolaires. Démoralisée, elle claque la porte du collège et fait la connaissance de trois autres filles : Lady, Adiatou et Fily. Rapidement, elle se laisse emporter par les autres et intègre complètement cette bande de filles qui fait les quatre cent coups sur Paris. Marieme devient petit à petit une délinquante à la fois pour suivre ses amies mais aussi pour séduire Ismaël, un jeune garçon de sa cité. Elle va vite s'apercevoir que son choix n'était pas forcément le meilleur...

    Céline Sciamma partait d'assez loin avec Bande de filles. Les bande-annonces donnaient carrément froid dans le dos et le sujet, extrêmement casse-gueule, avait de quoi laisser dubitatif. Heureusement, Bande de filles a quelques arguments pour convaincre. Tout d'abord, la mise en scène de la française qui sait capturer la banlieue et l'environnement urbain des cités avec une grande justesse. La caméra de Sciamma rend parfaitement ce sentiment d’asphyxie qui semble écraser les jeunes filles du métrage, mais sait également se faire plus légère et plus aérienne le temps d'une chanson de Rihanna. Ensuite, son (jeune) casting, véritablement brillant, où domine naturellement la jeune Karidja Touré en Marieme, qui passe d'un registre discret à celui de la parfaite petite zoneuse effrontée avec une facilité étonnante. C'est elle qui donne en réalité une grande partie de la sympathie qu'éprouve le spectateur pour le film. De même, l'alchimie entre les quatre jeunes filles est immédiate à l'écran, ce qui était forcément un point crucial pour que Bande de filles s'avère crédible. Enfin, Bande de filles est un film politique. C'est certainement de ce côté que les choses se gâtent pour le métrage de Sciamma. Mais pas totalement. La vision qu'elle offre d'une banlieue machiste en diable où seul le mâle règne en maître file des frissons. Ici, la femme (et la féminité en générale) est un handicap qui doit se masquer. Sciamma le démontre d'emblée avec une des premières séquences où le groupe de filles se tait en entrant dans la cité, passant sous les ombres des garçons encapuchonnés.

    Malheureusement, au-delà de cette véritable charge contre la domination masculine et la réduction à l'état d'objet de la femme, Sciamma tombe dans le piège d'une vision angélique très gauchisante. On s'aperçoit que le film fonctionne d'autant mieux quand seule Marieme apparaît à l'écran, la réalisatrice prenant plus de soin pour la décrire et, même si elle n'évite pas le cliché habituel du "C'est pas ma faute, je suis une victime", elle aborde avec une grande humanité le destin de cette gamine paumée et qui ne semble faire que les mauvais choix (en sont-ils encore d'ailleurs arrivé à un certain point de l'histoire ?). Dès que l'histoire se recentre sur la bande de zoneuses, on se retrouve avec une vision totalement bancale des choses. Certes, l'alchimie et la tendresse des unes pour les autres s'avèrent aussi réussies qu'étonnantes mais Sciamma passe sous silence toutes les conséquences de leurs actes. Le meilleur exemple : cette scène ridicule et honteuse où une vendeuse colle Marieme de près par peur que celle-ci vole dans le magasin. Tout est filmé pour montrer que la vendeuse bien blanche est une raciste avec un tas de préjugés sur les jeunes filles noires qui parcourent son magasin et que, de ce fait, quand elle se fait agresser verbalement par les amies de Marieme, c'est un peu bien fait pour elle. Sauf que la bande de filles vole dans les magasins et ça, jamais Sciamma ne montre que c'est mal. Tout sera vu par ce prisme déformé. Les filles mettent à fond la musique dans le métro... cool. Mais les autres usagers, on s'en fout. Les filles agressent et volent un sac... cool. Mais on ne montre pas la victime ou le négatif de cet acte. Les filles s'invectivent dans le métro... cool. Mais le monde autour, on s'en fout. Sciamma biaise la vision des faits et anéantit la crédibilité de son propos. 

    C'est d'autant plus dommage que le long-métrage a pourtant de vraies choses à dire. A commencer par cette descente aux enfers de Marieme, qui se retrouve progressivement dans une impasse terrible. Seulement voilà, encore une fois, Sciamma n'évite pas les gros clichés comme cette scène où Marieme apporte de la drogue dans une soirée uniquement composée de blancs très riches. Forcément... On regrette aussi que la réalisatrice ne montre aucune nuance dans l'abord de la cité. On ne croise personne arrivant à s'en sortir par des moyens honnêtes. Personne. Comme si tous les habitants du quartier étaient voués à la délinquance. Reste le personnage de Marieme, qui ferme le film avec force et courage, aveuglée par les larmes mais résolument décidée à s'en sortir.

    Bande de filles n'est pas aussi mauvais qu'on aurait pu le croire de prime abord. Bien interprété, parfois vraiment touchant, le dernier film de Céline Sciamma s'avère pourtant cruellement inégal sur le versant politico-social, alternant le très bon (la vision machiste) et le très mauvais (les filles traitées de façon idyllique). On a pourtant hâte de savoir ce que nous réserve la française pour la suite.

    Note : 6/10

    Meilleure scène : Marieme qui rencontre les filles pour la dernière fois

    Meilleure réplique : "Il est où le rêve là putain ?"


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  • Pour cette semaine, un très beau, mais glaçant, court-métrage de SF autour du nucléaire et des conséquences du drame de Fukushima avec Aveugle (Blind) de Yukihiro Shoda.


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  • [Critique] Pompéi

    Il y a des jours comme ça où la vie est moche. Mais vraiment. Comme ce jour où vous allez voir un film et qu’il est tellement nul que s’en est effrayant. Oui, d’accord, avec Paul W.S Anderson à la barre, difficile de croire que le film aurait pu être bon (à ne pas confondre avec Paul Thomas Anderson, le réalisateur de There Will be blood qui, pour le coup, enchaîne les petites pépites). Pour ceux qui n’ont pas suivi, le monsieur est responsable de la saga Resident Evil, ce monument du cinéma d’horreur – comprendre : cet infâme viol et terrifiante déjection cinématographique. Oui oui, on se rappelle qu’il y a déjà eu un miracle dans sa carrière et qu’il a fait un excellent film (Event Horizon), mais des rumeurs affirment qu’il avait alors été remplacé par un clone d’une dimension parallèle (et nous ne sommes pas là pour croire ces choses-là). Bref, Paul W.S Anderson revient ! (même si nous ne l’attendions pas du tout en fait) Et pas avec n’importe quoi mais avec un tas de mecs bodybuildés en tenue de gladiateurs recouverts de sueur (Non, ce n’est pas un porno gay, désolé). Le titre du film : Pompéi. Parce que l'on a oublié que derrière les romains et les gladiateurs, il y avait aussi un volcan qui explose. Pour mener à bien ce projet trépidant d’aventures catastrophes, il a même engagé Kit Harrington, le beau gosse ténébreux de Game of Thrones, accessoirement le plus mauvais acteur de la série (et là, ça sent bien le sapin).
    Donc, vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir !

    Le film commence avec un petit garçon qui dort dans une tente et qui est réveillé par des petits bruits étouffés. En ouvrant la tente sus-nommée, il découvre avec horreur qu’on massacre les siens (oui, les tentes sont très isolantes à l’époque, mais vraiment). Emmenez par des esclavagistes romains pour devenir gladiateur, le Celte (comme on le surnomme avec une énorme originalité), combat dans les arènes de l’ancêtre de Londres avant d’être envoyé à Pompéi pour les jeux (Et là, on se dit que, parfois, les Dieux, ils choisissent un mec pour qu’il en chie. Il aurait pu aller à Rome mais non, PAM, Pompéi. Ce manque de bol de compétition quand même). En arrivant à la ville en question, il croise une jeune noble romaine, Cassia, qui rentre de Rome passablement dégoûtée de la vie politique de la Cité. Alors que les jeux se préparent pour accueillir le sénateur Corvus (qui adore dire son nom complet à l’écran, mais qui adore VRAIMENT), la cité tremble, et le volcan semble se réveiller petit à petit.

    Bon.
    Disons que pendant les vingt premières minutes, le résultat fait rire. Et c’est déjà ça. Parce que sur ce laps de temps nous avons droit à un empilement de clichés à en faire pâlir n’importe quel nanar. Entre le guerrier celte qui semble être un sauvage mais qui en fait a un cœur gros comme ça, même qu’il aime les chevaux et qui fait tourner la tête de Cassia en un seul coup d’œil (en même temps c’est Kit Harrington, et les femmes quand elles voient des abdos, des yeux sombres et des beaux cheveux, on les tient plus, c’est bien connu) qui est elle-même une noble romaine... mais en fait non, elle n'est pas d’accord avec les méchants romains, et les romains en question, très très vilains et méchants rappelons-le, ainsi que super-prétentieux en jupette, on sent déjà bien les choses à venir. La suite ne fait que confirmer les craintes. Et pire encore. Parce qu’ensuite, le film devient consternant et navrant de nullité. Comment faire pire me direz-vous ? C’est simple, en plagiant.

    En gros, Pompéi c’est Gladiator meets Titanic meets Volcano. D’ailleurs, le film ayant deux tiers de son temps un univers resserré autour des gladiateurs, le plagiat de Gladiator saute aux yeux (même des aveugles, c’est dire). Parce qu’en somme Pompéi parle d’un homme – qu’on appelle durant la moitié du temps par son ethnie, tiens tiens tiens - qui cherche vengeance en tuant un très haut responsable romain mégalo et pervers – ohhhh – et qui se fait des potes gladiateurs dont son meilleur ami, un grand black qui a perdu sa famille et qui prie devant des statuettes en bois. Si en plus on ajoute des scènes du genre une bataille dans l’arène où les gladiateurs sont en sous-nombre pour reconstituer une bataille romaine, et où les romains de la dite bataille sont des gladiateurs belliqueux et que tout se déroule à l’inverse de ce qui s’est vraiment passé sans parler du haut dignitaire romain s’exclamant « Mais dans la réalité, ce sont les romains qui ont gagné, non ? », là il faut vraiment n’avoir jamais vu Gladiator pour ne pas se rendre compte que Scott a de quoi porter plainte. Enfin bon, vu le bide du film, il n’aurait pas grand-chose, certes. Mais quand on dit que Pompéi copie Gladiator, attention, c’est du Gladiator leaderprice. Du Gladiatux. Gladiator date de 14 ans déjà et pourtant Pompéi est dix fois plus moche à la fois sur le plan de la réalisation (ça c’était couru d’avance) mais aussi sur les FX. Les plans sur la ville s’avèrent immondes (c’est une torture visuelle) et les décors tout à fait risibles. La version leaderprice du Colisée, c’est un grand moment de solitude.

    Donc, après ces bases, soyons clairs, les clichés continuent à fuser à 200 à l’heure, c’est presque là que se trouve le vrai exploit du film. Les personnages sont d’une fadeur hallucinante... pas un pour rattraper l’autre. Dans tout ça, les acteurs (pas aidés par la pire VF de l’histoire, à mourir de rire) révèlent le défi d’être aussi lamentables que le film. Kit Harrington est triste (non, ce n’était pas pour le rôle de Snow en fait qu’il était triste, c’est juste qu’il ne sait que froncer les sourcils, faire un regard mystérieux et sourire une ou deux fois parce qu’il faut bien emballer les minettes), Carie-Ann Moss et Adewale Akinnuoye-Agbaje se disputent la place de l’acteur has-been pitoyable, Kiefer Sutherland se demande encore pourquoi on lui a fait porter un costume de sénateur romain (WTF ?) sans parler de Jared Harris et Emily Browning qui découvrent que, non, en fait c’était pas Paul Thomas Anderson le réalisateur. On y ajoute des dialogues crétins et tout ce qu’il y a de plus cliché (encore) et puisqu’on va en finir avec les clichés, on arrive à l’histoire d’amour et le volcan qui fait boum.

    Amour. Oui. Non. Peut-être. Il semble à un certain point que le vrai amour du film c’est entre le réalisateur et les chevaux qu'il a lieu, ce qui est assez dérangeant en fait. Mais l’idylle entre Milo (et non Milou, un Celte, ça peut pas avoir un nom celte, faut pas déconner) et Cassia, c’est un peu Twilight version fleur bleue ( ça fait mai hein ?) avec cette scène culminante de niaiserie sur le flanc du volcan ou pire, la scène finale. Mais nous y reviendrons. Parce qu’après les bagarres du film (en fait la préoccupation numéro 1 d’Harrington), Anderson se souvient que son long-métrage s’appelait Pompéi et qu’il avait même fait mourir un noir au début pour annoncer la catastrophe – le noir meure toujours en premier. Donc le volcan fait boum. Si vous pensiez qu’au moins il y aurait des images impressionnantes de la catastrophe volcanique, vous aviez tort. Parce que c’est aussi moche qu’avant, mais c’est surtout plus sombre. Comme pour Titanic, alors que tout vire au cauchemar, les protagonistes se foutent sur la gueule. Bah oui. Ce n’est pas comme s’ils allaient tous mourir s’ils ne se barraient pas. On assiste donc à une succession de scènes absurdes de bagarres. Alors que la ville se meurt. Logique.

    Enfin…logique. Ce mot n’existe pas pour Anderson et il va même réussir à caser un tsunami dans le lot – sérieux – qui sera arrêté d’ailleurs par un rempart avec plein de trous – bah oui. Finalement, après un déluge d’immondes effets spéciaux, une coulée pyroclastique déboule. Et donc, Mr fait la tronche qui poursuivait Corvus Pupus Caïus Respecte Mon Autorité JE SUIS UN SENATEUR ROMAIN PUTAIN, se rend compte qu’il faut prendre son cheval et Cassia pour se tirer. Il arrive même à sortir des remparts de la ville avant d’être rejoint par la coulée (rappelons qu’une nuée ardente va au moins à 200km/h, et donc que son cheval est supersonique) avant de bazarder son cheval parce qu’ils n’iraient soi-disant pas assez vite (alors que le cheval en fait, sera le seul survivant). Tout ça pour un bisou avant de mourir. Soupir, THE END.

    Non, Pompéi s’annonçait comme un film désastreux mais là c’est juste pathétique et immonde, un amoncellement de clichés, de médiocrité et de débilités. Tout est à jeter, tout. Il n’y a vraiment pas de quoi en faire une vraie critique construite, car tout est honteux. Alors franchement, même si votre copine vous menace pour aller le voir, larguez-la.

    Note : 0/10

    Meilleure réplique : « Hey, on vous a bien enculé non ? » …Oh pardon, c’est pas dans le film ça…

    Meilleure scène : le cheval affolé dans l’écurie ou comment 5 soldats romains d’élite sont terrifiés par un cheval. WTF


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  • [Critique] L'étrange pouvoir de Norman


    Stupidement renommé L'étrange pouvoir de Norman en France (pour faire plus Étrange Noël de Monsieur Jack ? Allez savoir), ParaNorman se hisse pourtant au rang d'excellente surprise.
    C'est l’histoire d'un petit garçon, Norman, qui a un don assez encombrant : il voit et parle aux morts. Bon rien à voir avec Sixième Sens, rien d’effrayant pour le garçon, tout est très normal pour lui et tout se passe bien...à l'exception notable des relations qui en résultent avec sa famille, ses amis et les habitants de sa ville.
    Parce que bon, avoir un enfant qui se trimbale en disant bonjour à des carcasses d'animaux morts, c'est un poil étrange. Pourtant, incompris et mis au ban de son école, Norman va devoir sauver sa ville ! Il semblerait en effet qu'une invasion de zombies se prépare...

    A l'instar de l'excellent Wallace and Gromit, ParaNorman est filmé en stop motion.
    Un vrai plaisir qui donne d'emblée au long-métrage un aspect très particulier. Au départ, le film démarre lentement, les auteurs posant soigneusement les bases. C'est au moment même où l'ennui menace d'étreindre le spectateur que surviennent les premières péripéties. Très rapidement, on comprend que ParaNorman n'a rien à voir avec ce que l'on pensait de prime abord. Non, les zombies ne sont pas vraiment les monstres qui vont ravagés la ville et il faudrait même...les protéger (les scènes de confrontation zombies-habitants et celle de l'arrivée en ville des morts-vivants sont juste excellentes)... De même, les personnages prennent de la profondeur. On s'attache follement à Norman mais également à ses amis notamment Neil, l'enfant obèse à la gentillesse confondante. Le reste de la galerie ne déparera pas et on vous laisse le plaisir de les découvrir. Ce qui fait en grande partie la réussite du film, c'est non seulement son refus d'une intrigue balisée mais aussi cette petite troupe ultra-attachante et amusante, aussi bigarrée que dingue.

    Cependant, à ce point, le long-métrage reste simplement un sympathique film d'animation.
    Mais voilà, à la fin, l'intrigue achève de se révéler pour nous surprendre totalement. Comme Dragons nous avait totalement bluffé (souvenez-vous de la rencontre entre ce dragon si particulier et Harold !), ParaNorman donne lieu à une autre rencontre inattendue et fabuleuse. La rencontre de Norman, et d'une petite fille...Aggie. Incroyablement poétique, touchée par la grâce, à la fois immensément cruelle et tellement belle, l'histoire d'Aggie et sa conclusion à travers les efforts de Norman transcendent le long-métrage quasi-complètement. Vous vous souviendrez un petit bout de temps de la façon dont Aggie pose sa tête sur l'épaule de Norman pour s'endormir, soyez-en certain !

    Mené par les mains expertes de deux excellents réalisateurs, ParaNorman c'est un peu la friandise que vous croquez au hasard avant de vous rendre compte que son enrobage banal cachait des trésors succulents. Un peu le genre de sucrerie qu'on reprendrait volontiers de la part des studios Laika

    Note : 8.5/10

    Meilleure scène : Aggie et Norman se rencontrent


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  • [Critique] The Tribe


    Lors de la semaine de la critique à Cannes cette année, un film venu de l'Est a fait grand bruit. Premier film de Myroslav Slaboshpytskiy, un réalisateur ukrainien plutôt connu pour ses courts-métrages, qui a reçu non seulement un accueil critique impressionnant mais s'est vu décerner également le Grand Prix de la semaine de la critique. Extrêmement audacieux, The Tribe raconte le quotidien de jeunes sourds et muets plongés dans la violence et le sexe. Sa grande singularité : Il ne contient aucune parole. Le film est totalement dépourvu de dialogue, plongeant le spectateur dans l'univers si particulier de ces adolescents handicapés. Véritable OVNI, The Tribe constitue l'adaptation en format long d'un court-métrage du même réalisateur, Deafness. Peut-il cependant arriver à captiver son public pendant plus de deux heures ?

    Le jeune Sergei débarque pour son premier jour dans un établissement spécialisé pour les enfants sourds et muets. Seul au milieu d'un système qu'il ne connait pas du tout, le jeune homme va devoir trouver sa place au sein de la bande qui fait régner "l'ordre" dans l'institut. Entre bagarres, vols et prostitution, Sergei tombe dans une spirale de violences qui l'emmène toujours plus loin. Il tombe également amoureux d'Anna, une jeune fille pour qui il va prendre tous les risques. Mais jusqu'où peut aller ce monde sans concession dans lequel il est tombé ?

    Déroutant. C'est certainement le meilleur adjectif que l'on peut accoler à The Tribe. Le long-métrage déroule pendant plus de deux heures les tribulations de Sergei et des autres pensionnaires de l'institut en ne dérogeant rigoureusement jamais à son postulat du silence. Cette excellente idée sur le papier se révèle progressivement bien plus bancale que l'on aurait pu le croire. Slaboshpytskiy arrive certes à nous monter une histoire globalement compréhensible - on assimile toutes les grandes étapes qui se déroulent devant nos yeux - mais son pari présente deux effets pervers. Le premier, c'est qu'il empêche de comprendre tout à fait ce qu'il se passe et l'ensemble restera, en fin de compte, très brumeux pour le spectateur. Ce manque de précision amène forcément au second bémol de la démarche, à savoir que les personnages se limitent à des ébauches, on ne pénètre pas vraiment dans leur tête et l'on reste condamné à se perdre en conjectures à propos de leurs actes. Pour tout dire, The Tribe manque d'empathie.

    Ce manque ne trouve d'ailleurs pas sa source uniquement dans le postulat initial. Slaboshpytskiy nous présente en fait un environnement ultra-violent où l'individu est ramené vers ses pires instincts. S'il est intéressant de noter que l'homme, privé de parole, se fait plus animal, le réalisateur ne présente rigoureusement aucune nuance dans cet abord. Tant et si bien qu'à la fin du long-métrage, le spectateur aurait tôt fait de considérer comme des monstres les sourds et muets. Ce qui, avouons-le, n'était surement pas l'effet escompté. Ce qui choque au fond dans la démarche de l'ukrainien, c'est une volonté certaine de nous montrer un contenu choc... sans que l'on sache véritablement les raisons de cette escalade. Pour peu, les nombreuses séquences terribles qui jalonnent le film - la prostitution de jeunes filles, le passage à tabac d'un inconnu, l'avortement... - deviennent autant de scènes de complaisance. Complaisance dans l'horreur et dans la violence pure et simple. The Tribe ne donne aucune justification à ce qu'il montre mais, pire, il n'y apporte aucune nuance. On sent que Slaboshpytskiy s'est inspiré d'autres réalisateurs tels que le roumain Cristian Mungiu - la scène de l'avortement renvoie immanquablement à 4 mois, 3 semaines, 2 jours - mais passe à côté de son sujet tout en livrant une fade copie de ce qui s'est déjà fait ailleurs (et en mieux).

    Et c'est bien dommage parce que The Tribe n'est pas, intrinsèquement, un mauvais film, au contraire. Son casting s'avère très solide et même brillant lorsque l'on se penche notamment sur la jeune Yana Novikova ou l'acteur principal, Grigoryi Fesenko. Sa réalisation, froide et austère, s'adapte tout à fait au propos du film, même si de nombreuses scènes s'étirent souvent bien trop en longueur. Sans compter ce jusqu'au boutisme forcené pour aborder l'univers de silence contraint du monde de l'institut, qui, même s'il ne sert pas complètement le long-métrage, représente une prise de risque à saluer. C'est un peu ça le plus rageant dans le film de l'ukrainien, c'est qu'on n'arrive pas à le détester mais qu'on est incapable de le porter aux nues comme l'a fait le jury de la semaine de la critique. En somme, le spectateur en ressort passablement frustré et perplexe.

    The Tribe représente une expérience à plus d'un titre. Malheureusement, peut-être par la faute de son statut de premier film et d'un tas d'autres éléments perfectibles ou discutables, le film de Myroslav Slaboshpytskiy échoue.
    Reste alors un OVNI ultra-violent mais vain et parfois dérangeant.


    Note : 5.5/10

    Meilleure séquence : "L'accident" lors de la prostitution sur l'aire de repos des camionneurs. 






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  • [Critique] Valse avec Bachir


    Ari Folman
    , metteur en scène israélien, a rendez-vous en pleine nuit dans un bar avec un ami en proie à des cauchemars récurrents. Au cours de ces rêves, il se retrouve systématiquement pourchassé par une meute de 26 chiens. 26, exactement le nombre de chiens qu'il a dû tuer au cours de la guerre du Liban, au début des années 80 !

    Le lendemain, Ari, pour la première fois, retrouve un souvenir de cette période de sa vie. Une image muette, lancinante : lui-même, jeune soldat, se baigne devant Beyrouth avec deux camarades.
    Il éprouve alors un besoin vital de découvrir la vérité à propos de cette fraction d'Histoire et de lui-même et décide, pour y parvenir, d'aller interviewer à travers le monde quelques-uns de ses anciens compagnons d'armes.

    Premier documentaire d’animation, Valse avec Bachir est signé par Ari Folman, un ancien documentariste. Autobiographique, le long-métrage raconte ni plus ni moins qu’une quête de vérité pour Folman, celle des événements entourant le massacre de Sabra et Chatila pendant la guerre du Liban. Evidemment, le lien avec Incendies de Denis Villeneuve (film formidable chaudement recommandé) se fait rapidement. Mais si la guerre au Liban reste la toile de fond, le reste n’a rien à voir.

    Folman se livre à un exercice original avec ce film, celui d’exorciser ses démons, et, plus largement, sa quête autour d’une partie marquante de son histoire personnelle mais pas seulement. Valse avec Bachir interroge tout un pan de l’histoire Israélienne et de la très controversée opération « Paix en Galilée ». Loin de nous livrer un cours magistral, Folman part dans une autre voie, celle de rassembler des témoignages de ses amis et connaissances ayant participé aux événements avec lui. Pas de moralisation ici, c’est certainement un des points les plus étonnants du film puisque Folman ne se livre qu’à décrire et nous laisse entièrement juge.

    Valse avec Bachir représente le désarroi de son auteur, devant la guerre d’abord, qu’il représente d’une part comme quelque chose d’horrible (Toutes les séquences autour de l’avancée des chars Merkava, la progression dans Beyrouth, le transports des blessés…) et d’autre part comme une absurdité grossière et déroutante avec des séquences à la Apocalypse Now sur fond de musique improbable créant un décalage profond et qui peut, dans une certaine mesure, mettre très mal à l’aise. Folman nous montre aussi la guerre à travers de jeunes hommes, dont l’entraînement ne peut endiguer la peur panique entraînant ainsi les pires bavures. Beaucoup de critiques sont adressées à l’état-major également mais jamais les événements de Sabra et Chatila, qui occupent la dernière demi-heure du film, ne sont véritablement condamnés.

    De même, Folman profite de l’animation pour retranscrire ses hallucinations et ses trous de mémoires, mémoire qui fait défaut et qui reste un élément central de la réflexion du réalisateur. Si les images animées peuvent sembler raides, elles permettent à la fois de garder une certaine distance dans les événements mis en scène mais aussi de ménager l’effet de fin. En arrivant à décrire Sabra et Chatila et le massacre des Phalangistes chrétiens sur des milliers d’hommes, femmes et enfants Palestiniens suite à la mort de Bachir, le président Libanais, Folman reste lui-même tétanisé devant les réactions de son propre pays, de sa hiérarchie et de ses compatriotes. Lâcheté et bêtise des soldats israéliens qui voient mais n’arrivent pas à comprendre, complicité dans une certaine mesure pour Folman lui-même qui éclaire à la fusée les camps pendant le nettoyage des Phalangistes sans savoir les massacres qui s’y déroulent, et crimes, certainement, pour les autorités Israéliennes et Ariel Sharon qui laissent faire.

    La réflexion terrible sur la responsabilité et les réactions face à l’horreur se mettent en place rapidement, en même temps que le spectateur comprend ce besoin irrépressible des soldats israéliens à oublier ou à se raconter leur propre histoire. C’est d’ailleurs là que la forme rejoint le fond et que Folman porte cette histoire à l’écran pour dire sa vérité. Tout mène à ce travelling final ou le rêve de Folman s’explique dans l’horreur, à travers ses yeux médusés et son attitude d’incompréhension, et où, très brutalement, dans le cri des femmes palestiniennes, l’animation laisse place à des images d’archives terrifiantes et glaçantes dans un silence de plomb. Tétanisant, comme un Auschwitz en miniature. Et Folman d’achever son film sur un uppercut qui fait mal, très mal.

    Valse avec Bachir n’est pas simplement un travail d’une extrême intelligence et d’une force picturale immense, c’est également la réflexion d’un homme sur lui-même et sur son pays, un exercice d’exorcisme véritablement intense. Pour tout dire, un chef d’œuvre.

    Note : 9,5/10

    Meilleure scène : Travelling final avec la transition en images réelles

    Meilleure réplique : « A 19 ans, tu t’es senti coupable, endossant le rôle du nazi malgré toi. »

    Addendum : Pour les personnes intéressées par ce sujet, soyez certain d’une parte de voir Incendies de Denis Villeneuve, et surtout de lire le passionnant et formidable roman, Anima, de Wadji Mouawad.


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