• [Critique] Fitzcarraldo

    Prix de la Mise en Scène Festival de Cannes 1982

    Pour son neuvième film, l'allemand Werner Herzog revient à ses premiers amours, c'est-à-dire l'Amazonie et Klaus Kinski. 10 ans après son chef d'oeuvre, Aguirre, la colère de Dieu, il retrouve son acteur fétiche pour rembarquer dans une aventure sans concession. Bien loin de l'époque des conquistadors, Herzog s'intéresse cette fois au siècle des barons du caoutchouc au cœur du Pérou. Véritable défi de réalisation, Fitzcarraldo reste avant tout dans les mémoires comme un film-fleuve de 2h30 où s'entrechoque les mondes, les ambitions et les personnages haut-en-couleurs. Présenté au Festival de Cannes en 1982, le long-métrage repart avec le prix de la mise en scène, une récompense pour le moins méritée mais qui peine pourtant à rendre justice à la démesure de Fitzcarraldo.

    Passionné par l'opéra, Brian Sweene Fitzgerald, connu sous le nom de Fitzcarraldo au Pérou, tente par tous les moyens de bâtir un opéra à Iquitos, une ville sise au cœur de l'Amazonie. Malgré le scepticisme de ses pairs à Manaus ou dans les cultures de caoutchouc, il tente le tout pour le tout en demandant à son amie Molly de lui donner une partie de sa fortune. Avec celle-ci, il achète un bateau à vapeur, recrute sa propre troupe et acquiert une parcelle que personne n'exploite. La raison en est simple, elle est inaccessible du fait de la présence de rapides réputés infranchissables. Fitzcarraldo remonte alors l'Amazone et va entreprendre la plus folle des tentatives pour passer outre les embûches du fleuve. Son idée est aussi simple que folle, faire traverser à son navire une colline pour se retrouver directement dans son exploitation. Seulement, le destin n'a pas fini de jouer des tours à Fitzcarraldo.

    Werner Herzog se révélera, au fur et à mesure de l'avancée de sa carrière, comme un cinéaste polymorphe aimant autant le documentaire que la fiction. Déjà dans Aguirre, on retrouvait cette dimension singulière avec cette façon unique de capturer l'adversité de l'Amazonie mais aussi de reconstituer toute une époque. Fitzcarraldo procède de la même manière. En nous plongeant dans le siècle des bateaux à vapeur, Herzog dresse une peinture des nouveaux maîtres du Pérou. Le métrage se scinde en deux parties distinctes, dont la première, la plus courte, nous présente la vie quotidienne dans une ville perdue au milieu de la foret. Vétuste mais en pleine expansion, Iquitos contraste radicalement avec Manaus qu'Herzog nous montre au tout début. Pourtant, comme Manaus, elle abrite un certain nombre de dignitaires, et notamment les barons du caoutchouc, des hommes scandaleusement riches grâce à l'exploitation des arbres à caoutchouc que l'on trouve en abondance dans la région. Immédiatement, le réalisateur allemand aborde l'odieux comportement de ceux-ci, leur petitesse et surtout leur façon de réduire en esclavage les populations locales. Il se sert de ce premier atout pour décrire non seulement la vie quotidienne à Iquitos mais aussi pour présenter celui qui sera le point central du film, le fameux Fitzcarraldo.

    A la différence de ces barons qui accumulent les richesse, Fitzcarraldo rêve d'inutile, il rêve d'opéra. Interprété par l'extraordinaire Klaus Kinski, le fantasque personnage contraste avec les opulents barons. Il est entouré d'enfants indiens à qui il fait écouter des opéras, ou auquel il offre de la glace (son fond de commerce). Avant toute chose, Fitzcarraldo est un rêveur, du genre malade obsessif. On retrouve dans son tempérament un peu de celui d'Aguirre, deux conquistadors obsédés par un but absurde, une cité d'or pour l'un, un opéra en Amazonie pour l'autre. Pourtant, la folie belliqueuse de Don Aguirre n'est pas de mise chez Fitzcarraldo qui évolue sur un plan tout autre, celui de la création. Son ambition  n'est pas de conquérir mais de briller, d'être celui qui apportera la culture dans le coin le plus reculé de la terre. S'il partage quelque chose en commun avec Aguirre, c'est certainement ce jusqu'au boutisme qui vire à la quasi-folie. Mais là où Aguirre finissait en Dieu impitoyable, Fitzcarraldo devient un Dieu de mythologie tentant de déplacer des montagnes...ou plutôt un bateau.

    C'est ici la seconde, et bien plus longue, partie du film. Cette partie où l'amour du documentaire l'emporte et nous entraîne dans une nouvelle exploration fascinante de l'Amazonie sauvage peuplée d'autochtones étranges. C'est également dans ces instants que Herzog s'incarne dans son personnage de Fitzcarraldo et en fait un double cinématographique. Si Fitzcarraldo est le fou qui veut faire passer un bateau d'un affluent à l'autre en le tractant sur une colline, Herzog est celui qui refuse tout artifice et tente réellement l'expérience. Cette entreprise monumentale a vraiment été réalisé par l'allemand et son équipe qui ont défriché une bande de terre, terrassé une colline et tracté avec des cordes un bateau à vapeur. Vraiment. Le résultat à l'image marié au talent insolent de Werner pour capturer ce genre d'exploit accouche d'un moment d'anthologie qui marque l'histoire du cinéma. L'exploit est d'autant plus grand que le réalisateur prend le soin de rapprocher Fitzcarraldo d'un Dieu, notamment à travers des plans iconiques où Kinski pose devant son bateau hissé par une tribu d'indiens. Il s'accapare alors toute la puissance de son personnage et de sa folle entreprise. On ne cesse de se poser une question tout du long : qui est, au fond, Fitzcarraldo ? Un génie ? Un fou ? Un artiste ? Surement les trois à la fois. Il fait partie de ce genre d'hommes capables d'aller au bout de leurs visions, capable d'acheter un fauteuil de velours rouge à un cochon, capable de traverser l'impossible...et de finir par faire jouer un opéra le long de l'Amazone. Fitzcarraldo s'inscrit dans la légende comme un des personnages les plus forts et les plus captivants de l'histoire du cinéma.

    Véritable ode à la démesure, Fitzcarraldo est un paradoxe en soi. Moins accessible qu'Aguirre du fait de sa longueur et de son imposante ambition mais plus facile à aborder car plus terre à terre, le long-métrage de Werner Herzog capture une époque, une folie et un homme. Et quel homme ! Film monstrueux, parfois à couper le souffle, Fitzcarraldo continue d'affirmer avec force le génie du réalisateur allemand. Un classique, encore.

    Note : 9/10

    Meilleure scène : La première avancée du bateau sur la terre ferme


    votre commentaire

  • L'américain Joshua Oppenheimer s’intéresse avec The Act of Killing aux massacres consécutifs au coup d’état de 1965 en Indonésie. Le gouvernement en place, aidé par des milices paramilitaires dont la plus célèbre, Pemuda Pancasila, entreprend alors de liquider les communistes selon eux responsables d’un attentat contre plusieurs hauts dignitaires de l’époque. Il s’ensuit alors un massacre de près d'un million de personnes (2,5 millions selon les autorités indonésiennes) où l’ensemble des membres du parti communiste et leurs sympathisants sont arrêtés, torturés et exécutés au même titre que de nombreux athées, hindouistes et même certains musulmans modérés. Soutenu par l’Occident et les Etats-unis, le gouvernement porte aux nues les meurtriers qui ne seront jamais punis.

    Ainsi, près de 50 ans après les événements, Joshua part pour enquêter auprès des survivants. Malheureusement, il s’aperçoit bien vite que peu d’entre eux veulent en parler, encore terrifiés à l’heure actuelle, et finit par aller interroger et rencontrer les bourreaux eux-mêmes qui, à sa grande surprise, sont plus que fiers de parler de ce qu’ils ont accomplis. De là, le britannique leur propose une chose inédite, mettre en scène selon leur bon vouloir et avec les moyens du bord les actes de barbarie accomplis. C’est donc ce que propose The Act of Killing durant 2h39, une plongée dans le monde de gangsters, de tueurs et de dictateurs où s’intercale des reconstitutions surréelles et des morceaux choisis de la vie en Indonésie à l’heure actuelle. Le résultat transcende son postulat de départ.

    Imaginez, juste cinq minutes, que les SS ou les hommes de NKVD et du Goulag aient survécus. Imaginez alors ces mêmes hommes en train de reconstituer devant vos yeux, avec le sourire aux lèvres et un empressement manifeste, les pires atrocités qu’ils aient commises. C’est ainsi que se construit The Act of Killing. Tout le long-métrage tourne autour d’Anwar Congo, un ancien exécutant du pouvoir responsable de la mort directe de mille personnes, et dans une moindre mesure de Adi Zulkadry, autre tueur à l’aspect bedonnant. Oppenheimer filme donc ce que racontent les deux hommes. Comment ils étranglaient avec du fil de fer hommes et femmes préalablement torturés, dans quels lieux et dans quelles circonstances. Le spectateur reste instantanément médusé devant ce qui se passe.

    Bouffi de fierté et tout sourire, on assiste à un discours atroce sur des choses innommables dans une atmosphère bon enfant. De même, avant d’en venir aux reconstitutions, Anwar présente ses anciens collaborateurs et d’autres dignitaires toujours au pouvoir – des gens du parlement, le responsable de Pemuda Pancasila, qui compte tout de même trois millions d’hommes à l’heure actuelle, ou encore un responsable de journal – et tous considèrent ces massacres comme de l’histoire, comme une chose nécessaire et même mémorable. Pire encore, ils en tirent une gloire personnelle et ne rechignent jamais à avouer les supercheries pour monter la population contre les communistes de l’époque. Ainsi, des hommes qui ne sont rien de moins que des criminels envers le genre humain, sont-ils invités à des meetings officiels, passent à la télévision en grande pompe pour narrer leurs forfaits et se réclament haut et fort « gangsters ». Ce qu’ils sont encore d’ailleurs notamment pendant la séquence de racket tout sourire sur le marché ou dans les magasins pour le parti.

    Rapidement, on assiste aux premières reconstitutions. Dirigées par les criminels eux-mêmes qui interprètent divers rôles, le leur ou celui de leurs victimes, celles-ci sont aussi surréalistes qu’extravagantes mais avant toute chose, elles mettent extrêmement mal à l’aise le spectateur. Pourquoi ? Parce que c’est la dérision qui domine, le ridicule et l’on a souvent envie de rire devant leur exubérance et leurs excès. Sauf qu’à un moment, on se souvient que derrière cette comédie se cache ce qui s’est réellement passé, que l’on rit devant l’horreur absolue. Le malaise produit est gigantesque. On retrouve dans ces courts-métrages le peu de scrupules, au départ, de leurs auteurs. Joyeusement, ils mettent en scène la mise à sac d’un village et la tuerie d’hommes, de femmes et d’enfants avant que le leader des Pemuda Pancasila tente de tempérer le déchaînement de violences qui vient de se produire. Plus fort encore, le village employé pour la scène sera vraiment brûlé…laissant les habitants sans rien…juste pour la scène. On nage en plein délire.

    Peu à peu pourtant, d’autres intervenants arrivent, dont l’un semble conscient de la malveillance de leurs actes mais s’en fiche pas mal. Le britannique fait alors quelque chose de très fort et va montrer les scènes de reconstitution qu’il a tourné à Anwar et Adi qui peuvent donc voir ce qu’ils font et disent. De fait, Anwar va commencer à parler, d’abord de cauchemars, puis à comprendre et à appréhender ce qu’il a fait. Manifestement dans le déni total de ses actes, ce n’est que lorsqu’il se met à la place d’un des hommes qu’il a étranglé qu’il se sent vraiment mal. Oppenheimer accomplit là une expiation. Car une des choses flagrantes à propos de ces monstres, c’est qu’ils sont terriblement médiocres et banals. Mégalomanes, bêtes comme leurs pieds, ils vivent dans leur monde, peuplé d’Al Pacino en Parrain et d’autres films d’action à l’américaine. Ils sont totalement déconnectés de la réalité. Totalement. Il ne fait d’ailleurs que peu de doutes qu’Adi n’a plus toute sa tête et qu’il est même complètement fou.

    La puissance incroyable de cette confrontation par la fiction explose dans la scène où Anwar regarde avec ses petits-enfants la reconstitution où il joue une victime tuée par strangulation. C’est à ce moment que la culpabilité prend possession de lui et que, pour la première fois, il a honte, il comprend et en vient à pleurer. La chose, exposée au spectateur, reste juste ahurissante. Ce monstre impressionnant qu’on a côtoyé deux heures durant n’est qu’un être pathétique et médiocre. Joshua Oppenheimer ne fait pas que choisir les moments les plus révélateurs de son film, il les magnifie comme lors de ce plan où Adi répète les paroles d’Obama à la télévision.

    Plus loin, c’est un portrait sans concession de l’Indonésie qui est dressé. On croise des dirigeants corrompus jusqu’à l’os et la démocratie en place pousse au paroxysme les travers du système. Les élections sont truquées ou achetées, les gens escroqués et endoctrinés. Pendant que le peuple vit dans la misère, les pontes vivent dans des palaces avec des objets de cristal à plus de deux mille dollars pièce. Les dignitaires racontent comment ils traitent les femmes – vous aurez devinés – avant de faire la prière. Oppenheimer montre ce qu’est la démocratie. Et si, finalement, la nôtre n’était que mieux camouflée pour nous faire avaler le morceau ? La réflexion est lancée, la réponse elle, risque de déplaire. Il va sans dire que L'amérique de Bush n'a aucune leçon à donner, comme le fera remarquer un des protagonistes.

    Mais The Act of Killing ne serait pas aussi marquant si, au final, ce n’était pas nous qui étions mis au rang de témoin de l’intolérable. On regarde le spectacle parfois en souriant du ridicule de la mise en scène mais en sachant en fait que tout s’est vraiment déroulé. On reste juste bouche bée devant ce que ces hommes racontent et mettent en scène. Pour exemple, on entend un paramilitaire dire qu’il violait toutes les femmes qu’il croisait à l’époque avec les éclats de rires des autres dans la salle, et de dire comment il faisait avant de préciser qu’il préférait les fillettes de 14 ans. Dans le même esprit, une des séquences finales montre Anwar recevoir une médaille d’une de ces victimes pour le remercier de l’avoir exécutés dans un court-métrage de son cru. La vision de fantasmes délirants n’a aucune limite.

    Non diffusé en France ou alors confidentiellement (1 diffusion unique sur Lille en version amputée de 40 minutes), The Act of Killing n’est rien de moins qu’un chef d’œuvre total. Sorte de glissement dans l’horreur absolue sans jamais la montrer frontalement, l’œuvre d’Oppenheimer dissèque le mécanisme du massacre, de la naissance des monstres et de ce qu’ils sont avant de les ramener brutalement à la réalité. La puissance représentative du film n’a que peu d’égale si tant est qu’elle en ait. Un choc, définitivement.

    Note : 10/10

    Meilleur scène : Anwar qui regarde la dernière vidéo

    Meilleure réplique : « Did the people I tortured feel the way i do here ? »


    2 commentaires
  • [Critique] The Riot Club

    Ils sont jeunes, beaux et intelligents. Mais surtout, ils sont riches. Jeunes étudiants d'Oxford fortunés, Alistair, Miles, Harry, Hugo et tous les autres ne constituent pas seulement la future élite de la nation britannique, ils représentent également un club privé légendaire : le Riot Club. Tirant son nom d'un nobliau décadent du siècle passé, Lord Ryot, le club a pour vocation d'assouvir les excès de ses membres tout en conservant un statut des plus prestigieux au sein des autres étudiants. L'actuel président, James, a décidé d'ouvrir la période de sélection. Parmi ses nouvelles recrues, deux jeunes hommes : Miles et Alistair. Opposés politiquement, les deux compères s'avèrent toutefois ravis de leur future intégration. Ainsi sont-ils conviés à leur premier dîner du Riot Club dans un petite taverne à l'écart des regards. C'est là que tout bascule...

    Pas forcément très attendu (en fait pas du tout), le nouveau film de la réalisatrice d'Une éducation et de Un Jour, la danoise Lone Scherfig, mise tout sur une acerbe critique de la jeunesse dorée britannique. Pourtant, rapidement Scherfig captive. Loin de rentrer dans les canons du genre (il ne s'agit pas d'un Fight Club à l'anglaise, c'est même tout le contraire), The Riot Club propose une plongée dans un monde nébuleux pour le citoyen lambda, celui d'Oxford et de ses privilégiés. Même si l'on a d'abord peur d'assister à une succession de clichés (et c'est parfois le cas), Scherfig tire son épingle du jeu grâce à ses acteurs, tous géniaux, ainsi que les personnages forts qu'elle façonne avec un mordant salutaire. Si l'on apprend vite à aimer - autant qu'à détester - les membres du Riot Club, deux personnages se détachent naturellement du lot : Alistair et Miles. Deux faces d'une même pièce aux idées souvent très éloignés, qui, cependant, viennent d'un même milieu.

    Interprété de façon magistrale par Sam Claflin dont la gueule d'acteur n'a d'égal que la violence sourde qu'il renferme, le personnage d'Alistair efface un peu Miles, plus conventionnel et plus politiquement correct (sans rien enlever à l'excellent jeu de Max Irons). D'abord abordés dans le cadre de la vie scolaire, les deux jeunes hommes se retrouvent au cœur d'un dilemme moral lors de la séquence du dîner. C'est à ce moment précis que Lone Scherfig choisit de tenter un coup de poker puisque, à la surprise générale, The Riot Club devient pour une grosse moitié du temps un huit-clos. Dans celui-ci, la danoise montre le glissement très lent mais de plus en plus violent qui se profile. Avec une grande ruse, elle amène ses personnages au point de rupture et crée un décalage entre la société clinquante et pompeuse de l'assemblée des dix jeunes et celle, tout à fait banale, du restaurateur, de ses clients et de sa fille. De cette façon, Lone Scherfig reconstitue en miniature la société britannique - et par extension occidentale - en faisant entrer en collision les convictions et les classes sociales.

    En fait, le cœur de The Riot Club n'est pas de montrer les tribulations de dix petits emmerdeurs arrogants mais de disséquer les mécanismes qui mènent au soulèvement, à la violence et, finalement à la cruauté. Ne nous y trompons pas, le film de Scherfig va loin, plus qu'il n'y parait de prime abord. Au-delà de dénoncer la "violence des riches", elle pointe surtout du doigt comment, dans un groupe aux personnalités hétérogènes mais issues d'une même catégorie sociale, un seul homme peut entraîner les autres vers les pires choses. Elle reproduit dans ce huit-clos le mécanisme de la dictature. La démonstration, outre le choc qu'elle peut provoquer et l'indignation du spectateur qui en résulte, met en exergue quelque chose de fondamental, une chose commune à toute les sociétés modernes : la majorité silencieuse n'a pas d'importance, elle est malléable. Il suffit d'une minorité, ici Alistair, suffisamment attirante ou effrayante (voir les deux) pour précipiter les choses. Dans le fond, et malgré la lueur d'espoir du personnage de Miles, The Riot Club est un film profondément noir qui va au fond de son propos. Sa fin, glaçante mais ultra-réaliste, donne à réfléchir sur ceux qui nous gouvernent.
    Les loups gardent le troupeau.

    Immense surprise que The Riot Club. Plutôt discret depuis sa sortie, le long-métrage mérite franchement toute votre attention. Méchant, cynique et proprement glaçant, il mise en plus sur des aspects vraiment inattendus mais réjouissants. Emporté par une tripotée de jeunes acteurs excellents et par un scénario allant fouillé de plus en plus loin dans les recoins sombres de l'humanité, le film de Lone Scherfig constitue une grande réussite à ne pas louper.

    Note : 9/10

    Meilleure scène : L'appel à la révolte d'Alistair - La discussion finale


    votre commentaire
  • [Critique] Aguirre, la colère de Dieu


    Réalisateur de légende s'il en est, l'allemand Werner Herzog signe son troisième film en l'année 1972 avec Aguirre, la colère de Dieu. Grandement remarqué avec son premier film, Signes de Vie (rappelons qu'il a remporté l'Ours d'Argent à la Berlinale), le cinéaste porte son regard sur une épopée légendaire, celle de la recherche de l'El Dorado par les conquistadors espagnols. Véritable triomphe critique (le mot est faible), Aguirre s'installe durablement dans l'univers cinématographique comme un classique et un chef d'oeuvre. Si Aguirre marque une nouvelle étape dans la carrière d'Herzog, il marque également le début de sa collaboration légendaire avec l'acteur allemand Klaus Kinski. Malgré un tournage épique tant les deux hommes se détestaient autant qu'ils s'admiraient, Kinski livre une prestation mémorable. Près de 40 ans plus tard, nul besoin de cacher qu'Aguirre n'a rigoureusement rien perdu de sa superbe.


    XVIème siècle. Bernés par les indiens, les conquistadors espagnols cherchent avec frénésie le fameux El Dorado, la cité d'or. Une énorme expédition mandatée par Pizarro se perd dans la jungle amazonienne. Incapable de faire traverser tous ses hommes, Pizarro confie le commandement d'une équipe réduite à Pedro de Ursua. Il fait de Lope de Aguirre son commandant en second tout en ignorant que celui-ci nourrit une haine sans limite envers le trône espagnol et ne rêve que d'une chose ; établir son propre royaume. Bientôt confrontés aux Indiens et à la rigueur de l'Amazonie profonde, les espagnols s'éloignent de leur commandant. C'est le moment pour Aguirre de prendre les choses en main.

    Des falaises, une jungle impénétrable, des marécages impitoyables. Et une très très longue file d'hommes et de femmes. Parmi eux, des conquistadors en armures, de nobles dames, des indiens croulant sous leur charge et un noir. Dans cette ample et dantesque séquence d'ouverture aérienne et improbable, Herzog croque d'un coup tout ses personnages, sans une seule parole. Juste une musique, celle de Popol Vuh, mystique à souhait, pour tout dire, inoubliable. Passée cette entrée en matière scotchante, Herzog commence réellement son périple et ressert son groupe de protagonistes avec un triangle de puissants : Don Pedro de Ursua, don Fernando de Guzman et bien sûr, Don Lope de Aguirre. Ce dernier, campé par Klaus Kinski, jouit dès sa première apparition à l'écran d'un magnétisme et d'un feu intérieur unique, lové dans son regard tranchant comme l'acier. Dès lors, Herzog peut donc nous parler de son véritable sujet : le soif de pouvoir.

    On sent quasi-instantanément qu'Aguirre n'a qu'une seule ambition, prendre les choses en main et égaler les héros de son époque. Herzog installe la lutte des égos sous le regard et la voix sombre de Gaspar de Carvajal, le prêtre de l'expédition dont le récit inspire le film. Il rejoue sous nos yeux l'éternel cycle de l'ambition dévorante de l'homme, sa soif irrépressible de dominer et de conquérir, plus précisément de soumettre ses congénères. La rapide éviction de Ursua ne faisait aucun doute, elle a bien sûr lieu, aussi brutalement que promptement. Ce qui surprend par contre, c'est qu'Herzog laisse son anti-héros dans l'ombre d'un autre, puisque c'est Guzman qui hérite du titre ridicule et creux d'Empereur de l'El Dorado. Pourtant, c'est un coup de génie. Herzog en profite pour critiquer les chefs au pouvoir (quelqu'ils soient) en les montrant comme des pantins d'autres hommes bien plus intelligent qu'eux. Aguirre reste toujours le plus roublard en fin de compte. Le ridicule consommé de Guzman, dont l’embonpoint n'a d'égale que la lâcheté, culmine dans une scène de justice délirante et simplement mythique où, juché sur un trône de pacotille (Qu'est-ce qu'un trône si ce n'est une planche de bois recouvert de velours ?) Gunzman juge en roi absolu des sujets qui n'existent que dans son esprit.

    Puis vient la descente aux enfers avec la longue traversée du fleuve. Herzog intensifie encore l'impression de délire absolue de ce voyage, et tombe encore d'un étage dans la bassesse et la violence des hommes. Aguirre s'affirme toujours davantage et cette présence de plus en plus pesante va de pair avec une folie grandissante. Car tout ne pouvait finir que dans la folie. Peu à peu, Herzog change son message, il ne se contente plus de viser les puissants et les politiques, mais décoche ses traits contre la force la plus terrible de l'univers humain : Dieu. Aguirre, s'enfonce dans sa folie et finit par devenir l'image d'un Dieu vindicatif. C'est ici que le génie incommensurable de Klaus Kinski se déchaîne, alors qu'il laisse toujours davantage parler sa gestuelle menaçante et son visage terrifiant. L'acteur livre une prestation unique, tout simplement. C'est grâce à lui que l'on assiste à ce mythique monologue dans les décombres d'un village brûlé, c'est aussi grâce à lui que la fin d'Aguirre s'avère si marquante, lorsque l'épopée se fait totalement mystique, contamine de sa fièvre tout ce qui bouge à l'écran. Au cœur de la forêt amazonienne, Herzog filme la fin d'Aguirre et de ses hommes avec une maestria à couper le souffle. Impossible d'oublier cette scène finale où Aguirre chasse et rassemble les singes sur son radeau, tout en déblatérant un discours mégalomane fascinant. Herzog boucle son propos avec cette image d'un Dieu vengeur et fou à lier régnant sur des macaques apeurés et stupides. Parfaite métaphore de l'humanité d'hier et d'aujourd'hui.

    Aguirre restera toujours un chef d'oeuvre. Classique intemporel à la force picturale sidérante, mené par des acteurs sublimes et un Kinski possédé, le métrage de Werner Herzog fait de plus preuve d'une telle intelligence qu'il rentre instantanément dans la liste des plus grands films de tous les temps.
    Absolument, et définitivement, indispensable.

    Note : 10/10

    Meilleures scènes : l'Ouverture - la traversée sur les radeaux - la justice et le couronnement de Gunzman - L'attaque du village indien - Le monologue final

    Meilleure réplique :

    I am the great traitor. There must be no other. Anyone who even thinks about deserting this mission will be cut up into 198 pieces. Those pieces will be stamped on until what is left can be used only to paint walls. Whoever takes one grain of corn or one drop of water... more than his ration, will be locked up for 155 years. If I, Aguirre, want the birds to drop dead from the trees... then the birds will drop dead from the trees. I am the Wrath of God. The earth I pass will see me and tremble. But whoever follows me and the river, will win untold riches. But whoever deserts...

     


    votre commentaire
  • Voilà bien longtemps que Disney n'a plus fait de bons dessin-animés. Après l'hégémonie de Pixar, la compagnie aux grandes oreilles n'a su que récolter les miettes. Et ce n'est pas le médiocre anime La Princesse et la Grenouille qui a changé la donne. Pourtant, depuis quelques temps, la situation s'inverse avec la sortie coup sur coup du très sympathique Raiponce et du jouissivement rétro et nostalgique Les Mondes de Ralph. L'annonce de La Reine des Neiges, vieux projet ressorti des cartons et librement adapté d'un conte populaire laissait cependant mitigé. Vrai retour aux sources avec tout le côté barbant que cela implique ou retour au talent, celui qui avait fait des chef d’œuvres en série dans les années 90 ? En fait, la réponse s'avère un peu plus compliquée mais reste claire : une surprise !

    Le Royaume D'Arendelle jouit d'une grande stabilité et d'un épanouissement manifeste grâce au règne du roi et de la reine. Leurs deux filles, Elsa et sa petite sœur, Anna, sont inséparables. En outre, Elsa est née avec le pouvoir de contrôler la glace et le froid. Malheureusement, après un terrible accident, les choses changent et les deux sœurs s'éloignent. C'est seulement lors du couronnement d'Elsa que les choses vont s’accélérer et qu'Anna, splendide jeune femme extravertie va découvrir le monde... Mais Elsa, parviendra-t-elle à contrôler ses pouvoirs ou deviendra-t-elle la Reine des Neiges ?

    Le nouveau film d'animation de la compagnie Disney ne fait pas longtemps illusion sur sa provenance. Chansons directement et, soyons francs, un peu beaucoup au début (après la séquence d'introduction, une autre tout de suite, c'est un poil indigeste). Mais aussi princesses, reine, prince charmant, et bien entendu l'Amour. Les tares "Disneyiennes" restent bien présentes mais Frozen (le titre original bien plus élégant) a plus d'un tour dans son sac. Il n'y aura pas autre chose qu'une happy end, on s'en serait douté, et il y aura énormément de bons sentiments, un petit raz-de-marée. Mais soit. Les forces de Frozen ne résident pas là, et au contraire, le long-métrage garde ses forces pour le vrai show.

    Il faut immédiatement parler d'une chose. La séquence d'introduction, d'environ 10 à 15 minutes.
    Exemple parfait de l'enchaînement picturale où les personnages grandissent à vue d’œil, il n'est pas sans rappeler les premières minutes de Là-Haut par sa tristesse. Car oui, d'emblée la Reine des neiges nous prend aux tripes et, n'ayons pas peur des mots, rien que cette séquence où l'on découvre les deux sœurs, où se brossent leur amour et leur éloignement brutal, et où, sur la splendide (mais vraiment vraiment magnifique) et tellement nostalgique chanson "Je Voudrais un bonhomme de neige" (Encore plus belle en VO, "Do you want to build a Snowman ?") on voit Anna et Elsa grandir...Cette petite séquence est un véritable chef d'oeuvre, un petit joyau qu'on espérait plus, aussi fort que poignant. Forcément, la suite baisse d'un cran mais passe aussi dans un autre registre, plus comique peut-être, plus grand spectacle aussi.

    Du spectacle, il y en aura d'ailleurs ! L'animation et le graphismes laissent clairement pantois, tout est magnifique, et seul le choix du Character design des princesses peut laisser un brin moins enthousiaste. La séquence de "construction" du château de glaces fait d'ailleurs une énorme impression. Outre cette qualité plastique, c'est autre chose qui attire bien vite l’œil averti. Rapidement enfermé dans le schéma princesse naïve-prince charmant, le film roule tranquillement son monde. Le twist autour de la figure du prince charmant est un grand pied de nez à ce que représente le personnage pour la firme et le parcours initiatique d'Anna fait plus moderne que jamais dans le cadre du "ne croyez pas le beau parleur". Mais mieux, pendant longtemps, le dessin-animé n'a simplement pas de grand méchant, non vraiment aucun. Car la Reine des Neiges, Elsa, que l'on attendait dans ce rôle...ne l'est pas du tout et c'est là la plus grande force du film !

    Le personnage d'Elsa est une éclatante réussite, c'est même mieux encore que cela, c'est LA réussite de l'année 2013 côté personnages animées ! Ni méchante, ni gentille, constamment oscillante dans son état d'esprit, déchirée et touchante, elle est également dotée d'un sous-texte qu'on a simplement plus l'habitude de voir chez Disney ! Et quel événement d'autant plus délectable qu'il colle parfaitement à Elsa. Obligée de se cacher, de cacher ce qu'elle est, chose sur laquelle ses parents insistent lourdement, elle reste cloîtrée et à l'écart. Mine de rien, Disney livre un gros plaidoyer pour la féminité et même la sexualité car, de façon roublarde puis qu’occulté par la romance de la sœur, Elsa n'aura aucun prétendant. De même, c'est seulement à l'écart qu'elle se métamorphose en Reine des Neiges sexy en diable et se trouve "libérée" comme la chanson (sublime, la meilleure depuis la grande époque, avec Indina Menzel sur Let It Go) nous le décrit très bien. Idem, ce sera l'homme qui la ré-emprisonne...avant, seule de se libérer de ses chaînes et de s'émanciper. De là à y voir un vibrant et intense sous-texte féministe voir, sur l'homosexualité, il n'y a qu'un pas, que l'on pourra même franchir tant le tout s'accorde parfaitement. Pour un Disney, c'est un coup de maître.

    Mais jamais, au grand jamais, l'aventure n’ennuie. Anna et ses tribulations, sa rencontre avec Kriss et Sven, deux troublions géniaux et ultra-attachants ne fait que réjouir le spectateur. De même, arrive bientôt LE sidekick comique obligatoire du film Disney, et, surprise, Olaf le bonhomme de neige est...une immense réussite ! Rarement un petit personnage aura été aussi hilarant à chaque apparition (et pour une fois sa voix VF est géniale !) avec, il faut le noter, un passage halluciné sur l'envie d'être un bonhomme de neige en...été. Hilarant et très improbable, le genre d’excentricités qui fait du bien. Bien sûr, il y aura du moins bien et, les trolls par exemple, séduisent moins. Plus enfantin et peut-être un peu plus lourd que le reste. De même, le retour au château et toute la dernière partie s'avère prévisible mais dans l'ensemble assez agréable avec une fin heureuse comme tout Disney qui se respecte !
    Mentionnons tout de même la Bande-originale, de très grande qualité avec deux chansons phares, Let It go et Do you Want to build a Snowman, qui renvoient enfin une énergie et une qualité qu'on avait plus depuis un certain temps.

    Malgré des défauts encore assez nombreux et bien présents durant le film, La Reine des Neiges (ou Frozen) constitue la grosse surprise de fin d'année et un des meilleurs films d'animation de 2013. Hilarant, émouvant, intelligent, 3 maître-mots pour un cocktail décapant ! Courez-y !

    Note : 8.5/10

    Meilleure scène : L'introduction, une merveille !

    Meilleure réplique : "Faudrait lui dire quand même ?" et le "Elle sait peut-être pas frapper ?"


    1 commentaire
  • [Critique] Timbuktu

    César 2015 Meilleur Film français 
    César 2015 Meilleur Scénario original
    César 2015 Meilleur réalisateur pour Abderrahmane Sissako
    César 2015 Meilleure musique
    César 2015 Meilleure photographie
    César 2015 Meilleur son
    César 2015 Meilleur montage
    Prix du Jury Œcuménique de Cannes 2014


    Autre métrage pré-sélectionné pour l'oscar du meilleur film étranger, Timbuktu s'était taillé une excellente réputation au dernier Festival de Cannes. A tel point que certains le voyait déjà figurer dans le palmarès voir même remporter la Palme. Réalisé par le Mauritanien Abderrahmane Sissako, le long-métrage porte son regard sur un sujet aussi actuel qu'épineux : l'intégrisme musulman. Si Sissako est loin d'être un novice, il s'avère très dur en ces temps troublés de livrer un film autour des événements qui se déroulent dans nombre de pays africains, en l’occurrence ici le Mali. Seulement voilà, la question se pose, un sujet peut-il tout faire dans un long-métrage ? Timbuktu peut-il surpasser son postulat et être un vrai moment de cinéma ?


    Aux environ de Tombouctou, une ville du Mali tombée sur le joug des milices djihadistes, Kidane, un éleveur, vit avec sa femme Salima et sa fille Toya. Alors que les choses deviennent de plus en plus difficiles pour les habitants de la ville et que les intégristes s'immiscent toujours davantage dans la vie quotidienne des habitants, Kidane est confronté à une tragique erreur commise par un pêcheur des environs. La colère prenant le pas sur la raison, il risque de commettre l'irréparable. De son côté, Abdelkrim apprend à conduire depuis qu'il a intégré les milices et fait régner l'ordre islamique sur Tombouctou, un ordre aussi impitoyable que rigide. Quel avenir pour ces gens pris dans le nœud coulant du totalitarisme religieux ?

    On veut aimer Timbuktu, vraiment. Parce que le film respire la sincérité et l'engagement de la part d'Abderrahmane Sissako lorsqu'il nous décrit les conditions de vie infamantes des habitants de Tombouctou sous le joug des djihadistes ou lorsqu'il nous dépeint cette famille d'éleveurs modeste mais attachante. Le problème majeur, c'est que Timbuktu n'a quasiment aucune rigueur narrative. Pour tout dire, on a plus l'impression d'assister à un patchwork de situations révoltantes plutôt que de suivre une ou des histoires claires. Le film de Sissako passe sans cesse du coq à l'âne, abandonne ses personnages pour revenir bien après dessus...bref, il n'a pour ainsi dire aucune cohérence. Certes, il s'améliore un peu avec la seconde partie et ce fil rouge autour de Kidane... le soucis, c'est que cette histoire fait pièce rajoutée un tant soit peu attendue et cliché, quand bien même elle nous décrit encore un autre versant de l'horreur djihadiste.

    Cet énorme défaut empêche véritablement de s'attacher aux protagonistes à l'exception notable de Kidane ou de Toya - encore heureux - qui bénéficient au final du meilleur traitement. Dans le fond, Timbuktu se veut avant toutes autres choses une radiographie de l'état d'une ville africaine sous l'autoritarisme religieux. De ce côté, heureusement, Timbuktu s'avère une franche réussite. Sissako nous livre quantité de saynètes fortes en termes de dénonciation. Il arrive au cours de celles-ci à nuancer clairement et subtilement son propos et démontre la différence de taille qui existe entre djihadistes fou d'Allah et croyants musulmans. Ceux-ci sont les premières victimes des intégristes et se retrouvent à supporter des interdits de plus en plus insensés et de plus en plus contraignants. Sans même compter l'humiliation constante des femmes - le port du voile et des gants - ou des croyants - l'entrée armée dans la mosquée de combattants - c'est bien le désespoir de ces gens ordinaires qui est mis en avant d'une superbe façon. 

    On apprécie aussi grandement la vision intime de plusieurs djihadistes qui permet de prouver, s'il en était encore besoin, qu'il s'agit d'un groupement d'individus ignorants, faibles d'esprit ou en détresse psychologique manipulés par des fanatiques barbares. La scène du caméscope reste à cet égard une des meilleures du film. Outre la dénonciation de la charia, de la lapidation des femmes, de la violence psychologique, Sissako sait se faire poétique avec cette séquence sublime où des enfants jouent au football sans ballon puisque ceux-ci sont interdits. A l'arrivée, malgré la réalisation plus que correcte et parfois vraiment réussie du Mauritanien, on ne peut s'empêcher de penser que Timbuktu constitue un horrible gâchis tant sa dimension narrative est un ratage intégral qui a tendance à tourner à la simple accumulation de situations plutôt qu'à ériger un véritable long-métrage. Reste son message et sa vision, deux éléments essentiels qui pourront justifier le ticket d'entrée pour le spectateur intéressé par le sujet abordé.

    Déception formelle que ce Timbuktu. Alors qu'il bénéficie d'une réalisation de qualité et d'un fond qui confine parfois au génie, le film d'Abderrahmane Sissoko s'effondre sur lui-même en oubliant toute rigueur narrative. Une chose d'autant plus dommage que le métrage a des choses importantes et pertinentes à dire. Si vous pouvez passer outre ce défaut de mosaïque cinématographique, on vous conseillera Timbuktu sans modération.
    De là à lui attribuer l'oscar...c'est une toute autre histoire.


    Note : 6.5/10

    Meilleures scènes : l'entrée dans la mosquée des djihadistes - le football sans ballon - le mariage forcé - la chanteuse dans les rues de Tombouctou

    Meilleure réplique :

    "Ou est Allah dans tout ça ?"

    et... le culte "La colombe des mosquées"


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires