• [Exclu Critique] The Look of Silence

    Grand Prix du Jury Festival de Venise 2014
    Grand prix du jury Festival 2 Valenciennes 
    Prix de la Critique Festival 2 Valenciennes
    Prix des Étudiants Festival 2 Valenciennes


    Retour en arrière.

    En 2012, le réalisateur américain Joshua Oppenheimer dévoilait son premier documentaire intitulé The Act of Killing. Au bout de 160 minutes, le constat était simple : The Act of Killing était un choc d'une force très rare. Littéralement enseveli sous les récompenses de Berlin à Boston en passant par Toronto, le film avait inexplicablement et honteusement raté l'Oscar. En France, sa distribution était restée pour le mieux confidentielle et rares furent ceux ayant eu l'occasion d'admirer le travail du cinéaste. Un petit festival, organisé dans la ville de Valenciennes, avait pourtant diffusé et primé le documentaire. C'est donc tout naturellement que le second volet de la plongée en apnée de l'américain dans l'histoire Indonésienne se retrouve au Festival 2 Valenciennes en cette année 2015. The Look of Silence passe de l'autre côté du premier opus et se focalise sur les descendants des victimes du grand massacre de l'année 1965. Une nouvelle fois, Joshua Oppenheimer confronte la force des images qu'il a recueillies auprès des bourreaux au regard du spectateur. Lorsque le spectateur en question s'avère être le frère d'un supplicié, le récit prend une envergure nouvelle.

    A nouveau, Oppenheimer a été consacré cette année au festival de Valenciennes, raflant presque tous les prix à lui seul dans la sélection documentaire. The Look of silence s'étale sur une durée plus courte que son illustre aîné - 1h30 - mais condense son récit autour d'un des grands lieux de massacre lors du véritable génocide indonésien de 65, à savoir la rivière Serpent. Le réalisateur affirme immédiatement qu'il a évolué dans sa façon de filmer et la mise en scène de The Look of Silence s'en ressent. Étudiée, millimétrée, encore davantage que pour The Act of Killing, la réalisation s'appuie tout autant sur la minutie des plans que sur le montage sonore. Au gré des bourdonnements d'insectes ou d'une chanson triste indonésienne, Joshua continue à révéler et raconter. Il nous parle d'abord d'une chose inattendue : l'éducation. A travers une séquence ahurissante, il démontre de façon tout à fait brillante que l'histoire se modèle à partir des faits racontés par les vainqueurs. Même si la chose n'est pas nouvelle, Oppenheimer l'applique de façon abrupte et décisive lorsqu'il met en scène une classe à laquelle le professeur enseigne que les milliers de tués étaient des monstres communistes sanguinaires et qu'ils ont mérité ce qui leur est arrivé. Dès lors, insidieusement, Oppenheimer pose la question de l'histoire. Peut-on vraiment la croire ?

    Passant rapidement sur l'Histoire avec un grand H pour se recentrer sur des récits intimistes des horreurs passées, The Look of Silence va donc suivre cette fois un homme en particulier. Cet anonyme (forcément), sous couvert d'adapter des verres de lunettes, va rendre visite aux responsables du massacre dans lequel son frère a péri jadis. Comme pour The Act of Killing, on assiste aux témoignages - soit enregistrés, soit en direct - des assassins qui, aujourd'hui, peuvent tout dévoiler dans une totale impunité. L'un décrit comment il éventrait les femmes, l'autre aborde le problème de tuer un homme en lui arrachant le pénis, les derniers recréeront l'ultime acheminement des prisonniers à la Rivière Serpent. Toujours aussi écœurantes et surréalistes, ces scènes s'accompagnent cette fois du regard lourd de notre témoin indonésien. Le visage fermé, plongé dans une incompréhension totale, il regarde puis interroge les puissants au pouvoir ou les hommes de main devenus des vieillards ordinaires, allant à la mosquée comme de bons croyants. On retrouve la même sensation de vertige et d'embarras dans ces confrontations qui sont loin de tourner en séances d'excuses et de regrets.

    The Look of silence affronte de façon directe le gouffre du silence qui entoure désormais ce crime contre l'humanité. Le silence des bourreaux mais également des victimes, condamnées à se terrer, à vivre au milieu des assassins de leurs fils, de leurs maris ou de leurs femmes... C'est formidable puisque selon les divers témoignages des anciens tueurs, personne n'est coupable. Soit il faut s'adresser aux supérieurs de l'époque (ils ne faisaient qu'obéir), soit il faut les comprendre, la sécurité du pays l’exigeait. D'autres tombent dans la menace ou le déni, comme dans cette longue et embarrassante scène finale où toute la famille semble souffrir d'une amnésie soudaine. Le poids des images d'Oppenheimer se retrouve tout du long. L'américain mène un travail de mémoire tout autant qu'une forme de procès qui ne dit pas son nom. Entre les deux, on retrouve des traits d'humanité, comme les émouvantes séquences avec la grand-mère ou les éclats de rire d'une fillette. Qu'elles font du bien, ces scènes ! Car tout le reste affirme l'horreur de l'homme dans son plus simple appareil. Oppenheimer montre la souffrance mais aussi l'abjection. Des criminels et des monstres dirigent le pays, se baladent impunément dans les rues... et il faut oublier, ne pas remuer le passé. Mais à l'aune des récits autour du frère décédé, comment peut-on oublier ? Peut-on même pardonner ?

    C'est le dernier axe du documentaire : peut-on pardonner dans cette situation ? Joshua Oppenheimer touche du doigt quelque chose d'extrêmement fort, à nouveau, lorsqu'il aborde ce versant des choses, en confrontant le point de vue forcément amer de la mère dont le fils a été torturé puis coupé en morceaux, et celui du frère qui est né juste après cet épouvantable drame. En quelque sorte, Oppenheimer montre avec justesse que le pardon dépend totalement de la personne et des circonstances. Contaminée par une haine féroce et logique, la grand-mère ne le pourra jamais. Le frère, lui, amené devant un des coupables devenu vieillard sénile, trouve la force de serrer la main du bourreau et de le pardonner. Il brise le cercle. Le pardon, dans le film d'Oppenheimer, s'avère la chose la plus dure et la plus insurmontable qui soit. En sondant l'âme la plus noire possible de l'humanité, l'américain nous interroge sur notre propre capacité à oublier et pardonner. Faut-il céder au silence ? Doit-on crier dans la nuit ? Dans tous les cas, The Look of Silence révèle une nouvelle fois l'odieux, tout en passant sur un autre point de vue, peut-être un peu moins original que le précédent volet, mais pas moins marquant. 

    The Act of Killing était le meilleur film de l'année 2013 en France. Il ne fait aucun doute que The Look of silence se retrouvera dans le trio de tête de l'année 2015. Audacieux, marquant, fascinant, terrifiant, le second documentaire de l'américain Joshua Oppenheimer achève de convaincre du talent du jeune cinéaste. Il devient, avec ce second volet, un des documentaristes les plus importants de cette dernière décennie.

    Note : 9,5/10

    Meilleures séquences : L'école - La confrontation avec la famille du bourreau - Le pardon

    Meilleure réplique : Te souviens-tu de Ramli, ton fils ?


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  • [Court-Métrage du dimanche] Le Festin

    Pour ce dimanche, découvrez le court-métrage vainqueur de l'oscar d'animation cette année. Signé Disney, Le Festin raconte la vie d'un homme à travers les yeux de son chien.
    Un grand instant d'émotion.

    >> Mise à jour : Le lien ayant été coupé par Disney, voici un autre en entier sur DailyMotion.

     

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  • [Critique] L'ennemi de la classe



    Le mois de mars s'est avéré riche en petits films indépendants de qualité. Nous avons eu droit à Crosswind de l'estonien Martti Helde puis à Chelli d'Asaf Korman. Cette fois, c'est un film slovène, L'ennemi de la classe, qui sort discrètement sur nos écrans. Premier film de Rok Bicek, le long-métrage n'affiche là encore aucune tête d'affiche connu. Peu importe puisque le sujet se révèle assez intéressant et casse-gueule pour que l'on s'intéresse à cette histoire. Précédé par un buzz plutôt positif au gré des festivals indépendants qu'il a traversés, L'ennemi de la classe choisit de porter un regard dur et sans compromis sur l'éducation, à travers un fait divers tragique mais banal. Comment Rok Bicek peut-il arriver à étoffer son postulat de départ sans tomber dans le populisme éhonté ? La réponse en 112 minutes.


    Des lycéens tout ce qu'il y a de plus ordinaire doivent s'adapter au départ de leur professeur principal. Celle-ci, enceinte, se voit contrainte de céder sa place à Robert, un homme bien plus rigide et intransigeant. Forcément, le passage entre les deux modes d'éducation ne se fait pas sans heurt. Les choses en restent pourtant au traditionnel motif d'amour/haine entre élèves et enseignant... jusqu'au jour où l'une de leurs camarades se suicide. Profondément atteints, les jeunes se trouvent alors une nouvelle lutte commune : faire plier Robert, tout en le forçant à expier sa part de responsabilité dans le drame qui les touche. Plus qu'une simple fronde, la classe se retrouve déchirée par une véritable guerre de tranchées entre deux positions qui semblent inconciliables. Jusqu'où iront les lycéens pour chasser leur nouveau professeur ?

    Film sans prétention sur le plan de la mise en scène, L'ennemi de la classe se consacre tout entier à son sujet. Rok Bicek installe avec une aisance surprenante ses protagonistes - dont les nombreux lycéens que l'on suivra - et nous introduit dans un monde un peu bisounours par certains abords, où la prof est plus proche d'une copine que d'une véritable enseignante, où les élèves offrent un cadeau de départ et déplorent l'absence future de celle qu'ils semblent tous adorer... Bref, on nage en pleine utopie. L'arrivée de Robert, certainement aussi surpris de cette ambiance hippie que l'est le spectateur, va totalement changer la donne. D'un naturel plus dur et par certains côtés plus réaliste, le nouveau venu adopte également des règles strictes qui vont faire grincer des dents les lycéens, habitués à une éducation scolaire permissive. L'ennemi de la classe bascule après le suicide d'une des élèves, laissant planer le doute sur la responsabilité morale du nouveau professeur. Cet événement tragique mais apparemment sans lien avec les événement antérieurs va mettre le feu aux poudres et lancer Bicek sur une profonde réflexion autour de l'éducation, de la révolte et de la responsabilité.

    Bien que l'on adopte rapidement le point de vue plus mature et sensé de Robert, Bicek ne fait pas l'erreur de recourir au manichéisme le plus basique. Au contraire. Robert, magnifiquement interprété par Igor Samobor, ne représente pas l'archétype du prof compétent et aimable. Condescendant, imbu de lui-même et certainement par trop psycho-rigide, il va parfois trop loin dans sa façon d'aborder les règles sociales. Pour autant, il reste le personnage le plus sensé du film puisque les lycéens vont rapidement se diviser puis affronter avec une mauvaise foi toujours croissante le professeur honni. En un seul temps, le réalisateur slovène nous présente un cas typique de bouc émissaire mais également l'aboutissement de cette société bien-pensante moderne qui place le mot fascisme sur le devant de la scène dès que des règles sont imposées. L'ennemi de la classe se fait rapidement un réquisitoire contre l'escalade improbable de jeunes qui pensent tout savoir et qui, aidés par l'air du temps, vont accuser des pires horreurs leur professeur d'allemand. Cette sorte de tourbillon regroupe un certain nombre de tendances actuelles, de l'adolescent raciste et démagogue à la jeune fille rebelle qui n'a que le mot "nazi" à la bouche pour qualifier toute forme d'ordre sociétal. Cette synthèse morbide mais improbable se justifie par le bouc émissaire qui, au-delà des clivages de pensées, regroupe. Une démonstration simple mais efficace. 

    Là où L'ennemi de la classe se fait remarquable, c'est lorsqu'il cherche à mélanger rage et dérision. Le spectateur passe d'une frustration qui va crescendo devant le déchaînement d'absurdités enchaînées par les adolescents, encore accentué par la réponse maladroite du professeur, à l'humour contenu dans de savoureux passages comiques. Pour mémoire, et parce qu'elle est certainement la plus fameuse du film, on citera la scène où les parents se réunissent pour faire le point. Bicek prend un malin plaisir à transposer les manières de chaque élève dans les adultes présents à l'assemblée. On peut ainsi deviner sans qu'ils ne le disent qui est le père ou la mère de quel lycéen. C'est à la fois très drôle et parfaitement bien senti puisqu'au fond, les enfants ne sont que le produit de leur éducation parentale. Une éducation qui reste de bout en bout le point primordial du film sans que le réalisateur ne nous donne une réponse claire et définitive, nous laissant le choix des armes entre Robert et ses frondeurs. Reste que dans cette course à la bêtise et au dialogue de sourds, en définitive, personne ne ressort gagnant.

    L'ennemi de la classe ne mise pas sur sa réalisation ou son jeu d'acteurs - de très bonne tenue tous les deux au demeurant - mais bien sur son sujet de fond aussi captivant que véritablement bien traité. Rok Bicek nous offre un film intéressant qui suscitera certainement moult débats.  
    Certainement la marque d'un long-métrage posant des questions morales et sociétales pertinentes. 


    Note : 8.5/10

    Meilleures séquences : Le plaidoyer de fin de Robert - L'assemblée des parents - la lettre de la meilleure amie

    Meilleure réplique : 
    "Avant ils avaient peur de nous, maintenant nous avons peur d'eux, c'est comme ça que ça marche Robert"

     

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  • [Critique] Chelli


    Récemment, Mommy de Xavier Dolan a secoué son monde en traitant de manière magistrale un handicap lourd pour l'entourage familial : L'hyperactivité. Loin de la mise en scène exubérante du canadien, Chelli exploite un thème similaire. Premier film de l'israélien Asaf Korman, le long-métrage nous parle de la façon pour une jeune femme de gérer son existence alors qu'elle doit assurer le quotidien de sa sœur handicapée. Sorti en catimini sous nos latitudes, Chelli mérite pourtant que l'on s'y attarde quelques minutes malgré l'immense déception qu'avait constitué un autre film israélien récent, L'institutrice


    Chelli exerce comme surveillante dans un lycée. Si elle travaille au milieu des adolescents, à la fin de la journée elle rentre dans son modeste appartement pour retrouver Gabby, sa sœur. Leur mère ne voulant plus s'en occuper, il incombe à Chelli de surveiller Gabby et de l'aider au quotidien. Très lourdement handicapée, la jeune femme a de plus en plus de mal à supporter l'absence de Chelli la journée. A contrecœur, celle-ci envisage se placer Gabby dans une institution...jusqu'au jour où un nouveau venu au lycée entre dans sa vie. Zohar tombe rapidement amoureux de Chelli mais ne sait encore que peu de choses de sa vie. Il va bien vite découvrir que s'il désire construire un avenir avec celle qu'il aime, il devra composer avec l'omniprésence de sa sœur.

    Film discret, Chelli n'en reste pas moins tout à fait intéressant. Prenant le contre-pied du clinquant Mommy, Korman installe tranquillement ses deux personnages principaux et filme crûment leur quotidien. En quelques scènes, on comprend que Chelli est prisonnière de la charge que représente sa sœur mais également que leur relation reste unique envers et contre tout. Korman dépeint avec un réalisme touchant l'amour inconditionnel que porte Chelli à Gabby et comment celle-ci, entre les brumes de son handicap mental, lui rend son amour. Heureusement, tout le film ne se fonde pas sur cette démonstration de sacrifice familial. Chelli a l'intelligence de partir sur des terrains peu exploités à propos du handicap. L'israélien s’échine à présenter Gabby non pas comme une handicapée incapable du moindre acte quotidien mais bien comme une personne qui, bien que diminuée, reste humaine, avec ses pulsions et ses désirs, ses colères et ses joies. Certains passages - comme ceux autour de la sexualité - mettent dans un certain embarras, à l'image de la réaction de Chelli elle-même. Cette dernière change peu à peu de visage quand Korman installe son second axe de réflexion. Et si, finalement, la personne la plus dépendante de cette relation n'était pas celle que l'on croit ? C'est là tout le nœud du problème posé par le long-métrage.

    Chelli transfigure lentement la relation de départ et Korman joue sur cet échange en utilisant la présence de Zohar comme catalyseur. Le long-métrage explique comment adopter un rôle de soignant à plein-temps peut devenir un véritable besoin pour construire sa propre identité. C'est précisément là que Chelli touche juste. D'autant plus juste qu'il bénéficie du jeu d'acteur extraordinaire des deux femmes fortes du récit. Dana Ivgy et Liron Ben-Shlush assurent l'essentiel de l'intrigue grâce à leur incontestable talent. La seconde bluffe encore davantage, tellement impliquée à jouer Gabby que l'on oublie totalement l'actrice derrière. Une grande prestation. L'autre versant de Chelli reste la place de l'amour dans une relation si cadenassée. La façon dont Zohar s'immisce dans le quotidien des deux jeunes femmes réussit à briser le fragile équilibre mis en place par le film tout en mettant en exergue la tragique dépendance de Chelli à l'égard d'un rôle que la vie lui a imposé. Le point de vue différent de Zohar devient à ce point prégnant qu'à un certain moment l'intrigue bascule et que le rideau tombe, montrant la vraie faiblesse de Chelli, cette peur viscérale de perdre une relation fusionnelle qui a défini toute son existence jusqu'ici.

    Pour finir, Chelli montre de grandes qualités de réalisation. Korman sait faire oublier la présence de sa caméra pour capturer au mieux les instants intimes d'une vie ordinaire. Ou presque. Même si l'israélien ne laisse pas un souvenir impérissable dans les mémoires rien que par sa mise en scène, sa sobriété honore le récit. Il évite le piège du mélo facile et touche surtout à un instant de pure grâce lorsque Chelli réalise sa double-erreur en fin de métrage. Intense moment d'émotion qui permet de boucler la boucle en mettant en évidence ce que le récit cherchait à prouver depuis le début : l'individualité se construit coûte que coûte et une personne ne peut se définir par les relations qu'elle établit au cours de son existence. Chelli  - comme Gabby - est une femme avant d'être une sœur, le plus grand défi de son histoire reste de savoir se redéfinir. 

    Tout à fait inattendu, Chelli fait partie de ces petits films indépendants qui méritent une plus large visibilité. Grâce au talent indéniable de ses deux actrices, le long-métrage d'Asaf Korman peut développer en toute quiétude un nouvel angle d'approche centré sur le handicap mental. Une belle réussite que l'on vous recommande chaudement.

    Note : 8/10

    Meilleure scène : La réunion avec les autres personnes handicapés dans l'appartement

     


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  • Pour ce dimanche, The Leviathan, un court-métrage se Science-Fiction qui puise son inspiration du côté de Melville et revisite Moby Dick à sa sauce. Des images splendides qui laissent songeur ! 
    Attention à vos rétines !


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  • [Critique] Kingsman

    Depuis son Stardust, le britannique Matthew Vaughn nous offre un cinéma souvent déjanté mais toujours impressionnant niveau réalisation. Après X-Men First Class, une grande réussite au demeurant, il s'était fait bien plus discret. Il faut attendre une nouvelle collaboration avec son compère Mark Millar pour retrouver l'anglais au top de sa forme. Kick-Ass s'était intéressé aux vigilantes, cette fois Kingsman plonge sans vergogne dans le monde de l'espionnage... revu et corrigé à la sauce Millar, magnifié par la folie visuelle de Vaughn. Pour cette entreprise, il emmène Samuel Lee Jackson, Mark Strong, Colin Firth, Michael Caine et un petit nouveau en la personne du jeune Taron Egerton. Savant mélange de comics et d'espionnage vintage, Kingsman mise tout sur le fun. Un choix payant ?

    Harry fait partie d'un groupe top secret de super-espions. D'ailleurs personne ne l'appelle Harry. Surnommé Galahad pour les besoins de l'organisation Kingsman, l'homme prend un malin plaisir à recruter des membres peu orthodoxes issus de milieux plutôt défavorisés. Lorsque l'un des leurs meurt dans de tragiques circonstances, Galahad doit choisir son candidat à la demande d'Arthur pour les éliminatoires qui s'annoncent. Il porte son dévolu sur le jeune Eggsy, un gamin des quartiers sensibles de Londres et que rien ne prédestinait à devenir agent secret, si ce n'est un père qu'il a à peine connu dans son enfance, un Kingsman lui aussi. Confronté à un monde qu'il ne connaît pas et bientôt à une catastrophe planétaire qui risque de détruire l'humanité telle qu'on la connaît, Eggsy va devoir prouver sa valeur. Peu importent les circonstances...

    Kingsman s'avère autant le fruit de Vaughn que de Millar. On retrouve dans le long-métrage un certain nombre d'obsessions de l'auteur anglais avec une irrévérence prononcée, un goût pour le héros prolétarien, et surtout une bonne dose de dérision. Dès lors, pour ceux qui ont vu Kick-Ass ou qui lisent régulièrement du Mark Millar, Kingsman évolue en terrain connu. Heureusement, l'originalité reste de mise. Vaughn n'y étant d'ailleurs pas pour rien, grâce à sa mise en scène extrêmement dynamique et sa façon bien particulière de raconter une histoire d'espions à la sauce vintage. Le long-métrage, plus qu'un simple film d'action, se veut un hommage appuyé à un des monstres légendaires du Royaume-Uni, à savoir le fameux James Bond. Mais pas forcément celui d'aujourd'hui - style Daniel Craig - non Kingsman lorgne clairement vers les vieux James Bond où le kitsch le disputait à l'excès et où le méchant était aussi improbable que les entreprises incroyables de l'espion pour sauver le monde. Kingsman livre un vibrant hommage à cette culture de l'espionnage d'antan, verse dans le kitsch mais sans le dire - ses deux méchants particulièrement inattendus, aussi drôles qu'originaux - tout en gardant un côté purement second degré totalement jouissif pour le spectateur.

    Le métrage ne s'arrête pas là pourtant. Plus complet qu'un simple pastiche de James Bond à la sauce Millar, Kingsman profite d'une intrigue déjantée et d'un petit monde secret résolument cool à découvrir. On l'explore par les yeux du jeune Eggsy, incarné par un Taron Egerton bien meilleur que ce que l'on aurait pu croire, et dans l'ombre d'un monstre sacré avec le personnage de Galahad. Celui-ci bouffe en grande partie les autres acteurs à l'écran, et pendant longtemps Kingsman reste un peu son one-man show. Colin Firth livre une prestation charismatique et pleine de fougue, où le flegme anglais devient élégance d'agent secret. Même si, dans le fond, l'organisation reste une organisation secrète comme on peut en trouver dans des dizaines d'autres films (seuls les noms de code s'avèrent inattendus), Kingsman tire réellement son épingle du jeu grâce à la mise en scène dynamique de Millar, qui culmine dans l'hallucinante séquence de l'église où l'anglais lâche tout son talent dans une scène gore, intense, hautement jouissive et d'une lisibilité parfaite. Certainement la scène de combat la plus impressionnante de l'année. Tellement efficace et marquante que le reste du film aura bien du mal à retrouver le même niveau, à commencer par la fin bien pâlichonne en regard.

    Evidemment, Kingsman n'a pas que des qualités. Vaughn tire un peu sur la corde en nous présentant les éliminatoires des jeunes recrues, qui tournent rapidement à l'Eggsy Show et dont on connaît l'issue dès le départ. Trop long dans sa première partie, Kingsman va parfois également trop loin dans l'humour Millarien, où la surenchère se fait au détriment de l'élégance (cf la blague avec la princesse emprisonnée tombant dans le graveleux le plus pitoyable). Heureusement, le méchant et la critique acide du monde libre et de la technologie rattrapent ces faiblesses scénaristiques. Samuel Lee Jackson s'amuse comme un petit fou en incarnant un super-vilain décalé avec un cheveu sur la langue, et du fait, nous aussi. Frère diabolique et improbable de Steve Jobs ou de Xavier Niel, Richmond Valentine démontre que l'on obtient rien de réellement gratuit. Son assistante, tout droit sortie d'un méchant de James Bond à la Moonraker, ajoute un quota un peu plus menaçant pour Eggsy, tout en permettant quelques petites folies visuelles bien gores. En parlant de folies, il serait bien injuste d'oublier de mentionner l'explosion joyeuse de fin de métrage, aussi psychédélique que jouissive. Un mot qui s'applique décidément bien à Kingsman.

    Sans atteindre l'éclatante réussite d'un First Class, Kingsman renouvelle l'expérience irrévérencieuse de Kick-Ass avec une maîtrise filmique plus poussée et une triple dose de fun. En rendant hommage aux vieux James Bond de l'âge d'or des films d'espionnages, Vaughn donne une touche nostalgique et tendre à un film qui joue parfois les équilibristes mais qui, finalement, retombe toujours sur ses pattes. Un parfait moment de fun, de détente et de second degré assumé qui, même s'il peut paraître longuet par moment, respecte son cahier des charges avec brio.
    En somme, une nouvelle réussite au goût acidulé signée Millar et Vaughn.

    Note : 8/10

    Meilleure scène : L'église

     


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  • [Critique] America's got powers, Volume 1

     

    Image Comics est le quatrième éditeur de comics sur le marché américain. Créée par des pointures comme Todd McFarlane ou Jim Lee, la société a accueilli un certain nombre d’œuvres mémorables au fil du temps. En 2012, un nouveau projet débarque avec America's got powers. Malgré la réutilisation du thème super-héroïque, la série gagne petit à petit une excellente réputation. Ce qui intrigue pourtant, c'est que son scénariste n'est autre que Jonathan Ross, bien plus connu au Royaume-Uni pour son rôle de présentateur TV que pour ses talents d'auteur de comic book. Pourtant il ne s'agit pas d'un coup d'essai puisque l'anglais a déjà écrit Turf ou Revenge chez le même éditeur. America's got powers s'avère pourtant la grande entreprise de Ross qui trouve l'excellent dessinateur Bryan Hitch pour l'épauler dans cette tâche. Mais le coup de crayon de l'auteur d'Ultimates est-il le seul atout de cette nouvelle série prometteuse ?

    Alors que le soleil se lève sur la ville de San Franscico, ses habitants ne se doutent pas un instant que cette journée sera hors du commun. Du ciel tombe un immense et mystérieux cristal dont personne ne comprend bien la nature. Après quelques instants à flotter dans les airs, celui-ci explose en une vague d'énergie lumineuse aveuglante. Pourtant, personne ne meurt, personne n’est blessé. Seules les femmes enceintes de toute la région accouchent simultanément et donnent naissance à des bébés en pleine santé. Ces enfants deviendront bientôt la préoccupation principale des Etats-unis puisqu'ils se mettent à développer des dons tout à fait extraordinaires. Pour canaliser une jeunesse prête à se déchaîner, les autorités parquent ces nouveaux super-héros dans des camps et organisent une vaste émission de télé-réalité où les surhommes s'affrontent dans le but d'intégrer la super-équipe Génération-Pouvoirs.
    Tommy Watts regarde America's got powers comme tout le monde. Il fait partie de ces enfants pas comme les autres... sauf que lui n'a hérité d'aucun pouvoir.

    Il faut avouer que dit comme ça, le postulat de départ d'America's got powers ne déborde pas d'originalité. Le thème des super-héros venant au monde après un événement inexpliqué a déjà été traité ailleurs (l'extraordinaire Rising Stars de Joseph Michael Straczynski) et l'individu solitaire en quête de sens à sa vie ne se révèle pas un élément de première fraîcheur. Ainsi, la série démarre assez mal. Heureusement, le trait de Bryan Hitch n'a rien perdu ni de son dynamisme ni de son esthétisme. Le dessinateur des Ultimates offre des planches superbes et amples où les jeunes super-héros s'entrechoquent et où les couleurs fusent. On le sait pourtant, un trait magnifique ne suffit pas pour faire un vrai et bon comic book. America's got powers serait-il un pétard mouillé ?

    Loin de là. En développant son récit, Jonathan Ross s'éloigne de la problématique de départ autour de l'événement fondateur pour se concentrer sur la chose la plus intrigante de l'histoire, l'émission de télé-réalité. C'est précisément ici qu'America's got powers devient passionnant. Parodiant ouvertement les émissions du type Britain's got talent, Ross s'attaque en vérité à la manipulation médiatique et au voyeurisme. Les super-héros deviennent un prétexte pour dénoncer avec force la tendance perverse des téléspectateurs à regarder les choses les plus violentes en oubliant qu'il s'agit de véritables hommes et femmes derrière leur écran. L’arène où s’entre-tuent les adolescents est rapidement couverte par les cris de ferveur des fans, totalement aveugles au drame qui peut se jouer devant eux. Sous le motif de l'entertainment, le public est prêt à regarder mais surtout à accepter n'importe quoi. A commencer par parquer des enfants dans des camps, expérimenter sur eux toutes sortes de traitements, avant de les envoyer joyeusement se tabasser en leur faisant miroiter une place dans une équipe bidon. Ross touche du doigt une des plus épineuses et dramatiques questions de la société moderne.

    Meilleur encore, il s’intéresse au drame humain que vivent ces super-héros à travers Tommy, un zéro, dont le frère a péri dans l'émission et dont la vie ressemble à un vrai parcours du combattant. Autour de lui gravitent quelques personnages secondaires attachants, des objecteurs de conscience prêts à tout pour ne pas utiliser leurs pouvoirs et vivre le plus normalement possible. Seulement voilà, pour des raisons monétaires et rapidement militaires, ce genre d'individus devra vite arrêter de rêvasser. Ross montre comment, inévitablement, les autorités utilisent tous les instruments à leur disposition pour faire entrer les plus récalcitrants dans le moule. Tommy en fera l'amère expérience. Trois numéros donc pour commencer ce volume, c'est un peu court mais Panini nous livre une édition hardcover pour 13 euros, pas de quoi crier à l'arnaque, au contraire. Finissons par dire que les quelques articles de journaux glissés en début de chapitres apportent toujours de précieuses informations sur l'univers. Une plus-value appréciable.

    Pour ce premier volume, America's got powers dépasse son manque d'originalité initiale pour s'intéresser à notre société moderne bouffée par la télé-réalité et le voyeurisme malsain. Avec le trait toujours somptueux de Bryan Hitch, Jonathan Ross nous offre une excellente série dont on attend déjà avec grande impatience la suite !

    Note : 8/10

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  • [Critique] The Voices

    Prix du Jury Festival Gerardmer 2015
    Prix du Public Festival Gerardmer 2015

    Véritable révélation en 2007 avec son film d'animation Persépolis, l'iranienne Marjane Satrapi s'était faite plus rare par la suite du fait du succès tout relatif de Poulet au prunes et La Bande des Jotas. Pour son retour en cette année 2015, elle choisit de réaliser un long-métrage qu'elle n'a pas écrit (une première). The Voices quitte le registre habituel de Satrapi pour nous parler de Jerry, un américain moyen ou presque. Incarné par un revenant, l'acteur Ryan Reynolds, que l'on croyait définitivement enterré depuis sa prestation pitoyable dans le non moins pitoyable Green Lantern, Jerry a des choses à dire. Comédie caustique ou drame acidulé, The Voices nous entraîne aux côtés d'une brochette de personnages étranges dans un univers pourtant maintes fois exploré au cinéma : la schizophrénie.

    A Milton, la vie est douce. Dans cette paisible petite bourgade américaine, une seule chose sort de l'ordinaire : une fabrique de baignoires. Jerry travaille à temps plein dans cette petite entreprise où tout le monde se connaît. Enjoué, souriant, l'homme en devient même un peu trop expansif pour ses collègues. Comme nombre d'américains, Jerry consulte son psychiatre de temps à autre pour faire le point. Il faut bien. Après une dure journée de labeur, notre homme se repose avec ses deux compagnons à quatre pattes : son chien Bosco et son chat M. Moustaches. Tout est donc très normal dans le monde de Jerry. Enfin, si l'on excepte qu'il parle avec ses animaux et que ceux-ci lui répondent. En effet, Jerry ne consulte pas vraiment sa psychiatre pour un burn-out ou une dépression, non. Jerry est schizophrène. Du genre bien tapé et amoché par l'existence. Alors quand il décide d'arrêter ses cachets, la vie de Jerry prend une tournure un peu plus étrange encore.

    Si vous comptiez amener vos enfants voir un film avec des animaux qui parlent... vous risquez d'être surpris (et les enfants aussi d'ailleurs). Si vous veniez assister à un pur film d'horreur avec un psychopathe qui découpe les gens en morceaux dans une atmosphère glauque... vous risquez également d'être surpris. The Voices refuse de rentrer dans une case. Le dernier film de Marjane Satrapi n'est ni un drame, ni une comédie, ni un film d'horreur. Il est les trois à la fois, et parfois en même temps. Un peu comme certains films coréens (The Host par exemple). Le genre de choses qui déstabilise forcément le public lambda européen. Ce serait pourtant extrêmement dommage de passer à côté de cette petite sucrerie sanguinolente à la saveur improbable. Bien sûr, on a déjà vu Fight Club ou Shutter Island, bien sûr la schizophrénie au cinéma n'est plus un sujet original... Mais, heureusement, il reste des réalisateurs et des scénaristes capables de l'aborder de façon originale.

    The Voices fait le pari de montrer la schizophrénie par les yeux du schizophrène, en l’occurrence notre bon Jerry. C'est là justement que Satrapi touche juste. Par la perception de Jerry, la réalité s'en trouve déformée. Sans ses cachets, elle devient une sorte de conte de fées où les gens font la chenille, où la fille qu'il drague prend des airs de princesse et où les chariots-élévateurs forment un ballet classique. La réalisatrice iranienne se lâche carrément, infiltre les codes du conte dans un film de serial-killer, et le résultat est aussi sidérant que rafraîchissant. Les choses sérieuses commencent pourtant lorsque Jerry arrête ses cachets et lorsqu'il se souvient parfois de son enfance. Alors Satrapi bascule. Elle change sa mise en scène, sa musique, ses décors, bref elle change tout. Et The Voices devient un affreux film d'horreur des plus glauques... avant de redevenir tout mignon avec un chat diabolique et un chien débile. Incarnant les voix dans la tête de Jerry par ses animaux, Satrapi fait fort. Elle parvient à la fois à représenter de façon convaincante la folie de Jerry mais aussi à faire rire le spectateur. 

    Pourtant, ce n'est pas tout. Là où The Voices épate, à part ses renversements soudains de ton, c'est dans sa capacité à rythmer une intrigue qui fait non seulement avancer un récit prenant et scotchant, mais qui approfondit le personnage torturé de Jerry pour en donner une image extrêmement touchante et proche de la réalité. Bien loin de cataloguer son héros - ou son anti-héros - comme un psychopathe, un fou ou une victime, Satrapi adopte le même procédé que pour le genre du film dans son entièreté. Jerry est un peu des trois à la fois. L'iranienne arrive à montrer que non, contrairement aux idées reçues sur les fous, les juger s'avère d'une complexité extrême. En Jerry se terrent certes un psychopathe, mais également un pauvre bougre innocent et qui ne veut de mal à personne. Dès lors, The Voices devient une succulente plongée dans l'esprit d'un homme fragmenté... dissocié pour être précis. Pourtant, Marjane Satrapi n'y va parfois pas avec le dos de la cuillère. Amis de la boucherie et du sciage de membres, réjouissez-vous, The Voices contient son lot de scènes gores. Mais le constant décalage entre celles-ci et la vision qu'en a Jerry achève de régaler. Oubliez le sérieux de Dexter, découper les gens est en fait une toute autre histoire.

    Rendons honneur pour terminer à la personne qui rend tout cela possible, à savoir Ryan Reynolds. L'acteur américain avait sombré avec le navire Green Lantern, mauvais comme pas possible et qui avait, semble-t-il, poussé ce cher Ryan à jouer comme un cancre. Oubliez tout cela, Reynolds vient se faire pardonner. Dans The Voices, il est simplement magistral. Sa capacité à passer du personnage tout à fait sympathique et joyeux au plus terrifiant des psychopathes laisse pantois. Son sourire béat, son visage crispé, ses explosions de colère... et puis les voix des animaux qui, rappelons-le, sont les siennes. Même si Gemma Aterton, Anna Kendrick et Jacki Weaver sont excellentes dans leurs rôles respectifs, il faut bien avouer que LA star du film, c'est lui. C'est grâce à son talent incroyable que Jerry prend vie et que les ruptures du récit se font palpables. On appelle ça un come-back exceptionnel. Chapeau l'artiste.

    The Voices va en surprendre plus d'un. On parie même qu'il va inciter une partie de ses spectateurs à quitter la salle, déstabilisés dans leurs attentes. Le dernier bébé de Marjane Satrapi est pourtant un délice qui mélange humour noir, tragédie et horreur. On se régale du début à la fin, porté par l'interprétation impeccable de Ryan Reynolds et par une histoire aussi intelligente que fascinante. 
    Miaou !

    Note : 9/10

    Meilleure réplique : "Did you fuck that bitch ?"

    Meilleure scène : Le changement de l'appartement lorsque Jerry arrête son traitement

     

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  • Pour le retour de la rubrique du Court-métrage du dimanche, un petit plaisir SF bien noir et mélancolique avec le destin d'un robot désespérément seul dans un Paris abandonné.
    C'est 100% Français, réalisé par Isart Digital, et surtout 100% excellent !

    "Salut, je m'appelle Léo. Viens jouer avec moi s'il te plait"


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  • [Critique] Birdman
    Meilleur Film Oscars 2015
    Meilleur Réalisateur pour Alejandro Gonzalez Inarritu Oscars 2015
    Meilleur scénario original Oscars 2015
    Meilleur acteur dans une comédie pour Michael Keaton Golden Globes 2015
    Meilleur Film Independant Spirit Awards 2015
    Meilleur Acteur Independant Spirit Awards 2015
    Meilleur réalisateur Directors Guild of America Awards 2015
    Meilleur ensemble d'acteurs Screen Actors Guild Awards 2015
    Meilleur film Producers Guild of America Awards 2015

    Non, Guillermo Del Toro n'est pas le seul mexicain à avoir réussi à percer aux USA. La dernière cérémonie des Oscars l'a d'ailleurs prouvé de façon tout à fait éclatante. Alejandro Gonzalez Inarritu peut désormais se targuer d'avoir empoché le précieux sésame au nez et à la barbe de Benett Miller ou de Clint Eastwood. Si ce nom ne vous dit rien, c'est peut-être parce que le bonhomme n'avait pas encore la publicité dont il a bénéficié grâce à l’irrésistible ascension de son dernier film, Birdman. Après le magnifique 21 grammes, Inarritu avait connu une baisse de régime avec Biutiful, beaucoup moins bien accueilli par la critique. Pour son dernier film, le mexicain s’est entouré d'une remarquable brochette d'acteurs, tout en se payant le luxe de ressusciter un Michael Keaton qu'on n'espérait plus. Véritable triomphe pendant la saison des Oscars, Birdman a donc logiquement consacré Inarritu en tant que meilleur réalisateur. Un titre mérité ?

    Mondialement connu pour son rôle de super-héros dans le film Birdman, Riggan Thomson est devenu ce que l'on peut appeler un has been. Il vivote de petits rôles en petits rôles, jusqu'au jour où il décide de monter sa propre pièce à Broadway. Malheureusement, son étiquette de super-héros lui colle à la peau et la critique comme ses collègues ont du mal à voir en lui le véritable artiste qu'il est. Pour tâter le terrain, il organise des séances de répétitions générales ouvertes au public pour tester le potentiel de sa pièce. Entre acteurs névrosés et vieux démons, Thomson doit aussi gérer sa propre vie privée et notamment sa fille Sam. Peut-il vraiment redorer le blason qui fut le sien ou devra-t-il éternellement vivre dans l'ombre de son alter-ego héroïque ?

    Pour mettre en scène Birdman, Inarritu opère un choix audacieux. Il filme en effet tout en un seul plan-séquence. Comprenez qu'il n'y a jamais de coupure dans son montage et que la caméra glisse sur les personnages pour suivre l'action. Cet exercice de style aussi casse-gueule que réjouissant parvient à immerger le spectateur au plus près des acteurs qu'il va côtoyer pendant plus de deux heures. Mais cette forme maîtrisée de bout en bout ne doit pas faire oublier que le petit jeu du mexicain a un but précis. Nous y reviendrons plus tard. Il faut d'abord parler de la mise en abîme sur laquelle joue Inarritu en recrutant Keaton pour interpréter son premier rôle. Cet immense acteur a en effet disparu des écrans depuis son rôle de Batman chez Burton. Depuis, il n'a cessé de vivre dans l'ombre et n'a jamais, jusqu'ici, retrouvé l'occasion de prouver son talent. Forcément, incarner Riggan Thomson, un acteur piégé par son rôle mythique du super-héros Birdman, n'a rien d'innocent. Le Mexicain s'amuse à infiltrer le réel dans la fiction et le résultat, pour peu que l'on connaisse un peu l'histoire de Keaton, est brillante. Cette première pierre permet de poser l'édifice critique du système que livre Inarritu dans Birdman.

    Avant d'être un film comique, Birdman est avant toute chose une grinçante satire du monde du cinéma et du théâtre. On y croise un acteur tellement fan de la méthode actor's studio qu'il en devient incapable d'être lui-même - génialissime Edward Norton -, un agent qui ne pense qu'à faire du chiffre et du sensationnel avec un Galifianakis inattendu mais savoureux, ou encore une critique professionnelle tellement certaine qu'elle va détester une oeuvre à l'avance qu'elle promet de la fusiller sans même l'avoir vue. Caricature en plusieurs actes du tout Hollywood, Inarritu flingue la performance d'acteur pour mettre au centre un individu plus effacé mais tellement plus poignant en la personne de Riggan Thomson. Michael Keaton, extraordinaire de bout en bout, fera taire toutes les mauvaises langues et touche au plus juste. Sa prestation aurait dû d'ailleurs en toute logique lui valoir l'Oscar. Il est donc confronté à diverses personnalités aussi étranges que pathétiques qu'Inarritu tourne en dérision avec un plaisir non dissimulé. Il aime également à fusiller l'intelligentsia établie qui ne supporte pas qu'une oeuvre puisse être bonne, avoir du succès et être produite par quelqu'un qui n'est pas de leur bord. Sur ce point, Birdman assure.

    Lorsque le film se met à aborder le problème existentiel de l'identité, il passe à la vitesse supérieure. La schizophrénie du héros principal ne fait, dès le départ, aucun doute. Inarritu n'épargne donc pas non plus son principal personnage. Faut-il être un peu fou pour devenir acteur ? Certainement, semble répondre le réalisateur. Après tout, difficile de ne pas l'être en passant son existence entière dans la peau d'un autre. Où s'arrête la comédie et où commence l'identité, le soi ? C'est une des problématiques abordées avec succès par Birdman qui va au fond des choses au cours d'une fabuleuse séquence où le fameux Birdman prend vie. Inarritu continue dans le même temps sa critique en règle du cinéma moderne et va jusqu'à viser le spectateur lui-même, drogué au blockbuster, incapable d'apprécier une vraie réflexion et un vrai fond sans un tas d'explosions ou de surenchère pyrotechnique. Et si les coupables de la déchéance de Riggan/Keaton, c'était nous ? Bien évidemment, le film prend plaisir à tancer gentiment la nouvelle mode du super-héros en rappelant que ceux qui ont auparavant tenté l'entreprise dans les années 80 étaient les vrais pionniers. Ceux qui prenaient tous les risques à une époque où le super-héros était kitsch. 

    Enfin, là où Birdman achève de convaincre de son statut de petite pépite, c'est lorsqu'il intrique l'émotionnel d'un Keaton condamné à se brûler les ailes et la lecture mythologique du film. Revenons-en donc comme promis à ce procédé du plan-séquence où la caméra glisse sur les murs, se tourne et se retourne, happant les acteurs au passage. Pourquoi un tel choix au final ? Pas du tout pour le côté clinquant de la chose - ou pas que du moins - mais pour donner la sensation de se perdre dans les couloirs de ce théâtre asphyxiant, entre les murs sans vie et les loges culs-de-sac. Le cheminement de la caméra donne une allure de labyrinthe au récit, où Riggan se retrouverait piégé, incapable de dépasser sa propre condition d'acteur has been. Evidemment, Innaritu ne s'arrête pas là et l'on comprend rapidement que Riggan n'est pas simplement un double de Keaton mais également un Icare en puissance, prêt à se brûler les ailes pour connaître la gloire. Ce n'est pas rien si le final se place en dehors du théâtre, laissant entendre qu'il a appris à voler, s'extirpant du labyrinthe de Dédale comme le héros de la mythologie grecque. Roublard, Inarritu ne nous dira pas s'il finit de la même manière, laissant le sourire de la malicieuse Emma Stone nous donner une indication précieuse. C'est donc bien un petit tour de force pétri d'intelligence que nous livre le réalisateur mexicain.

    Avec sa triple mise en abîme réalité/fiction/mythologie, Birdman jouit de l'intelligence d'écriture fantastique d'Alejandro Gonzalez Inarritu. En y ajoutant une pléiade d'acteurs truculents, un humour caustique au service d'une critique acerbe du cinéma moderne ainsi qu'une maestria indéniable dans sa mise en scène, le long-métrage s'impose naturellement comme le vainqueur logique des Oscars. Birdman constitue certainement le film le plus intéressant dans le fond et dans la forme de ce début d'année, aux côtés du grandiose Foxcatcher.

    Note : 9.5/10

    Meilleure scène : L'altercation avec la critique - Birdman devenant un blockbuster

    Meilleure réplique : "Let's make a comeback"

     

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