• [Critique] Dear white people

    [Critique] Dear white people

    La satire sociétale reste, encore à l'heure actuelle, un des genres les plus délicats à négocier. Pour son premier film, Justin Simien choisit justement de s'y frotter, et pas en abordant n'importe quel aspect. En effet, Dear White People parle du racisme et de la difficulté d'être noir dans un monde de blancs. Acclamé à Sundance - il a même récolté le prix spécial du jury - le premier long-métrage de l'américain n'affiche aucun acteur bankable et parie entièrement sur son scénario. On ne peut cependant s'empêcher de craindre le film caricatural et grossier, un peu à la Spike Lee d'aujourd'hui. Entre drame et comédie, Dear White People arrive heureusement à trouver un juste milieu. Bienvenue sur un des campus américains les plus prestigieux : l'Ivy League.

    Les esprits sont en ébullition depuis l'ouverture d'une nouvelle radio sur le campus universitaire : Dear White People. Gérée par la caustique Samantha White, l'émission se propose de se moquer gentiment - et méchamment aussi - des étudiants blancs. Rapidement, les choses prennent une tournure pour le moins inattendue quand Samantha se retrouve prise entre son groupe d'amis noirs prônant l'action et son petit ami blanc qu'elle a presque honte de fréquenter. De l'autre côté, Lionel ne supporte plus sa résidence où il est harcelé par ses colocataires. Il décide alors d'intégrer la seule résidence 100% noire (ou presque) du campus. Une occasion en or pour un des journaux étudiants les plus en vogue d'infiltrer la petite communauté. D'autant plus que les élections du chef de résidence sont proches et que le très conformiste Troy va devoir affronter Samantha White dont l'émission n'a de cesse de faire grandir la popularité.

    L'énorme souci des films du genre de Dear White People, c'est de tomber dans la caricature. Dans un premier temps, on a d'ailleurs très peur de ce phénomène avec une mise en scène un tantinet clipesque et poseuse où l'on voit défiler les différentes résidences du campus. L'impression s'intensifie avec la présentation rapide des protagonistes, véritables clichés ambulants. Puis...Simien affine ses choix et déroule son propos. Grossièrement, on distingue quatre personnages principaux : Troy, le noir style Barack Obama lisse et propret, Coco, la diva superficielle qui se rêve Beyoncé, Lionel, qui cumule d'être noir, d'avoir une coupe afro et d'être gay et Samatha, la rebelle qui voit du racisme partout. Simien ne met pas en avant ces quatre personnalités par hasard. Il en profite pour montrer diverses facettes de la vie noire aux Etats-Unis (Il en plaisante admirablement d'ailleurs avec une classification très juste).

    Dear White People illustre avec brio les difficultés de rapport entre communautés. Parce que chaque communauté perçoit l'autre avec les préjugés qu'on leur a inculqué. C'est pour cela d'ailleurs que l'émission de radio de Samantha est d'autant plus drôle, parce qu'elle tape juste sans forcer. Cependant, loin de se concentrer uniquement sur cet aspect, le long-métrage fait la part belle à la perception du racisme dans la société moderne. Là ou Simien aurait pu tomber dans le discours archi-barbant du "le racisme c'est les blancs qui dénigrent les noirs", il se fait plus subtil. Il renvoie dos à dos les deux extrêmes qui se veulent tellement sûr de leurs positions : les blancs qui prétendent que le racisme n'existe plus, les noirs qui pensent que tous les blancs sont d'affreux monstres racistes. A cet égard, l'immense réussite du long-métrage, c'est bien l'évolution de la caractérisation des personnages.

    Au premier plan se trouve Samantha, incarnée par la géniale Tessa Thompson. Simien construit un personnage ridicule tant elle est obnubilée par la question du racisme (la réplique avec les Gremlins est à mourir de rire), pour mieux nous la nuancer par la suite et finir par la rendre extrêmement touchante dans une scène finale sublime. Il en va de même de Lionel, interprété par le talentueux Tyler James Williams. Alors qu'il devrait cumuler les clichés, le personnage se révèle un vrai délice, loin des préoccupations militantes de Samantha mais tellement plus juste...jusqu'à ce qu'un événement le fasse légitimement sortir de ses gonds. Les deux autres - Troy et Coco - ont également leurs moments de gloire, mais c'est avant tout la question sociale traité avec une grande lucidité qui touche dans Dear White People. En défendant le droit des noirs et en réprimant le racisme ordinaire, l'américain remet tout le monde en place, aristos blancs comme sous-Malcolm X. 

    On pourra reprocher à Dear White People de ne pas assez se démarquer en terme de mise en scène, de verser un peu trop dans les archétypes du cinéma indé, mais la force et l'humanité de ses personnages finissent par emporter l'adhésion, surtout avec ce savant cocktail d'humour et d'intelligence dont fait preuve Justin Simien. En se moquant des groupes d'actions noirs devenus aussi racistes que ceux qu'ils dénoncent, il arrive à prouver que la seule vérité qui compte à l'heure actuelle, c'est qu'il faut mettre à bas les à priori et les préjugés. Les regards haineux et dégoûtés des noirs épiant un couple mixte à la fin montre qu'il reste encore beaucoup de chemin à faire. Dear White People s'avère autant un appel à la raison à propos du combat contre l'injustice qu'un sérieux recadrage sur les limites du militantisme qui, de toute façon, ne mène nul part sans vraies actions.

    Cette bonne surprise du cinéma indépendant américain rappelle que de jeunes auteurs talentueux continuent d'arriver dans le milieu. Avec Dear White People, Justin Simien prouve qu'il a tout pour supplanter ses aînés. Une comédie savoureuse, intelligente et aux personnages délicieux.
    Rien de moins.

    Note : 8/10

    Meilleure réplique : "Il n'y a rien de plus vendeur après des noirs débiles que des blancs racistes."

    Meilleure scène : L'histoire de Samantha en fin de métrage.

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