• [Critique] Flore

    [Critique] Flore


    Jean-Albert Lièvre
    n'en est pas à son coup d'essai avec Flore. Déjà co-réalisateur du Syndrome du Titanic avec Nicolas Hulot, le monsieur décide cette fois de nous livrer quelque chose de beaucoup plus intime. En effet, Flore est un film-documentaire entièrement consacré à la mère du réalisateur, une vieille dame atteinte d'une maladie dégénérative de plus en plus fréquente avec le vieillissement de la population : Alzheimer. Il tente, avec les meilleures intentions du monde, de nous décrire comment, sortie de certains établissements type EHPAD et autres organismes privés, Flore revient à la vie au contact de son foyer, la Corse. Cependant, au-delà de ce simple parcours, Jean-Albert Lièvre propose un autre regard sur la maladie et, sur sa prise en charge. Et c'est justement ici que le bât blesse.


    Grossièrement, Flore se scinde en deux parties. La première retrace la dégradation rapide de la patiente ainsi que de ses fonctions cognitives, mais également son placement institutionnel. La seconde, naturellement, suit la sortie de Flore et son retour en Corse, accompagnée de son fils. D'un point de vue purement formel, le documentaire du français est assez convaincant, très bien monté et c'est, surtout, une très belle déclaration d'amour d'un fils envers sa mère. Il faut avouer que, sur ce versant, qui occupe la plus grosse partie de la seconde moitié du film, Jean-Albert Lièvre livre quelque chose de touchant. Ses efforts pour s'occuper de sa mère, les quelques instants volés entre lui et celle-ci, tout cela constitue une franche réussite. Si tout le documentaire avait pris ce parti, Flore aurait été une magnifique expérience. Malheureusement, ce n'est pas le cas.

    L'énorme problème de Flore, c'est le regard que porte le réalisateur sur la prise en charge de la maladie. Il dénonce le comportement de certains établissements et fustige l'emploi abusif de médicaments et autres contentions. Seulement voilà, Jean-Albert Lièvre frise la malhonnêteté. Tout d'abord parce qu'il se garde bien de préciser qu'il n'est pas une personne lambda et qu'il dispose d'un sacré salaire pour se permettre de retirer sa mère dans une maison magnifique en Corse entourée de 3 soignants différents pour l'accompagner. Impossible déjà de tenter une généralisation de ce que propose Jean-Albert Lièvre puisqu'en l'état, notre système de santé en serait incapable (imaginez si chaque patient Alzheimer avait 3 personnes pour lui seul... c'est rigoureusement impossible). Rapidement, on constate que le français s'enfonce dans un ton hautain et moralisateur. Oubliant que les hôpitaux, les EHPAD et autres structures ne disposent pas des moyens pour s'occuper comme il le fera de sa mère, il biaise les informations qu'il donne au spectateur.

    Comment réagir, pour un non-soignant, à la mention de neuroleptiques, de sédation ou de contentions ? Comment prendre cette position du réalisateur qui s'interroge sur le fait qu'il n'est pas témoin de l’agressivité de sa mère ? En fait, Jean-Albert Lièvre s'engage de lui-même sur le terrain de la glorification de la médecine allopathique (pas entièrement mauvaise mais insuffisante en soi) sans adopter aucune nuance et ne présenter aucun argument viable. Il ne fait que titiller la fibre émotion-indignation du spectateur qui, s'il n'a jamais eu à traiter une patiente Alzheimer, va croire sur parole des mensonges éhontés. Jean-Albert Lièvre ne dit jamais qu'il est souvent impossible de ne pas recourir à la médication face à l’agressivité d'une démente, ne parle jamais des autres patients qu'elle pourrait mettre en danger ou pire, se mettre elle-même en danger. Le film devient bancal car finalement, en s'engageant dans une pareille aventure de critique du système, Jean-Albert Lièvre révèle qu'il n'a pas les moyens intellectuels ni les arguments pour une telle entreprise. Flore aurait pu être une belle histoire, à prendre comme un cas-miracle et singulier, offrant des pistes de réflexions intéressantes pour la prise en charge, mais non. En jouant la carte de la généralisation sans nuance, en oubliant qu'il possède un salaire que les trois quarts des français ne peuvent se permettre, en oubliant qu'il n'a jamais dû gérer un service, en oubliant que les moyens manquent et que les gouvernements successifs n'ont jamais rien fait, il se trompe de cible. On en arrive à une pseudo-charge contre le monde hospitalier, jamais argumentée, qui donne un arrière-goût de franche malhonnêteté à l'ensemble.

    Malgré de bonnes intentions évidentes, Jean-Albert Lièvre adopte un ton tellement moralisateur dans une bonne moitié de son documentaire qu'il fiche en l'air le sublime témoignage d'amour que constitue son film. A regarder pour cet aspect en oubliant rapidement le reste, qui, malheureusement, est une grosse déception.

    Note : 5/10

    Meilleure scène : Flore qui prend la tête de son fils pour l'embrasser sur le front, en Corse.

    N.B :
    Le film a été vu en avant-première en présence du réalisateur qui a affirmé que cet aspect de charge du système n'était ni intentionnel ni le but premier du métrage.
    Malheureusement, il n'a jamais répondu aux remarques sur la façon tronquée dont il abordait les choses dans son documentaire... tout en affichant une malhonnêteté évidente en laissant entendre que la recherche sur les médicaments curatifs de la maladie n'était, tout simplement, pas nécessaire.
    De quoi douter davantage de la vision offerte par le film...



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