• [Critique] Gone Girl

    [Critique] Gone Girl

    A l'occasion de son dixième film, l'américain David Fincher - à qui l'on doit des métrages aussi brillants que Se7en ou The Social Network - adapte un roman de Gilian Flynn, Les Apparences. A mi-chemin entre thriller et policier, le long-métrage, intitulé Gone Girl, a recruté quelques têtes connues pour l’occasion. Ben Affleck, Rosamund Pike, Neil Patrick Harris ou encore Kim Dickens. En spécialiste du genre, Fincher se devait de prouver qu'il avait conservé tout son talent après le décevant Millénium (non pas que le film soit mauvais mais il ne s'agit que d'un remake). Gone Girl possède de solides arguments pour que le roi du thriller conserve sa couronne...

    Un beau jour, alors qu'il s'apprête à célébrer son cinquième anniversaire de mariage, Nick Dunne constate que sa femme, Amy, a disparu. Immédiatement, il contacte la police qui ouvre une enquête et fouille son domicile. Alors que les jours passent, les choses s'organisent pour rechercher la disparue. Site internet, numéro d'appel spécial, réunions, battues... tout est fait pour retrouver la jeune femme. Mais bien vite, la police se met à soupçonner Nick, dont le couple trop parfait commence à se fissurer. Derrière cette image trop idyllique se cache un homme plus violent et moins fidèle que ce qu'il veut bien avouer. Peu à peu, l'opinion se retourne contre Nick qui n'a plus d'autre solution que de prouver son innocence avec l'aide de sa sœur, Margo...

    Gone Girl partage beaucoup de points communs avec un des films précédents de Fincher, et cela de façon totalement inattendue. Alors que l'on pensait logiquement que cette histoire de disparition renverrait plus directement à Se7en ou Millénium, c'est à The Social Network que nous fait furieusement penser ce nouveau long-métrage. Pourtant, tout commence comme une enquête policière lambda, à ceci près que des flashbacks autour de la vie de couple de Nick et Amy viennent s'intercaler dans le récit. On constate d'emblée que Fincher n'a rien perdu de sa puissance formelle. Chaque plan et chaque séquence sont pensés, repensés, minutieusement filmés. L'ambiance si particulière qui constitue la marque de fabrique de l'américain se retrouve dès le premier flash-back avec la scène du baiser dans la "tempête" de sucre. Si de ce côté Gone Girl est une pure réussite, il ne faut pas oublier le penchant de Fincher pour déborder largement du cadre imposé. C'est là que l'on en revient à cette ressemblance avec l'acerbe critique générationnelle de The Social Network.

    Outre l'excellente enquête pour retrouver Amy et le coupable de son enlèvement, Fincher en profite pour épingler la société américaine et par extension, la société occidentale. Bien vite surexposé dans les médias, Nick devient un personnage public. Le réalisateur nous montre comment, lentement, Nick passe du rang de victime à accusé pour finir en coupable désigné non pas par la justice... mais par l'opinion publique. Traîné dans la boue par les médias, le mari tombe dans une sorte de jeu de télé-réalité malsain mais tellement révélateur de la nature humaine ainsi que du mode de pensée actuel. Là où la plupart des réalisateurs se seraient contentés de décrire la résolution d'une enquête, Fincher souligne la malhonnêteté des médias et finalement une nouvelle sorte de justice, qui ne tient plus aux lois ni aux avocats que l'on peut se payer... mais à la popularité que l'on peut gagner pour soi. Dès lors, le petit jeu de piste autour d'Amy, extrêmement efficace au demeurant, laisse un goût d’ordinaire face à cette image ignoble de la société moderne. Pour une disparition, on organise des discours, des soirées avec moultes lanternes où des étrangers en manque de sensationnel viennent se faire mousser. Fincher dépeint une époque malade, malade de sa curiosité, de son côté voyeur et surtout esclave de la manipulation médiatique. En quelque sorte, l'américain élargit la focale de The Social Network et démontre que l'horreur de notre époque se trouve bien plus proche que l'on pourrait le penser. Il nous suffit d'un simple miroir.


    De même, Gone Girl brise l'image idyllique du mariage et du "Happily ever after" à l'américaine. Les failles se découvrent vite, les deux époux perdent de leur lustre au fur et à mesure. On découvre la vérité et, sous nos yeux, Fincher déroule une parodie très noire de la vie maritale. Duperie, frustration et coup bas, la belle vie fantasmée n'existe pas, le couple Dunne le montre graduellement jusqu'à un final effroyable, lors de cette interview glaçante qui n'est pas sans rappeler le plan final terrifiant de The Social Network. D'ailleurs, pour ce petit jeu de destruction, Fincher a fait le bon choix en prenant Ben Affleck pour incarner son Nick Dunne. L'acteur reste toujours aussi monolithique mais sert le propos. Il ne dégage pas de franche antipathie mais ne s'arroge pas non plus naturellement notre sympathie, ce qui permet finalement de garder le suspense plus longuement. Le revers de la médaille, c'est que, naturellement, il n'y a pas ou très peu d'empathie pour les personnages, Fincher devenant une sorte de clinicien disséquant les hommes et leur société infâme. Nous ne pourrons pourtant pas éviter de parler de Rosamund Pike, véritable star du film, qui livre ici un prodigieux numéro d'actrice. Non seulement son jeu ne souffre d'aucun défaut et offre quelques fulgurances tout à fait géniales (notamment en fin de métrage), mais en plus parce que son personnage se trouve excellemment capturé par la caméra de Fincher. Ainsi, dans ses flashbacks, elle apparaît comme une image évanescente, quasi-fantomatique, pour devenir bien plus quelconque et terrible dans le reste du film. Le travail de Fincher sur sa place au sein de ses scènes, sur la lumière qui la frappe, tout concourt à bâtir une image diablement captivante de cette femme énigmatique. C'est de loin ce personnage qui remportera la mise... dans tous les sens du terme.

    Encore une fois, Fincher revient à son meilleur. Gone Girl peut non seulement se targuer d'être un thriller-policier tortueux, efficace et mené de main de maître, mais également d'exploser son cadre pour nous offrir une charge sociétale et maritale aussi acérée qu'une lame de rasoir. Fabuleux de bout en bout.
    Longue vie au roi.

    Note : 9/10

    Meilleures scènes : Le baiser dans la tempête de sucre - La scène de sexe avec Neil Patrick Harris - L'interview finale

    Meilleure réplique : "C'est ça le mariage mon amour."






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  • Commentaires

    1
    Dimanche 19 Octobre 2014 à 22:56

    Toujours pas eu l'occasion pour aller le voir mais ton avis colle avec ce que j'entends tout autour de moi et j'ai vraiment hâte de le voir !!!

    2
    Lundi 20 Octobre 2014 à 07:32
    Sandrine

    Malheureusement, Fincher n'y est pour rien, c'est à Gillian Flynn qu'on doit cette formidable histoire de même que le scénario. Fincher avait à en faire un film, un thriller oui qui, s'il n'est pas ennuyeux, n'est pas franchement passionnant...


    Longue vie à la reine !

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    3
    Lundi 20 Octobre 2014 à 14:24

    @Sandrine :

    Il y a le même sous-texte envers la société dans le roman ?

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