• [Critique] High-Rise

    [Critique] High-Rise

     Ceux qui ont déjà eu l’occasion de voir l’un des films de l’anglais Ben Wheatley savent à quel point le réalisateur dispose d’une voix singulière dans le milieu. Si Kill List et Touristes sont très loin d’avoir fait l’unanimité, ils ont prouvé que le britannique avait un certain talent pour installer des ambiances étranges, tantôt glauque tantôt grinçante. C’est pourquoi il a hérité d’une adaptation (très) attendue, à savoir celle du roman I.G.H de James Ballard écrit en 1975 et faisant partie de la fameuse trilogie du béton. Considéré par beaucoup de lecteurs comme un ouvrage culte, I.G.H parle du monde moderne d’une façon tout à fait glaçante et décrit, près de 40 ans à l’avance, un grand nombre de travers de la société actuelle. Retrouvant son titre original, High Rise, pour son passage sur grand écran, le film plonge avec une jubilation non dissimulée dans un univers qui déraille. L’occasion pour Wheatley d’entrer dans la cours des grands.

    C’est l’excellent Tom « Loki » Hiddleston qui nous guide dans High Rise. Sous les traits du Dr Laing, il accompagne le spectateur dans un immeuble ultra-moderne, la High Rise Tower, où les hommes se superposent comme autant de strates économiques. Pendant deux heures, nous allons suivre la lente déliquescence d’un monde de prime abord parfaitement ordonné et cloisonné qui va se terminer dans la pire des anarchies. On y croise une galerie de personnages étranges et inquiétants, incarnés par une pléiade d’acteurs franchement bluffants, à commencer par un Luke Ewans possédé et Jeremy Irons délicieux, formant tous ensemble un reflet déformé et malade d’une société utopique moderne qui n’a, en réalité, jamais réellement existé ailleurs que dans la tête de certains capitalistes imbéciles.

    High Rise ne déroge pas véritablement à l’étrangeté coutumière des films de Wheatley, les amateurs seront en terrain connu. Mais il ne s’agit pas non plus d’une resucée aussi radicale que pouvait l’être le glauquissime Kill List. Cette fois, l’anglais s’inspire d’une sorte de rétro-futurisme à la Brazil tout en faisant peu à peu s’écrouler la société en microcosme que représente l’immeuble de béton. Pendant la première heure, la chose marche très bien et l’on suit avec une jouissive curiosité les péripéties du Dr Laing, sa découverte d’un système inégal et détestable (le nôtre), les tourments qui peuvent l’assaillir ou encore les relations précaires qu’il tisse avec les autres locataires. En gros, l’immeuble de High Rise, c’est un peu le Transperceneige qu’on aurait empilé. Une métaphore puissante et sans concession aucune de l’odieuse réalité capitaliste qui met les petits tout en bas de l'échelle en les privant d'électricité, et les grands dans un jardin improbable où chevaux et dîners mondains font bon ménage.

    La mise en scène inspirée de Wheatley fascine d’autant plus qu’il retranscrit avec un talent jubilatoire les caricatures modernes. Seulement, loin d’être parfait, High Rise souffre d’un problème de rythme qui l’handicape grandement dans sa deuxième partie. Une fois la révolution en marche et l’auto-destruction de cette société absurde, le film fait du surplace et semble s’articuler entre les raids vengeurs des deux camps en présence. C’est d’autant plus dommage que l’on perd également dans la bataille le fascinant personnage d’Hiddleston au profit de quelques seconds rôles certainement très convaincants mais qui empêchent de se concentrer sur le changement moral radical que subit le Dr Laing. High Rise jubile toujours de la guerre des classes qu’il fait naître mais il ne se renouvelle pas et ne fait que trop peu avancer l’histoire.

    Dans cette science-fiction décapante et aiguisée comme une lame de rasoir, Ben Wheatley distille pourtant une ambiance psychédélique et dérangeante où l’enchaînement des choses devient si incroyable qu’on pense être en plein cauchemar. Il reste d’ailleurs extrêmement dommageable qu’au lieu de s’attarder sur les raids et contre-raids des uns et des autres, l’anglais n’ait pas prolongé le plaisir de sa séquence d’introduction dans un immeuble devenu aussi sauvage que l’univers d’un Mad Max. Reste que la virulence de la charge ainsi que le propos anarchiste joyeusement insolent qui se dégage du film ne peut empêcher de conserver une grande admiration pour le travail du cinéaste qui continue mine de rien à évoluer depuis le bancal mais fascinant Kill List. 

    Peut-être pas l’adaptation espérée de longue date, High Rise s’impose comme un objet filmique intriguant. Une peinture au vitriol d’une société moderne qui ne peut que finir par s’écrouler et où l’homme redeviendra un sauvage comme un autre…
    Bancal donc mais sacrément salutaire et fascinant.

    Note : 8/10

    Meilleure scène : Le supermarché en pleine débandade

     

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