• [Critique] Horns

    [Critique] Horns

    Le français Alexandre Aja s'était fait plutôt discret ces derniers temps. Après un Piranha 3D jouissif mais limité, il avait trouvé le temps de s'occuper du scénario de Maniac. Grâce à Cornes, le roman de l'américain Joe Hill (le fils de Stephen King), le réalisateur continue l'exploration de son genre préféré : l'horreur/fantastique. Pour cette nouvelle expérience américaine, il recrute Daniel Radcliffe, qu'on pensait disparu depuis La Dame en Noir.
    Aja peut-il revenir au niveau de son excellent La Colline a des yeux ? Une question cruciale car il faut bien avouer que le français a grandement besoin d'un second souffle. 

    Iggy Perish vit harcelé par les journalistes. Non pas qu'il soit réellement une célébrité, non. Il est surtout le principal suspect (voir coupable désigné) dans le meurtre de Veronica, son ex-petite amie. Désespéré mais bien déterminé à prouver son innocence, Ig se fait défendre par un de ses meilleurs amis, Lee Tourneau, et épauler par son frère Teddy. C'est dans ces circonstances qu'il se réveille après une soirée trop arrosée. Tout semble comme d'habitude jusqu'à ce qu'il se rende compte que des cornes lui poussent sur la tête ! Effrayé, il décide de se rendre au médecin le plus proche et constate que ses nouveaux attributs lui permettent de faire avouer les plus sombres pensées aux gens qui l'entourent. Dès lors, Iggy entreprend de retrouver le véritable assassin de Veronica.

    Tout commence très bien pour Horns avec les bases de l'intrigue qui sont rapidement et habilement posées, le personnage d'Ig très bien interprété par un Daniel Radcliffe bien plus convainquant que ce à quoi il nous avait habitué et surtout des traits d'humour certes parfois potaches, mais relativement hilarants. Dans un premier temps, Horns fonctionne très bien et la réalisation d'Aja retrouve un peu du mordant qu'elle avait à l'époque d'Haute Tension ou de La Colline a des yeux, bien aidée par des effets spéciaux au poil. Mais vous l'aurez deviné, les choses se gâtent rapidement. D'abord au niveau du rythme du film qui se retrouve brutalement coupé dans son élan par un flash-back interminable et qui aurait mérité de franches coupes. Ensuite parce que le récit s'embourbe progressivement dans une enquête que seul le pouvoir d'Iggy rend originale. Le reste n'est rien de plus que très banal. Ce souci-là ne fait que s'accentuer au fur et à mesure des tribulations du héros si bien qu'on a très bien deviné qui est le tueur à la moitié du film...qui va pourtant traîné en longueur jusqu'à la résolution finale au moyen de diverses péripéties poussives (la punition du frère, franchement inutile).

    Mais le pire n'est pas là. Si Horns se regarde sans déplaisir et qu'il ne souffre que de rares temps morts dans son intrigue, il finit par s'écrouler dans ses derniers instants et un final aussi peu cohérent que grand-guignol. Complètement ridicule, l'affrontement des principaux protagonistes tourne à la blague potache à base de tête éclatée et de punition divine/diabolique. Le pire pourtant se trouve ailleurs, entre les lignes. Arrivé ici, on se demande qui, de Joe Hill ou d'Alexandre Aja, donne cette espèce de morale puritaine puante au long-métrage. Parce que malgré ses dehors de récit politiquement incorrect avec son héros au look diabolique, Horns est, sans conteste possible, habité par un sous-texte catholique bien pensant insupportable. On suit tout de même l'histoire d'un "ange déchu" qui fait tout pour se repentir et puni en fin de compte le vrai diable qui n'en a pas les atours. On échappera pas à la belle happy-end et au paradis, ni au repentir bienveillant du frère couard ou la mort de l'homosexuel refoulé. C'est d'ailleurs autour de ce personnage que la chose est la plus évidente et franchement, la plus répugnante. Lorsque qu'un Ig ressemblant au Diable encourage les deux flics homosexuels à passer à l'acte en leur affirmant qu'on leur a toujours défendu cet acte alors qu'il est parfaitement humain, la première réaction serait bien entendu d'en rire. Mais quand on comprend aussi que dans le même temps, en catimini, le réalisateur et/ou l'écrivain montre que la relation homosexuelle est encouragée par le diable, qu'il s'agit bel et bien d'un péché... On flaire le message caché franchement répugnant sous couvert de l'humour. Lorsque l'on y réfléchit ensuite, on s'aperçoit qu'exceptée l'apparence d'Iggy, Horns est surtout une brochure pour un mode de vie rangé et traditionaliste. 

    C'est d'autant plus ennuyeux que peu de choses viennent rattraper le récit. La BO, excellente au demeurant, ne suffit pas à faire oublier que les personnages secondaires sont traités maladroitement...Sans parler de Veronica, interprétée par une Juno Temple larmoyante, enfilant les gros clichés de la femme-objet, uniquement là pour jouer la tentation et la belle amante éplorée. Quand on pense aux fabuleuses personnalités féminines offertes par Mommy, Horns fait peine à voir. Au final, seul le personnage de Radcliffe bénéficie du soin nécessaire et c'est un peu lui qui porte le film sur ses épaules, un film trop long et dépourvu des promesses que son synopsis annonçait. Débarrassé de sa gangue puritaine et bénéficiant d'une intrigue mieux agencée et épurée, il est certain que le long-métrage d'Aja aurait été d'un tout autre niveau. En l'état, il est un beau ratage qui s'écroule sur lui-même comme un château de cartes.

    Peut-être serait-il temps pour Aja de revenir à des films plus personnels et au budget plus restreint. Horns agace et déçoit, faisant passer son public du rire à la consternation. Seul Radcliffe tire son épingle du jeu et prouve qu'il peut maintenant réellement passer à l'après Harry Potter.

    Note : 6.5/10

    Meilleure scène : La sortie du bar en musique.


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