• [Critique] La Stratégie Ender


    Après de longues années de paix, la Terre se remet à peine de la première invasion d'une race extra-terrestre insectoïde : les Doryphores. Alors que ceux-ci ont failli éradiquer toute vie humaine sur la planète, c'est le sacrifice de Mazer Rackham, un héros jusqu'alors anonyme, simple pilote de chasse, qui a permit de triompher de justesse. Depuis, l'académie militaire a démarré un programme pour dénicher un nouveau Mazer parmi des enfants surdoués. Le jeune Ender Wiggins en fait parti. Tandis que le colonel Graff lui fait passer le test final, il sait déjà qu'il va intégrer l'académie et tenter de devenir le futur commandant de la Flotte. Car pour l'humanité le temps presse...il semblerait que les Doryphores se regroupent de nouveau !

    Livre culte et grand chef d'oeuvre de la science-fiction, La stratégie Ender de l'américain Orson Scott Card se voit enfin porté sur le grand écran. Malheureusement, c'est un réalisateur de second plan qui s'en charge en la personne de Gavin Hood dont le plus récent fait d'armes est d'avoir "commis" X-Men Origins : Wolverine. Doté d'un budget conséquent et de quelques acteurs renommés (Harrison Ford ou Viola Davis sans parler de Ben Kingsley), La stratégie Ender doit pourtant avant tout compter sur des enfants pour les rôles titres et notamment l'illustre inconnu Asa Butterfield. Sera-t-il capable de relever le défi ?

    Que les fans se rassurent, le principal arc du roman se retrouve dans le long-métrage. En cela, Gavin Hood a voulu vraiment bien faire et retrace, rapidement, les grands événements de l'histoire. Ainsi, on découvre un jeune garçon surdoué mais avec un côté ambiguë prononcé, hanté par son destin et, dans une moindre mesure pour le film, son frère. Tout va très vite dans la Stratégie Ender et, même si l'ensemble apparaît assez clair, notamment pour le néophyte, le gros soucis c'est que tout va trop vite. A peine a-t-on rencontré Ender et sa famille que, très rapidement, il embarque pour l'entrainement. Heureusement, Hood arrive à donner suffisamment d'épaisseur au personnage d'Ender pour le rendre sympathique au spectateur. Mais contrairement au roman, le reste de l'univers n'est qu'effleuré. Le plus gros manque venant certainement de l'ombre jumelle et bien plus noire du frère d'Ender, ainsi que de son destin parallèle machiavélique. Du fait, on a parfois du mal à comprendre la peur d'Ender de devenir comme son sociopathe d'aîné.

    Le même problème de rapidité transparaît dans tout le long-métrage. Ender semble éprouver quelques difficultés mais pas assez. Le spectateur a bien du mal à se rendre compte de la torture mentale et physique endurée par le jeune homme et de son instrumentalisation. Il reste constamment une désagréable sensation de survol, des séquences trop courtes pour réellement convaincre (L'unique discussion entre Graff et Anderson est élogieux sur ce propos). On sent en fait que Hood, malgré son désir de coller à l'histoire originale, a du faire des choix et que la durée du métrage est trop courte. De même, il faut avouer que l'intégration du "jeu" dans le film s'avère assez maladroite et au final, ne sert pas à grand chose. On reste perplexe devant tout cet imbroglio...jusqu'à la toute fin bien entendue.

    L'autre versant, donc, celui de l'académie militaire, bénéficie d'un grand soin et d'un grand respect, notamment les jeux d'arènes, magnifiques et impressionnants. Le gros soucis restant dans cette partie qu'Ender fait un peu petit prétentieux emmerdeur qui crâne devant les autres, ce qui correspond assez mal au personnage en définitive. On notera aussi le moment un peu ridicule des adieux à Bean, avec un salam malikoum très politiquement correct mais incroyablement hors de propos. Mais c'est un détail mineur. A ce titre, l'opposition Bonzo-Ender reste une des grandes réussites du film, de même que le choix cornélien et le dilemme moral d'Ender.

    Les dernières séquences, autour des simulations spatiales, sont esthétiquement impressionnantes mais, comme auparavant, peinent à convaincre vis-à-vis de l'impact qu'elles ont sur Ender. Dans le roman celui-ci est au bout du bout, alors qu'ici on ne le ressent jamais. Seule la fin, identique au livre, offre quelques beaux instants. La rencontre entre Rackham et Ender se fait également en demi-teinte, faute de temps, elle s'avère expédiée... Mais bon. Le plus gros soucis vient d'ailleurs. C'est justement le jeune Asa Butterfield qui, sans être mauvais, n'arrive jamais véritablement à retranscrire Ender à l'écran. Avec une moue presque constamment figé oscillant entre colère et tristesse, le jeune acteur est bien trop monolithique. En face, Abigail Breslin, malgré son temps congru à l'écran, fait bien mieux. De leurs côtés, Ford, Kingsley et Davis assurent ce qu'il faut mais ne brillent pas non plus particulièrement.

    En fait, La Stratégie Ender tombe dans un écueil quasi-inévitable. Hood n'ayant pas le talent nécessaire, il tente, tant bien que mal, de respecter son public principalement constitué de fans du roman. Mais sans la durée nécessaire et en étrillant les intrigues secondaires, il n'arrive qu'à un résultat somme toute bâtard. Pas mauvais mais pas excellent non plus, juste correct. Vite vu, vite oublié au final.
    Dommage.

    Note : 7/10
    En tant qu'adaptation : 6/10

    Meilleure scène : La confrontation finale avec le Doryphore.

    Meilleure réplique : "Ce n'est qu'un enfant"


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  • Commentaires

    1
    Vendredi 13 Février 2015 à 14:53

    Bonjour !

    J'ai lu le livre avant-hier, dévoré dans la journée ; je lis très peu depuis des années, et encore moins de la SF, pourtant un de mes domaines de prédilection, mais j'ai immédiatement rangé ce titre mentalement aux côtés de Dune, mon livre de chevet durant des années.

    Dans la foulée, j'ai regardé le film

    ...

    Quelle déception !!! Je trouve ta critique encore bien indulgente :) Hélas, ayant lu le livre deux heures avant, il m'est impossible d'imaginer comment on perçoit le film sans avoir lu le bouquin, mais je me suis quand même demandé comment on pouvait suivre l'intrigue, comprendre les motivations et réactions sous-jacentes de certains personnages, s'attacher à eux !

    Toute adaptation cinématographique d'un gros bouquin de SF suppose des modifications mineures et des ellipses mais pas autant ! A force de sacrifier des "petites" choses dans tous les coins et à tous les étages, l'histoire du film n'a plus aucun intérêt sinon servir de jolis effets spéciaux et de l'action.

    Quant à Ender lui-même, non seulement l'acteur a déjà ses 13/14 ans bien frappés (6 au début du livre, 11 à la fin..) mais en plus ils ont choisi un gamin plus grand que la plupart des acteurs ! Tout le sel de cette fausse innocence d'un gamin très jeune soumis à des contraintes extérieures et intérieures extrêmes se dissout dans cette espèce de grande sauterelle en effet assez monolithique.

    Bon, bref ! J'ai pô aimé !!!

    Me suis consolée en lisant le tome 2, bien que craignant que l'auteur tire à la ligne : nouvel éblouissement, "La voix des morts" est magnifique - pitié, que personne n'envisage d'en faire un film (ou alors avec Christopher Nolan aux commandes  - je viens de voir son extraordinaire "Interstellar"?)

    2
    Dimanche 15 Février 2015 à 21:53

    Je suis à peu près d'accord avec toi. Reste que Hood a composé comme il pouvait. On savait dès le départ que l'adaptation d'Ender serait casse-gueule, surtout du fait du jeune âge des enfants du livre...

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