• [Critique] Le Garçon et la Bête

    [Critique] Le Garçon et la Bête

     Bien que le grand Hayao Miyazaki ait pris sa retraite, d'autres auteurs continuent à entretenir la réputation d'excellence du Japon en matière d'anime. Parmi eux figure Mamoru Hosoda qui nous avait offert en 2012 l'excellent Les Enfants loups, Ame et Yuki. Fort d'un beau succès public et critique en France, le réalisateur a de nouveau l'honneur d'une sortie en salles pour son dernier long-métrage : Le Garçon et la Bête. Renouant avec une certaine dimension fantastique où hommes et bêtes se côtoient, le film s'intéresse au deuil au moyen d'une aventure initiatique haute en couleurs.

    Dans l'univers du Garçon et la Bête, le monde se scinde en deux : le monde des hommes tel que nous le connaissons et le monde des Bêtes qui existe quelque part derrière un enchevêtrement de ruelles obscures. Seul et abandonné de tous, le jeune Ren fait la rencontre improbable de Kumatetsu, une Bête braillarde et toujours prête à se battre dont l'unique rêve semble être d'accéder au trône de Jutengaï, le monde des Bêtes. En suivant Kumatetsu, Ren prend le nom de Kyuta pour devenir son disciple et accéder au rang de maître des arts martiaux...tout en corrigeant sans le savoir les défauts qui hantent le cœur de Kumatetsu. Malheureusement, pour l'un et pour l'autre, l'aventure s'annonce difficile tant tout semble les opposer. Pourront-ils vaincre leurs démons respectifs et Kumatetsu pourra-t-il surpasser Iôzen pour devenir le nouveau seigneur de Jutengaï ?

    Au départ, Le Garçon et la Bête rappelle les Enfants loups. Tout comme dans ce dernier, le film commence sur une note très dure, à savoir la mort de la mère de Ren. Seul et perdu, en colère de surcroît, Ren cherche le réconfort dans les rues avant de tomber sur un petit animal fantastique qui deviendra un peu son compagnon de route. La tendresse et la dureté. Ce sont là les deux maîtres-mots du Garçon et la Bête. Avec sa volonté de s'inscrire dans le légendaire, le long-métrage dévoile un monde onirique et surprenant, celui des Bêtes où les hommes sont vus comme un danger. Comme si l'animalité n'était pas en soi le pire dans l'être humain mais sa propension à être rongé par une noirceur cachée. Avec Ren, on fait la rencontre de Kumatetsu, une Bête atypique parmi ses pairs, lourde et gueularde, qui n'a rigoureusement aucune discipline et aucun tact. C'est de cette rencontre que naît le principal intérêt du Garçon et la Bête.

    En explorant le lien d'amitié puis d'amour qui va unir les deux personnages, Hosoda explore le lien filial, le sentiment d'appartenance et, plus simplement, la nécessité d'un parent. Plus qu'un simple maître turbulent et agaçant, Kamatetsu devient une ombre tutélaire pour Kyuta, lui apporte l'amour d'un père d'une façon singulière mais salvatrice. Sous des dehors de rustre, le maître va devenir un père de substitution et jouer le rôle qui manquait à la vie de Kyuta finissant par devenir une part de lui, ceci dans tous les sens du terme. Le foisonnement de l'univers, la beauté de cette relation inattendue et l'humour qui s'en dégage n'en font pas oublier l'originalité du monde visité. L'esthétisme de Jutengaï rappelle les beautés inattendus d'un Miyazaki sans en atteindre toutefois les plus hauts sommets. On regrette certains choix d'emblée, comme ce voyage initiatique beaucoup trop court et qui frustre plus qu'il ne régale le spectateur, ou comme ce brusque retour dans la réalité des hommes pour une histoire parallèle qui manque cruellement de charme. Le bête apprentissage des lettres et des chiffres semblent bien fade par rapport aux folies proposées dans l'univers des Bêtes.

    Reste que dans son abord de la comparaison Hommes/Bêtes ainsi que dans sa façon de présenter le néant qui ronge le cœur de tous ces enfants qui n'ont pas connu leurs racines ou trop peu, Le Garçon et la Bête renoue avec la beauté fragile des Enfants loups, en moins poétique et en moins touchant certes, mais en y ajoutant un sens fantastique plutôt bien pensé. Si le Moby Dick que chasse Kyuta semble s'incarner en son double Ichirôhiko, c'est pour mieux le confronter à lui-même et à ce qui le ronge, à cette masse informe qui le tenaille depuis la perte de ses repères suite à la mort de sa mère. Toute la beauté de l'entreprise est surement là pour Mamoru Hosoda, vaincre son passé et regarder vers l'avenir grâce à l'amour porté par un autre rencontré un peu au hasard. Sans oublier que la nouvelle relation marche dans les deux sens et que c'est le fait même de prendre quelqu'un sous son aile qui donne à Kumatetsu une maturité et une confiance en soi qui lui faisaient cruellement défaut auparavant. Le Garçon et la Bête tire à la ligne, développe une pseudo-quête du retour au monde des hommes peu passionnante mais rattrape en grande partie ses faiblesses par le reste de ce qu'il raconte dans le monde des Bêtes, ce qui est déjà franchement pas mal tout bien considérer.

    Plus inégal et forcément moins fort que son prédécesseur, Le Garçon et la Bête reste tout de même un anime de qualité qui sait ébaucher un duo improbable et attachant en diable tout en développant avec brio la thématique du père et du besoin d'origines. Ajoutez-y la fantaisie de Jutengaï et vous obtenez un bon moment de cinéma dont les défauts ne peuvent occulter les (nombreuses) qualités. 

     

    Note : 8/10

    Meilleure scène : Kyuta imitant les gestes de Kumatetsu

     

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