• [Critique] Mary et Max

    [Critique] Mary et Max

    Cristal du meilleur long-métrage d'animation Festival Annecy 2009

     Les films australiens ne sont pas Légion à arriver en France. A plus forte raison lorsqu'il s'agit d'animation. Pourtant, après trois films restés inédits dans nos contrées, Mary et Max, quatrième long-métrage de l'australien Adam Elliott, a réussi à se frayer un chemin dans nos salles de cinémas. Encensé par la critique, Mary et Max délaisse l'animation moderne pour recourir à la pâte à modeler en stop-motion à la façon d'un Wallace et Gromit ou d'un ParaNorman. Pas forcément un succès en salles lors de sa sortie en 2009, il a tout de même réussi à décrocher la récompense suprême au Festival d'Annecy la même année. En abordant un sujet singulier et délicat, Adam Elliot ne destine pas forcément son oeuvre aux plus jeunes mais montre une fois de plus que l'animation peut cacher de véritables trésors d'intelligence.

    Mary a huit ans lorsqu'elle commence à écrire par hasard à un inconnu à l'autre bout du monde : New-York. Complexée, renfermée et maladroite, Mary a de surcroît la malchance de vivre avec une mère un peu trop accroc au Sherry.  Son correspondant, Max Horovitz, habite dans un appartement plutôt spartiate avec son poisson rouge, son perroquet et son chat borgne. Max est obèse, facilement perturbé et hyperphagique. La lettre de Mary va initier une longue histoire d'amitié qui devra traverser les drames de la vie de Mary et les rechutes de Max. Car Max est atteint d'une forme rare d'autisme, le fameux Syndrome d'Asperger, qui l'empêche de vivre comme tout un chacun. Une histoire extraordinaire qui traverse les océans.

    Mary et Max est un film d'animation véritablement atypique. Plusieurs raisons à cela. La première, c'est qu'il s'agit d'un film très adulte et très noir à la fois. Adam Elliot nous raconte la correspondance entre deux personnages à la vie pas vraiment rose, à savoir une fille complexée aux tendances dépressives et un homme victime du Syndrome d'Asperger vivant dans une solitude quasi-absolue. Le sujet ne devrait donc pas forcément prêter à rire. Seulement, c'est sans compter sur l'humour fin et délicat d'Adam Elliot qui réussit le tour de force de marier la naïveté de la fillette à l'étrangeté de Max, donnant un cocktail délicieusement drôle où l'imagination débridée et savoureuse de l'australien se déverse devant nos yeux. C'est surement le premier point fort du film : arriver à nous faire rire et sourire au milieux de deux histoires franchement déprimantes. Elliot saisit la beauté fugace de ces échanges improbables pour les distiller patiemment au cours de son histoire empêchant celle-ci de tomber dans une accumulation grossière de drames et de larmes.

    La second élément qui rend Mary et Max unique, c'est son mode de narration. Tout le film est raconté en voix-off, majoritairement par un narrateur, mais également par les voix de Mary et de Max lisant les lettres qu'ils reçoivent. Ce choix singulier donne l'apparence d'un conte noir au film, comme si le spectateur écoutait une histoire triste au coin du feu. La démarche devrait lasser par sa systématisation, et pourtant, étrangement - et surement de par la nature épistolaire du film - le tout fonctionne admirablement. Enfin, dernier élément et non des moindres, l'utilisation des couleurs. Pour nous immerger dans le monde de ses deux personnages, Adam Elliot choisit d'adapter sa palette de couleurs aux émotions de ses personnages. Ainsi, obnubilée par sa tâche de naissance marron, l'environnement de Mary s'avère dominé par les teintes marrons. A l'autre bout du monde, dans cette ville lugubre qu'est New-York, l'existence triste et vide de Max est faites de noir et blanc. Lorsqu'il reçoit des cadeaux de Mary, celle-ci met littéralement des couleurs dans sa vie. Cette idée toute simple s'avère juste géniale à l'arrivée, le jeu permanent entre les différentes teintes permet à Mary et Max d'affirmer encore davantage sa patte artistique unique.

    De ce côté, on ne le dira jamais assez, l'animation en stop-motion a quelque chose d'unique, de poignant. La beauté plastique de Mary et Max, que n'aurait certainement pas renié par moment un certain Tim Burton, est un bonheur sans cesse renouveler, d'autant plus que l'esprit d'Adam Elliot regorge d'idées de mise en scène décalées (les bulles d'idées par exemple). Cependant, Mary et Max est surtout remarquable pour la sincérité et l'authenticité qui s'en dégage. Inspiré par un vrai Max (qui aurait correspondu avec Elliot en personne), celui du film explore l'autisme avec une acuité rare. Elliot se débarrasse des préjugés pour montrer à la fois le calvaire des personnes atteintes du Syndrome d'Asperger mais aussi pour leur rendre leur humanité dans ce qu'elle a de plus touchante, ce désespérant désir d'arriver à communiquer avec les autres, à ressentir les choses. Bref, la volonté profonde d'arriver à exister au-delà des normes étranges de cette société qu'ils ne peuvent pas comprendre. A ce titre, Mary et Max s'impose comme une immense réussite dans le domaine de l'analyse psychiatrique, dépeignant avec humour et intelligence la pathologie mentale et ne reculant pas devant les moments les plus sombres et les plus abstraits qui peuvent en découler. De même, l'exploration de l'épisode dépressif de Mary, même s'il semble moins pertinent et un peu "too much" au sein du récit, retranscrit avec une grande acuité le sentiment de noirceur et de vide qui envahit l'esprit d'un dépressif.

    Original, drôle, touchant et surtout d'une grande intelligence dans sa peinture de l'autisme, Mary et Max offre un moment de cinéma entre rires et larmes. Adam Elliot arrive à déceler l'espoir au cœur du désespoir pour finalement toucher son public en plein cœur. 
    Une délicieuse curiosité.

    Note : 8.5/10

    Meilleure scène : Max écrivant à Mary qu'il l'a pardonne

    Meilleure réplique : "You're my best friend. My only friend."

     



     

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