• [Critique] Mon Voisin Totoro

    [Critique] Mon Voisin Totoro

    Prix Noburō Ōfuji
    Meilleur film Prix Mainichi

     

    En 1988, soit deux ans après son précédent film Le château dans le ciel, Hayao Miyazaki est encore loin d'avoir acquis la notoriété qu'il connaîtra plus tard. Son projet de l'époque, un film tendre sur l'enfance dans le Japon des années 50 intitulé Mon Voisin Totoro, a toutes les peines du monde à s'imposer aux producteurs de Tokuma. Il faudra coupler la production du long-métrage à celle du chef d'oeuvre d'Isao Takahata, le sublime Tombeau des Lucioles, appartenant au même studios Ghibli, ainsi que trouver le soutien de l'éditeur de la nouvelle éponyme d'Akiyuki Nosaka pour qu'enfin Mon Voisin Totoro voit le jour. Pourtant, lors de sa sortie sur les écrans japonais, le film devient un classique instantané et connaît un succès phénoménal. Le personnage de Totoro devient par la suite la mascotte des studios Ghibli et un anime incontournable pour les enfants japonais. Ailleurs dans le monde, il faudra attendre la déferlante Mononoke pour découvrir Totoro et continuer à explorer le monde magique et bourré d'intelligence de Miyazaki. Retour sur un anime pas comme les autres.

    Après des animes pas forcément lumineux (Nausicaa ou Le Château dans le ciel), Mon Voisin Totoro apparaît comme une véritable rupture de ton. Il nous emmène à la découverte de la campagne japonaise des années 50 (celle-là même où a grandi Hayao Miyazaki) à travers les yeux de deux fillettes : Mei et Satsuki. En emménageant avec leur père tandis que leur mère est hospitalisé en ville, elles découvrent un univers où se terrent des créatures magiques. La maison grouille de noiraudes, sorte de petits fantômes de suie, et surtout, la forêt qui jouxte leur maison cache en son sein des habitants bien étranges. C'est la cadette, l'intrépide Mei, qui va découvrir la première ce monde caché et se lier d'amitié avec Totoro, un gigantesque hybride féerique au timbre puissant mais à la fourrure apaisante. Pour surmonter la maladie de leur maman, les fillettes vont devoir trouver l'aide de Totoro, du chat-bus et de la nature elle-même. Mais est-ce bien la réalité ? Serait-ce un rêve ?

    Film atypique (d'autant plus pour nous autres occidentaux), Mon Voisin Totoro s'avère une porte d'entrée sublime pour les plus jeunes (voir même pour les autres). Dans sa partie introductive avec la découverte de la maison ainsi que de la campagne environnante, Hayao Miyazaki nous présente un Japon presque fantasmé, un Japon où la verdure est partout, où la magie de la nature illumine le monde. Tout va très lentement, très paisiblement, Mon Voisin Totoro se fait immédiatement apaisant, irradiant d'une clarté délicieuse. On batifole avec les deux petites filles dans ce petit bout de paradis où seul l'absence de la mère semble contrarier le bonheur parfait de cette petite famille. On sent d'emblée la volonté contemplative et poétique voulue par le japonais, une volonté affichée et revendiquée de prendre son temps, de nous immerger peu à peu dans des souvenirs d'enfance sucrés et chaleureux.

    Puis, le réalisateur japonais introduit petit à petit la dimension fantastique de son long-métrage. Le spectateur découvre avec le même étonnement que les fillettes les fantômes de suie, les fameuses noiraudes (que l'on retrouvera dans le Voyage de Chihiro plus tard), avant de partir à l'aventure dans la forêt pour y découvrir de petites créatures entre la chouette et le chat. Evidemment, point d'orgue de cette première partie, la découverte de Totoro (déformation par la jeune Mei du mot japonais tororu qui signifie troll), immense créature aussi paisible que soyeuse. On retrouve dans ces êtres magiques cette volonté atmosphérique de quiétude et de chaleur enfantine voulue par Miyazaki. De façon assez surprenante cependant, Mon Voisin Totoro utilise avec parcimonie ces moments fantastiques, à la fois pour leur donner un côté plus marquant et iconique (la scène mythique de l'arrêt de bus sous la pluie ou la poussée du jardin pendant la nuit) mais également pour laisser de la place à un autre thème fort du film.

    Double lumineux du désespérant Tombeau des Lucioles, Mon Voisin Totoro tente de raconter l'enfance, l'émerveillement et la douceur. Il utilise le tragique de la maladie maternelle pour montrer les liens profonds qui unissent les deux sœurs. Leur complicité mais aussi leurs prises de becs sont autant de preuves d'amour subtiles et, finalement, sublimes. Confrontées à un événement pourtant terrible, elles trouvent en elles-même et en la nature magique environnante, une force qu'elle ne soupçonnait pas. Avec tendresse, Hayao Miyazaki explore le chagrin (la scène crève-cœur où Satsuki s’effondre en larmes dans les bras de sa grand-mère) mais sans jamais véritablement tomber dans le pessimisme. En réalité, le monde de Mon Voisin Totoro est une vision de paradis où les plantes poussent par magie, ou des chats vous emmènent en bus retrouver votre petite sœur perdue ou votre mère malade, et où un épi de maïs rend la santé. Ce conte doux-amer, fantasme d'une enfance lointaine quelque part entre le rêve et la réalité, joue de sa poésie visuelle et sonore pour ensorceler le spectateur.

    On retrouve évidemment dans Mon Voisin Totoro cette vision écologique et si proche de la nature chère à Miyazaki. C'est la proximité des arbres, de la forêt, de ses habitants mythiques qui sauvent les enfants et permet à l'homme de s'émerveiller. Il suffit d'un arbre pour protéger une famille, d'une grosse créature duveteuse pour trouver la paix. Une nouvelle fois, le japonais fait passer un sous-texte écologique subtil mais forcément salutaire, d'autant plus pour les jeunes génération. En y ajoutant ce bestiaire purement japonais qui ravira par son originalité les occidentaux découvrant cette facette du pays du soleil levant, Mon Voisin Totoro s'affirme sans surprise comme un classique de l'animation. 

    Sucrerie tendre et lumineuse, Mon Voisin Totoro donne à Hayao Miyazaki la consécration qu'il attendait. Traversé par une magie de l'enfance tout à fait délicieuse et un bestiaire enchanteresque, l'anime trouve rapidement sa place parmi les grands classiques. 

    Note : 8.5/10

    Meilleures scènes : L'arrêt de bus - Les fillettes dormant sur Totoro dans l'arbre - La danse pour faire pousser les arbres - Le voyage en chat-bus

    Meilleure réplique :  

    Mei : "Ça a marché"
    Satsuki : "Ça a marché"
    Mei : "C'était pas un rêve !"
    Satsuki : "C'était un rêve !"
    Mei : "C'était pas un rêve !"
    Satsuki : "C'était un rêve qui n'était pas un rêve !" 

    A noter qu'il existe une suite sous forme de court-métrage à Mon Voisin Totoro, Mei et le chat-bus, uniquement projeté au musée Ghibli au Japon.

    Critique dédiée à Morgane B.

     



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