• [Critique] Timbuktu

    [Critique] Timbuktu

    César 2015 Meilleur Film français 
    César 2015 Meilleur Scénario original
    César 2015 Meilleur réalisateur pour Abderrahmane Sissako
    César 2015 Meilleure musique
    César 2015 Meilleure photographie
    César 2015 Meilleur son
    César 2015 Meilleur montage
    Prix du Jury Œcuménique de Cannes 2014


    Autre métrage pré-sélectionné pour l'oscar du meilleur film étranger, Timbuktu s'était taillé une excellente réputation au dernier Festival de Cannes. A tel point que certains le voyait déjà figurer dans le palmarès voir même remporter la Palme. Réalisé par le Mauritanien Abderrahmane Sissako, le long-métrage porte son regard sur un sujet aussi actuel qu'épineux : l'intégrisme musulman. Si Sissako est loin d'être un novice, il s'avère très dur en ces temps troublés de livrer un film autour des événements qui se déroulent dans nombre de pays africains, en l’occurrence ici le Mali. Seulement voilà, la question se pose, un sujet peut-il tout faire dans un long-métrage ? Timbuktu peut-il surpasser son postulat et être un vrai moment de cinéma ?


    Aux environ de Tombouctou, une ville du Mali tombée sur le joug des milices djihadistes, Kidane, un éleveur, vit avec sa femme Salima et sa fille Toya. Alors que les choses deviennent de plus en plus difficiles pour les habitants de la ville et que les intégristes s'immiscent toujours davantage dans la vie quotidienne des habitants, Kidane est confronté à une tragique erreur commise par un pêcheur des environs. La colère prenant le pas sur la raison, il risque de commettre l'irréparable. De son côté, Abdelkrim apprend à conduire depuis qu'il a intégré les milices et fait régner l'ordre islamique sur Tombouctou, un ordre aussi impitoyable que rigide. Quel avenir pour ces gens pris dans le nœud coulant du totalitarisme religieux ?

    On veut aimer Timbuktu, vraiment. Parce que le film respire la sincérité et l'engagement de la part d'Abderrahmane Sissako lorsqu'il nous décrit les conditions de vie infamantes des habitants de Tombouctou sous le joug des djihadistes ou lorsqu'il nous dépeint cette famille d'éleveurs modeste mais attachante. Le problème majeur, c'est que Timbuktu n'a quasiment aucune rigueur narrative. Pour tout dire, on a plus l'impression d'assister à un patchwork de situations révoltantes plutôt que de suivre une ou des histoires claires. Le film de Sissako passe sans cesse du coq à l'âne, abandonne ses personnages pour revenir bien après dessus...bref, il n'a pour ainsi dire aucune cohérence. Certes, il s'améliore un peu avec la seconde partie et ce fil rouge autour de Kidane... le soucis, c'est que cette histoire fait pièce rajoutée un tant soit peu attendue et cliché, quand bien même elle nous décrit encore un autre versant de l'horreur djihadiste.

    Cet énorme défaut empêche véritablement de s'attacher aux protagonistes à l'exception notable de Kidane ou de Toya - encore heureux - qui bénéficient au final du meilleur traitement. Dans le fond, Timbuktu se veut avant toutes autres choses une radiographie de l'état d'une ville africaine sous l'autoritarisme religieux. De ce côté, heureusement, Timbuktu s'avère une franche réussite. Sissako nous livre quantité de saynètes fortes en termes de dénonciation. Il arrive au cours de celles-ci à nuancer clairement et subtilement son propos et démontre la différence de taille qui existe entre djihadistes fou d'Allah et croyants musulmans. Ceux-ci sont les premières victimes des intégristes et se retrouvent à supporter des interdits de plus en plus insensés et de plus en plus contraignants. Sans même compter l'humiliation constante des femmes - le port du voile et des gants - ou des croyants - l'entrée armée dans la mosquée de combattants - c'est bien le désespoir de ces gens ordinaires qui est mis en avant d'une superbe façon. 

    On apprécie aussi grandement la vision intime de plusieurs djihadistes qui permet de prouver, s'il en était encore besoin, qu'il s'agit d'un groupement d'individus ignorants, faibles d'esprit ou en détresse psychologique manipulés par des fanatiques barbares. La scène du caméscope reste à cet égard une des meilleures du film. Outre la dénonciation de la charia, de la lapidation des femmes, de la violence psychologique, Sissako sait se faire poétique avec cette séquence sublime où des enfants jouent au football sans ballon puisque ceux-ci sont interdits. A l'arrivée, malgré la réalisation plus que correcte et parfois vraiment réussie du Mauritanien, on ne peut s'empêcher de penser que Timbuktu constitue un horrible gâchis tant sa dimension narrative est un ratage intégral qui a tendance à tourner à la simple accumulation de situations plutôt qu'à ériger un véritable long-métrage. Reste son message et sa vision, deux éléments essentiels qui pourront justifier le ticket d'entrée pour le spectateur intéressé par le sujet abordé.

    Déception formelle que ce Timbuktu. Alors qu'il bénéficie d'une réalisation de qualité et d'un fond qui confine parfois au génie, le film d'Abderrahmane Sissoko s'effondre sur lui-même en oubliant toute rigueur narrative. Une chose d'autant plus dommage que le métrage a des choses importantes et pertinentes à dire. Si vous pouvez passer outre ce défaut de mosaïque cinématographique, on vous conseillera Timbuktu sans modération.
    De là à lui attribuer l'oscar...c'est une toute autre histoire.


    Note : 6.5/10

    Meilleures scènes : l'entrée dans la mosquée des djihadistes - le football sans ballon - le mariage forcé - la chanteuse dans les rues de Tombouctou

    Meilleure réplique :

    "Ou est Allah dans tout ça ?"

    et... le culte "La colombe des mosquées"


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