• [Critique] Tomorrowland - A la poursuite de demain

    [Critique] Tomorrowland - A la poursuite de demain

    Bien plus connu pour ses films d'animation, l'américain Brad Bird fut longtemps un des piliers des studios Pixar, avant de passer au métrage-live. Ratatouille, Les Indestructibles, ainsi que son excellent court-métrage Baby-sitting Jack-Jack ont fait de Bird un des hommes forts de l'animation américaine, mais aussi une figure incontournable à Hollywood. C'est ainsi qu'il décroche le poste de réalisateur du quatrième volet de Mission Impossible, avant de pouvoir diriger son propre projet de science-fiction : Tomorrowland (traduit A la poursuite de demain en France, pour des raisons qui échappent au commun des mortels). En soi, le film est un événement puisqu'il ne s'agit ni d'une suite, ni d'un reboot, ni d'un remake, mais bien d'un projet original (inspiré cependant il est vrai par une des célèbres sections du parc Disneyland). Qui plus est, Brad Bird mise tout sur un film de science-fiction pure et dure, chose qui pourrait forcément rebuter certains esprits chagrins. Avec son budget confortable, Tomorrowland se paye de luxe d'engager deux stars, à savoir Hugh Laurie et George Clooney. Seulement voilà, le dernier bébé de Brad Bird semble ne rencontrer qu'un succès très mitigé... Quasi-échec au box-office américain, Tomorrowland n'est pas non plus la consécration critique à laquelle on aurait pu logiquement s'attendre de la part du cinéaste oscarisé. Quelles sont les raisons de ce désamour ?

    Le jeune et curieux Frank Walker s'aventure à la Foire Internationale de New-York dans les années 60 pour révolutionner le monde, rien que ça ! Malheureusement, son jet-pack semble encore bien perfectible. Par un heureux concours de circonstances (et l'aide d'une petite fille bien mystérieuse), Frank va découvrir un autre monde : celui de Tomorrowland, où les plus grands génies tentent d'innover et de créer un monde meilleur. Près de cinquante ans plus tard, Casey, une adolescente qui rêve des étoiles depuis sa plus tendre enfance, se retrouve en possession d'un pin's au pouvoir extraordinaire. A peine l'effleure-t-elle qu'elle se retrouve projetée dans des champs de blé ondulant sous la brise d'un monde futuriste fabuleux. Bien déterminée à découvrir où se trouve cet univers bourré de promesses, elle s'embarque dans un voyage qui lui réserve non seulement son lot de surprises, mais aussi de pièges mortels qui pourraient lui coûter très cher. Pour sauver l'humanité du désastre, elle va devoir retrouver le brillant Frank Walker... qui a bien vieilli.

     Tomorowland n'a pas la tâche facile. En effet, le film doit se bâtir son propre univers et tenter de trouver un ton bien à lui, une chose qui est, avouons-le, extrêmement difficile à l'heure actuelle. Brad Bird s'en sort pourtant plutôt bien (et malgré ce que tentent de faire croire bon nombre de critiques). Même s'il prend place dans le monde moderne pour la quasi-totalité de sa durée (exceptée la présentation de Frank enfant qui se déroule dans les années 60), le long-métrage injecte suffisamment de bonnes idées à son récit pour se constituer une personnalité propre. Brad Bird a beaucoup d'idées et cela sur plusieurs plans : des armes rétros au magasin old school, en passant par l'excellent passage de la maison piégée. Le réalisateur se prend pourtant les pieds dans le tapis pour d'autres raisons. D'abord parce qu'il gère mal le rythme de son récit. Le début de l'histoire traîne cruellement en longueur et l'on passe par de longs passages à vide, avant de retomber sur de vrais beaux moments. Ensuite, il faut avouer que son personnage principal, Casey, s'avère passablement raté. Il ne s'agit pas tant du jeu vraiment très correct de la jeune Britt Robertson que du nombre de clichés accumulés par l'héroïne qu'elle incarne. Entre autres, on tiquera surtout à propos de l'archétype de l'élue, vu et revu dans des dizaines de films et tellement usé jusqu'à la corde qu'il ne fait qu’ennuyer poliment le spectateur. Le long-métrage perd donc l'un de ses principaux atouts, celui du bénéfice d'un rôle-titre accrocheur.

    Un des autres très gros défauts de Tomorrowland, c'est de s’enfoncer dans une niaiserie toute "Disneyenne" en fin de métrage. Bird adresse peut-être son film à des enfants/adolescents mais tout de même, son message final aussi simpliste qu'utopique arrive comme une conclusion bien faiblarde pour un homme capable de bien mieux (Ratatouille, pour ne citer que lui). De même, il est regrettable qu'après avoir passé beaucoup de temps à tisser un univers crédible et envoûtant, Bird se limite à un bête twist final sur l'identité du grand méchant. C'est d'autant plus ennuyeux qu'on avait senti la chose arriver à des kilomètres. En imbriquant ces nombreuses raisons, on comprend évidemment que Tomorrowland ait déçu l'ensemble de la critique et convainque tièdement le public. Mais (car il y a un mais) Tomorrowland n'est pas un échec complet, c'est plutôt une semi-déception. Brad Bird, comme on l'a dit plus haut, parvient au final très bien à nous entraîner dans un monde entre rétro-futurisme et science-fiction moderne. Sa vision de Tomorrowland laisse d'ailleurs admiratif dès le premier vol de Frank au cœur de la cité. Tout du long, l'américain n'aura de cesse de jongler entre deux registres : l'avenir et la nostalgie. A peine est-on passé de l'ébahissement provoqué par la vision de Casey que l'on retrouve un magasin de vieilleries des années 80, au cours d'une scène qui a tout de l'hommage d'un amoureux des années Stars Wars. Le reste sera d'ailleurs à l'avenant, en enchaînant quelques séquences véritablement géniales (la maison piégée, la lancement de la Tour Eiffel) tout en rendant de multiples clins d’œil à l'oeuvre d'un certain Jules Vernes.


    C'est là tout le paradoxe de ce film bancal. Tomorrowland se plante à de nombreuses reprises, s'avère trop lent... mais il déborde de bonnes intentions. La mise en scène par exemple (l'effet des tachyons)... ou les personnages de Frank et Athena. Ces deux-là constituent en réalité le vrai cœur du film, beaux du début à la fin, carrément bien trouvés et surtout donnant à Clooney autre chose à jouer que ce dont il a l'habitude. Celui-ci livre une prestation presque aussi excellente que la toute jeune Raffey Cassidy, tout simplement délicieuse en robot sensible. C'est arrivé à cette étape qu'il faut d'ailleurs revenir sur l'aspect niais du long-métrage. Certes la conclusion donne dans l'utopie la plus niaise, pourtant Tomorrowland délivre un message véritablement génial. Dans cette époque de films noirs, post-apocalyptiques, désespérés (et désespérants), Bird se risque à pousser un cri d'indignation. Pourquoi tant de pessimisme ? Parce que tout va mal dans le monde bien évidemment. Mais si, au lieu de nous apitoyer sur notre sort et de considérer que le futur sera forcément horrible, pourquoi ne pas nous battre ? Brad Bird se demande au fond comment nous en sommes arrivés à cette véritable pulsion de mort, tant sur le plan humain qu'artistique. On aurait presque l'impression qu'à notre époque, la fin du monde est devenue cool. Prenant à contre-pied les standards actuels, Brad Bird tente de réenchanter la science-fiction et le cinéma en général. La tentative peut certes paraître maladroite, mais elle dégage une telle volonté, une telle envie que Tomorrowland en devient sympathique. Perdu dans un raz-de-marée de films pessimistes, le long-métrage de Bird devient un hymne à la vie et surtout aux rêves. Comme si nous avions perdu en cours de route notre capacité à rêver. Même si la conclusion semble engluée dans de bons sentiments à la Disney, Tomorrowland se veut avant tout un vibrant cri d'amour à une époque où l'espace et demain étaient encore de belles choses pour les enfants... et les plus grands. Rien que pour cette audace, le film vaut le coup d’œil.

    On attendait bien mieux de Brad Bird. Trop long, trop niais parfois et surtout handicapé par une héroïne banale à souhait, Tomorrowland déçoit, c'est certain. Pourtant, il se trouve dans ce film une audace idéologique forte, tellement forte, qu'elle finit par rejaillir sur tout le reste, à commencer par ses personnages et son ambiance finalement très agréable. Une semi-déception donc, ou une demie-réussite, qui permet tout de même de réenchanter une certaine conception de l'avenir au cinéma.

    Note : 7.5/10

    Meilleure scène : La découverte de Tomorrowland par Casey

     

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  • Commentaires

    1
    vegapunk
    Jeudi 28 Mai 2015 à 18:45

    Très bonne chronique avec laquelle je suis en grande partie d'accord. Je renchérirais sur le jeu d'actrice de la petite fille, vraiment excellent et nuancé, passé le sentiment qu'on va se taper une pimbêche lambda. Le début du film est difficile, très "disney", donc un peu trop niais et pétillant, et le côté merveilleux de la ville et du jetpack qui ne fonctionnait pas sur moi, ou à peine. Puis on embraye sur l'héroïne avec cette longue introduction et là encore, l'accroche n'est pas évidente...mais ça finit par marcher, et le message derrière est très bon. Disons même que le film tient entièrement grâce à cela: on regarde une fable intelligente, "utile", et qui touche vraiment tout le monde. Le dévoilement du récit peut décevoir, et le mélange de féérie et de science-fiction aurait pu tout aussi bien basculer à 90% sur la SF, ça m'aurait encore mieux botté...quoique les scènes d'actions avec les robots sont fun comme elle sont.  Je me débats un peu inutilement, la chronique du blog a franchement tiré le meilleur  de cette expérience !

    2
    pat
    Dimanche 11 Octobre 2015 à 17:01

    100% d'accord avec cette critique. Le film est bancal, mais la question posée - comment notre vision optimiste du futur a t-elle basculé dans l'approche morbide et pessimiste sans cesse rabachée de l'apocalypse ? - est très intéressante et l'optimisme qui se dégage du film fait plaisir, car c'est un appel à lutter contre les forces de destruction qui sommeillent en chacun de nous. Merci

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