• [Critique TV] Mr. Robot, Saison 1

    [Critique TV] Mr. Robot, Saison 1

    Vous voulez des séries de qualité ? Oubliez les grandes chaînes publiques américaines. A quelques rares exceptions près, vous n'y trouverez que du bas de gamme. Tournez-vous vers le câble. Et réjouissez-vous. HBO, Showtime, AMC...vous y trouverez de nombreuses pépites. Alors lorsque la chaîne câblée USA Network décide de revitaliser son offre pour faire face à la concurrence et produit une série ambitieuse intitulée Mr. Robot, évidemment, la chose attise la curiosité. Pourtant, à l'étonnement général, le showrunner s'avère être un illustre inconnu répondant au nom de Sam Esmail. Côté casting, c'est un peu maigre également à l'exception d'un certain Christian Slater (que l'on pensait mort et enterré depuis le temps) et un Rami Malek que les connaisseurs auront déjà croisé dans la mini-série de Steven Spielberg et Tom Hanks, The Pacfic. Diffusé depuis juin 2015, Mr. Robot agite pourtant rapidement la toile et les médias, gagnant une jolie réputation à la fois sulfureuse et atypique. Alors, qui est Mr. Robot ?

    Mr. Robot est un hacker. Et du genre génial.
    Elliot Alderson bosse dans une boîte de sécurité internet, AllSafe, qui travaille elle-même pour EvilCorp, une immense multinationale qui contrôle la plupart du marché. Le jour, Elliot n'est donc qu'un petit informaticien asocial que seule sa meilleure amie, Angela, approche réellement. La nuit cependant, Elliot a d'autres activités. Il hacke les comptes de certaines personnes pour exposer leurs sales petits secrets au grand jour. Le problème, c'est qu'il hacke également toutes les personnes qu'il connaît et pénètre dans leur intimité par le biais des renseignements à sa disposition sur les réseaux sociaux, les boîtes mails...et l'internet en général. Elliot a également de graves problèmes de sociabilité qui le condamne à une solitude terrible et à fréquenter un cabinet de psy. Seulement voilà, Elliot a été trop loin. Il a piraté le gars de trop et des hommes en noir le suivent jusque dans le métro jour et nuit. C'est alors qu'un certain Mr Robot le trouve. Cet énigmatique personnage lui révèle alors son plan insensé : faire tomber le monde capitaliste en faisant chuter EvilCorp. Et si cela arrivait vraiment ?

    Mr. Robot s'ouvre sur un pilote d'une heure avant de repartir sur un format 45-50mn pour les neuf épisodes suivants. Pourtant, en l'espace de cette première heure, Mr. Robot fait des merveilles et promet énormément de choses. Influencé par une multitudes de réalisateurs et de films récents, Sam Esmail fait la synthèse d'un Social Network et d'un Fight Club saupoudré d'American Psycho et d'une bonne rasade de Margin Call. Ce pilote sous influences pourrait s'avérer totalement inintéressant mais c'est justement le contraire qui se produit, une sorte de petit miracle en soi. Extrêmement accrocheur, le premier épisode introduit le monde froid et paranoïaque dans lequel évolue Elliot. Un monde avec d'énormes ressemblances par rapport au nôtre. Tout est contrôlé par l'argent, les interactions entre les personnes sont devenues froides, effrayantes presque. Et l'internet est devenu le Dieu de l'ère moderne. Au milieu, Elliot a un pied dans l'ancien monde et un pied dans le nouveau monde. A la fois hacker et farouche opposant aux réseaux sociaux, le jeune homme incarne une certaine figure de rébellion qui charme immédiatement. 

    Frontalement, Mr. Robot nous met face à nos propres contradictions. Épris de liberté, nous évoluons pieds et poings liés par le pouvoir de l'internet. La série montre à quel point il est facile aujourd'hui de perdre toute vie privée. Dès le premier épisode, Elliot charge Facebook et démonte Apple, montrant que Sam Esmail ne veut pas s'arrêter à la surface. A côté de ça, la série s'illustre par sa volonté de s'insinuer dans le monde du hack et des pirates informatiques. Et tant pis si l'on y comprend rien bien souvent, on est captivés par ce charabia quasi-magique. C'est ici que Mr. Robot joue la carte Margin Call après avoir usé de sa carte Fight Club. Loin d'étouffer la série cependant, ces influences sont digérées patiemment et s'intègre dans une volonté d'explorer plus profondément les choses. Outre le désir constant de la série de détruire bloc par bloc une société moderne devenue une dictature incapable de dire son nom, Mr. Robot s'amuse avec nous.

    C'est à ce moment qu'entre en scène Rami Malek. Encore peu connu, l'interprète d'Elliot fournit un travail plus qu'admirable avec de claires prouesses d'acteurs par moments. Soyons clairs, si l'on enlève Malek de Mr. Robot, la série n'a quasiment plus d’intérêt. En effet, absolument toute la série (excepté le malencontreux épisode 7) est basée sur lui et son personnage captivant. Esmail joue sur deux terrains avec Elliot : celui de la folie et celui du génie. Elliot est-il fou ? Hallucine-t-il le grand complot capitaliste ? Qui est-il vraiment sous sa capuche et derrière son regard de junkie ? Mr. Robot entretient le suspense...sans vraiment l'entretenir. En réalité, Esmail a l'intelligence de comprendre qu'il n'invente rien sur ce plan et la révélation finale n'en sera pas une. Elliot parle toujours directement au spectateur, le met dans sa poche, en fait un complice. Du coup, Esmail joue avec ce postulat casse-gueule pour ne pas jouer la carte du twist improbable mais celle du twist logique que l'on attend de pied ferme. La chose est tellement finement amenée et assénée que tout passe comme une lettre à la poste.

    Seulement voilà, Mr. Robot s'avère au final une série terriblement frustrante car bancale. Passé le pilote formidable sur tous les plans (la réalisation, notamment, est divine), Mr. Robot devient inégal. La faute à des arcs secondaires franchement parfois hors de propos et lourds. Si l'on peut pardonner toute l'intrigue avec le dealer (elle accouche d'un épisode d'une intensité extrêmement réussie même si elle s'éloigne totalement de l'histoire), difficile d'excuser le remplissage de la sous-intrigue d'Angela, au mieux passable, au pire tout à fait chiante. Si on rajoute le fait que Portia Doubleday, l'actrice l'intreprétant, est surement la seule erreur de casting de la série, la chose devient embarrassante. Heureusement que l'arc concernant Tyrell, satire mordante et violente de l'homme d'affaire moderne à en faire pâlir Bateman, rattrape quelque peu les choses. De même, l'épisode 7, comme on l'a dit plus haut, fait le choix de mettre Elliot en arrière-plan. Du coup, le résultat s'avère pénible et ennuyeux. Il est heureux que l'erreur ne soit plus renouvelée par la suite.

    Ces errements sont d'autant plus dommageables à Mr. Robot que sur un point de vue strictement formel, la série est proche de la claque. Réalisée avec classe (et très influencée par le cinéma de Fincher) et présentant des scènes tout à fait mémorables. De la même façon, la bande-originale se révèle délicieuse, en parfaite adéquation avec son sujet et très souvent perturbante. Car c'est là-dessus que l'on finira, Mr. Robot a de quoi perturber le spectateur. Non seulement par le jeu psychologique constant qu'elle impose mais par sa volonté de nous tendre un miroir particulièrement désagréable sur notre propre servitude. Tout le défi de Sam Esmail après l'épilogue réussi de cette première saison, c'est d'arriver à aller plus loin, à assumer sa révolution et à montrer comment cette vendetta va pouvoir faire émerger un monde autre, pas forcément meilleur notez-bien, mais différent. Si Mr. Robot arrive à atteindre cet objectif, alors il pourra toucher de bien plus hauts sommets.

    Série inégale mais pleine de bonnes choses, Mr. Robot a des allures de melting-pot d'influences. Heureusement, Sam Esmail fait preuve une grande habilité pour présenter les choses et digérer ses sources. Malgré des défauts qui handicapent parfois lourdement la série, son message politico-social et surtout son héros incroyablement fascinant interprété par un Rami Malek impressionnant, constituent autant de points forts qui nous font espérer beaucoup pour la suite. 
    Is this happening ?

    Note : 7.5/10

    Meilleur épisode : eps1.0_hellofriend.mov

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  • Commentaires

    1
    Lundi 21 Septembre 2015 à 19:19
    Cachou

    La question de la folie du personnage principal ne s'est jamais vraiment posée pour moi, j'avoue être partie en me disant que, et pour finir donc, oui. Il reste cependant incroyablement et bizarrement attachant et, en effet, la série ne serait rien sans l'acteur principal. Mais j'aime beaucoup la critique sociétale de cette série et j'adore qu'ils soient allés jusqu'au bout dans le dernier épisode, je pensais qu'ils allaient trouver une excuse pour que tout ça n'arrive pas. J'ai hâte de voir comment les choses vont évoluer dans la seconde saison du coup...

    2
    Mardi 22 Septembre 2015 à 18:54

    Etrange au niveau de la folie. A mon sens, c'est à la fois ce que tu décris mais il reste tout de même un minuscule doute dans la première partie, genre et si tout était vrai ? Mais c'est aussi ce qui sauve la série du plagiat, comme tu dis, en un sens, on connais très bien le cliff, on est complice d'Elliot, on est dans sa tête.
    Comme toi, j'étais convaincu que dans le dernier ou avant-dernier épisode on allait nous faire le coup de "Y'a un truc qui fait tout échouer"...et non ! Franchement - et d'où ma conclusion à la critique - si la saison 2 assume cet espèce d'effondrement capitaliste et part tête baissée dedans, ça peut devenir très (très) grand. Je nourris pourtant quelques doutes du fait des défauts de remplissage et des quelques facilités de la première saison. 
    Mais bon...rien que pour Rami Malek (qui arrive à totalement éclipser Slater quand même), ça vaudra le coup d'oeil

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