• [Critique] White God

    [Critique] White God


    Les OFNIs venus de l'Est n'en finissent plus d'étonner. Après l'Ukraine et The Tribe, c'est au tour de la Hongrie et White Dog de faire une entrée remarquée sur les grands écrans français. Précédé par un puissant buzz critique depuis Cannes et Un Certain Regard où il a raflé le Prix de la sélection, White God joue sur un tableau totalement inattendu : le film animalier en tant que satire sociale. Avec des acteurs totalement inconnus sous nos latitudes et un réalisateur qui change radicalement de registre en la personne de Kornel Mundruczo, le long-métrage fait des choix tout à fait audacieux. A commencer par la vedette de son récit qui n'est pas vraiment celle que l'on pensait être. 


    Lili a 13 ans et doit, tant bien que mal, vivre avec son père pendant que sa mère part en voyage. Pour tenir le coup face à un homme qui semble bien froid, elle peut compter sur Hagen, son chien bâtard et véritable molosse au demeurant. Seulement voilà, la Hongrie a fait passer une loi pour favoriser les chiens des races et tout propriétaire de bâtard doit s'acquitter d'une taxe. Rapidement, Hagen devient une charge inutile pour le père de Lili qui finit par l'abandonner en bord de route. C'est l'acte fondateur d'une révolte canine qui risque bien de tourner au jeu de massacre.

    Peut-être l'un des films les plus radicaux de cette année, White Dog fait partie de ces métrages qui vont jusqu'au bout de leurs intentions. Contrairement à ce que laisse présager le début, il ne s'agit pas d'une quête à la Disney d'une jeune fille pour retrouver son toutou adoré. En réalité, depuis le commencement, l'histoire est celle d'Hagen, véritable héros... si l'on peut dire. Au bout d'une vingtaine de minutes, White Dog abandonne carrément et simplement ses protagonistes humains pour se centrer entièrement autour du chien. On assiste alors à une multitude de séquences surréalistes où Hagen rencontre d'autres chiens errants, prend la tête de la bande, échappe aux gens de la fourrière, se retrouve prisonnier et ainsi de suite. Sans parole, juste entrecoupé par les aboiements des corniauds qui occupent l'écran. Attention, il ne s'agit pas d'une sorte d'Incroyable Voyage avec des animaux courageux et attachés à leur maître mais bien d'une intrigue à part entière, sauvage, dure et parfois révoltante. La violence est omniprésente dans White Dog, notamment celle que font subir les hommes aux animaux. Mundruczo ne souhaite pas épargner son public et ne fait aucune concession. Dans ce sens, le métrage reste très loin des productions grand public qu'on pourrait croiser autour des animaux. Rassurez-vous, aucune bête n'a été blessée durant ce tournage, malgré la rudesse de certaines scènes.

    Le versant humain du film reste donc congru mais tout à fait pertinent. La quasi-majorité des protagonistes humains sont dépeints d'une façon bien peu flatteuse, voire carrément dégoûtante. Du père égoïste à l'éleveur de combat, en passant par la logeuse acariâtre, on peut même carrément affirmer que l'histoire ne trouve aucune qualité au genre humain. Cette démonstration par l'absurde de la brutalité et de la vanité de la société permet de remettre en place également des bêtes qui n'en ont pas les atours. Au fur et à mesure que le récit avance, on se demande de plus en plus ouvertement qui de l'homme ou du chien est le véritable animal. Ce n'est certes pas non plus un message tout à fait neuf mais la radicalité avec laquelle il est envisagé force le respect. Surtout que le réalisateur hongrois sait très bien filmer et mettre sa ville en valeur, à commencer par sa scène d'ouverture impressionnante qui n'est pas sans rappeler une certaine séquence de 28 Jours plus tard de Boyle. D'ailleurs, on retrouve d'autres similitudes avec les films d'horreur comme Les Oiseaux de Hitchcock où les volatiles seraient remplacés par une meute de chiens errants écumants de rage.

    Dans le fond, White Dog tient autant de la satire sociale et du plaidoyer contre la cruauté animale que du film d'horreur et du récit initiatique. Hagen est érigé en héros, voire en anti-héros, par Mundruczo qui finit pat l'iconiser en vengeur divin. Oui, un chien. Ce refus d'abandonner son postulat de départ jusqu'à l'extrémité de son récit et cette conclusion magnifique et poétique desservent autant le métrage qu'ils lui insufflent une grande originalité. En effet, dans son envie d'aller au bout des choses, le réalisateur hongrois tombe dans une succession de scènes de vengeance certes jouissives mais bien trop longues, une ou deux auraient amplement suffi. Ainsi, White God traîne en longueur sur sa dernière partie et finit un tantinet par agacer. Une petite coupe aurait fait le plus grand bien au métrage. Cela n'enlève bien entendu rien à l'audace filmique qui caractérise le récit de Mundruczo.

    On nous avait annoncé un OFNI, et c'est bien un OFNI que se révèle être White God. Certainement trop long et pas forcément facile à aborder, le long-métrage de Kornel Mundruczo reste pourtant un sacré moment à vivre au cinéma, ne serait-ce que pour assister à un drame porté par les seules épaules d'un chien - qui a d'ailleurs décroché la Palm Dog ! - mais aussi pour découvrir une curiosité filmée avec talent et audace. 

    Note : 8/10

    Meilleure scène : La scène finale





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