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    Librairie-Café Les Quatre Chemins - Lille - 142 rue de Paris

  • [Critique] Roméo et Juliette


    Le nombre d’œuvres légendaires du non moins légendaire William Shakespeare a permis à l'écrivain de s'imposer durablement dans les esprits. Hamlet, Othello, Songes d'une nuit d'été, MacBeth...autant de classiques qu'on ne présente plus. Si l'on devait finalement désigner le récit le plus connu de l'anglais, nul doute qu'on pourrait tomber d'accord sur Roméo et Juliette. Quintessence du drame romantique paru en 1597, Roméo et Juliette s'est imposé comme un classique à travers les siècles, adapté sous tous les formats. Pourtant, en 2015, que pensez d'un récit qui apparaît comme un des plus gros "clichés" qui soit, à savoir l'amour impossible d'un homme et d'une femme que tout sépare ? Shakespeare est-il encore aussi formidable à la lecture près de quatre siècles plus tard ? 


    La réponse est oui, et même trois fois oui. Le lecteur plonge tête la première dans l'existence de deux familles d'aristocrates de Vérone, les Capulet et les Montaigu. Toujours prêt à se nuire l'une à l'autre, elles ne s'attendent pas à ce que l'impossible se produise, que deux de leurs membres tombent amoureux l'un de l'autre. D'un côté, Roméo, l'héritier du patriarche Montaigu, de l'autre Juliette, unique héritière des Capulet. Cette histoire, archi-connue à l'heure actuelle, n'a cependant rien de rédhibitoire. Mythe fondateur d'une grande part du romantisme moderne, Roméo et Juliette constitue aussi une tragédie flamboyante et fascinante. Même si l'histoire n'est en réalité pas novatrice - Tristan et Yseult étant déjà passés par là - Shakespeare puise dans son génie consommé de conteur pour transcender les limites de son récit.

    Ce qui permet à Roméo et Juliette de rester toujours aussi puissant à l'heure actuelle, outre son universalité, c'est avant tout le style d'écriture de William Shakespeare. Avec ses jeux de mots, ses rimes ou encore son sens inné du rythme, la pièce acquiert une puissance hors du commun. L'anglais ose tout, alternant monologue passionnant et déclamations ardentes de deux âmes éprises l'une de l'autre. Oubliez ce que vous croyez savoir de la désuétude des dialogues, si certains sont d'un cliché qui pourrait faire grincer des dents ( "O Roméo! Roméo! Pourquoi es-tu Roméo? Renie ton père et abdique ton nom ; ou, si tu ne le veux pas, jure de m'aimer, et je ne serai plus une Capulet."), ils prennent une toute autre envergure insérés dans le récit, constamment magnifiés par la langue mirifique d'un Shakespeare au sommet de son art. Rien que pour celle-ci, Roméo et Juliette est un chef d'oeuvre intemporel.

    Plus loin que le simple aspect formel, c'est la dénonciation en règle de la stupidité humaine qui rend Roméo et Juliette si poignant. Tout le tragique de la pièce tient, au fond, dans l'entêtement maladif des deux familles pour se sauter à la gorge, et cela à la moindre occasion. Brillamment orchestré par Shakespeare, la guerre de clans entre Capulet et Montaigu est aussi passionnante que dénuée du moindre sens, l'écrivain décrivant avec brio comment des personnes, même de bonne éducation, arrivent à s'étriper et à causer les pires drames pour des choses aussi triviales et abstraites que l'honneur ou le respect. Parmi tous les absurdes conflits que se livrent les deux familles, la pureté et la grandeur d'âme de Roméo et de Juliette les rendent presque anachroniques. Oasis de lucidité sauvés par l'amour, les deux personnages seront pourtant tout du long esclaves d'un destin qui les poursuit sans relâche. Maudits par leur nom et par leur propre chair, Shakespeare leur refuse l'amour et les mène au drame, entre les mâchoires d'une destinée finalement impitoyable.

    Reste une dernière question essentielle pour le lecteur français, celle de la traduction. Comme avec La Nuit des Rois, on constate qu'il est primordiale d'acquérir la pièce de théâtre dans une traduction de qualité supérieure pour pleinement apprécier son contenu. Dès lors, l'édition magnifique, mais chère, de la Pléaide parait la plus appropriée. Bilingue, avec une foultitude de notes et une présentation exhaustive de la pièce, elle comprend en outre plusieurs autres œuvres de Shakespeare. Il s'agit donc d'un investissement, mais de par sa qualité exceptionnelle, l'achat s'avère tout à fait justifié.

    Classique parmi les classiques, summum de l'amour romantique et incarnation flamboyante du drame Shakespearien, Roméo et Juliette trouve toujours sa place parmi les récits les plus passionnants de l'histoire de la littérature. Oubliez ce que vous pensez en savoir et jetez-vous dessus.

    Note : 9.5/10

    Voilà ton or, pire poison pour l'âme des hommes,
    Commettant plus de meurtres en ce monde écœurant
    Que ces pauvres mixtures qu'on t'interdit de vendre


    Livre lu dans le cadre du challenge Morwenna's List du blog La Prophétie des Ânes  

    Quand Hitler s'empara du lapin rose


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  • [Critique] La Nuit des Rois, ou ce que vous voudrez

    On ne présente plus William Shakespeare, certainement l’écrivain anglais le plus célèbre de tous les temps. Son œuvre théâtrale colossale peut être scindée en trois catégories : les tragédies (MacBeth, Le Roi Lear...), les histoires (Henri IV, Richard II..) et bien évidemment les comédies dont fait partie le présent ouvrage, La Nuit des Rois. Dans cette pièce datant de 1602, l’anglais s’inspire de divers textes tels que Les Abusez ou L’Apolonius et Silla pour accoucher d’une histoire entre bouffonnerie et imbroglios d’identités, où l’amour romanesque domine encore et toujours. Malgré son ancienneté et les craintes que l’on pourrait nourrir vis-à-vis d’une certaine désuétude, La Nuit des Rois reste un classique intemporel non seulement grâce au style formidable de Shakespeare, mais aussi par son sens du comique de situation tout à fait délicieux. Bienvenue en Illyrie.

    En Illyrie, le Duc Orsino se languit d’amour pour la belle Olivia, une riche comtesse en deuil de son frère décédé. Malgré la cour insistante du Duc à travers ses valets, Olivia refuse ne serait-ce que de lui accorder une audience. C’est alors que se présente Viola, une jeune femme survivante du naufrage de son navire et qui a perdu son frère dans l’incident. Apprenant la situation du Duc, elle décide de se déguiser en homme et se fait appeler Césario pour entrer au service d’Orsino. Dès lors, elle tente de séduire Olivia pour son nouveau maître mais deux choses inattendues arrivent alors. D’une part, Olivia tombe amoureuse de Césario, d’autre part, Viola s’éprend du Duc Orsino. Ignorant la survie de son frère Sebastien, Viola va devoir faire face à de nombreux obstacles à cause de la maisonnée d’Olivia et des querelles entre l’intendant Malvolio, la suivante Maria et les nobles Tobie Rotegras et André Grisemine...

    Cette pièce de théâtre aux accents comiques prononcés fait la part belle à l’amour romanesque de l’époque. On y retrouve donc plusieurs abords de celui-ci, d’abord entre Orsino et Olivia, un amour bien plus formel que tangible, dû au rang plus qu’aux sentiments, tant Orsino semble plus amoureux d’un concept que d’une personne à proprement parler. Ensuite, entre Viola et Orsino, et Césario et Olivia, un amour de personnes, mais aussi de dupes, puisque ceux-ci se basent sur des à priori faussés par le déguisement de Viola en Césario. Autour de tout cela, gravite une galerie de personnages secondaires délicieux qui occasionnent des intermèdes comiques dans l’intrigue principale du trio amoureux Orsino/Viola/Olivia. Et c’est certainement là que le génie d’écriture de Shakespeare transparaît le plus avec une série de comiques de situation et d’imbroglios délicieux. Le tout est magnifié par une langue certes complexe, mais divine et poétique (les rimes n’étant vraiment perceptible que dans la langue anglaise, il est judicieux de porter son choix sur une édition bilingue pour apprécier la petite musique Shakespearienne).

    Ces bouffonneries sont l’occasion de porter l’attention sur messire Tobie et messire André, en même temps que Maria et Malvolio. Ce dernier, sorte de tête-de-turc puritain, bénéficie de toutes les attentions et toutes les fourberies de la part des autres personnages secondaires, occasionnant une cascade d’évènements qui va forcément mêler Olivia et Viola, culminant avec l’affrontement ridicule de Césario et d’André, largement dû aux manigances de Maria et Fabian. Shakespeare donne une puissance comique incroyable en recourant simplement à une série d’imbroglios et de fausses identités. Le résultat est un tour de force qui, en plus de 400 ans, n’a pas pris une ride. Il en profite naturellement pour charger la noblesse et le clergé – Feste déguisé en Topaze par exemple – mais également pour tourner en dérision le puritain Malvolio, un des jeux préférés de l’époque. L’édition comporte d’ailleurs un grand nombre de notes, extrêmement utiles et pour tout dire, indispensables à la compréhension de la multitude de références qu’emploie Shakespeare. Celui-ci truffe en effet son texte de clins d’œil à des événements de l’époque ou à d’autres œuvres, permettant ainsi de s’immerger encore davantage dans la société britannique du XVI-XVIIème siècle.

    Découpé en 5 actes, La Nuit des Rois offre une vision certes classique de l’amour mais surtout un séduisant panorama de la conception amoureuse de l’époque. Son aspect désuet, nullement rébarbatif, permet de nous transporter à travers les siècles et de jouir d’une conception totalement différente des choses. De plus, Shakespeare, par son génie langagier, évoque au lecteur des images magnifiques et inoubliables, ne serait-ce que cette tirade époustouflante de lyrisme du Duc Orsino en guise d’introduction... sans même parler des nombreuses répliques de Feste, le Fou, un personnage qui pourrait paraître accessoire s’il n’incarnait pas si aisément la quintessence de l’esprit comique théâtral. Son importance, bien plus écrasante que prévue, fait que l’on se souvient davantage de ses éclats que du rôle un tantinet passif de Viola, pourtant personnage central de l’œuvre. Sans jamais accuser de gros temps morts, la pièce entraîne son lecteur dans une spirale comique et amoureuse délicieuse servie par la plume insolente de Shakespeare et une galerie de personnages véritablement truculents.

    Idéal pour un premier abord de l’œuvre impressionnante de William Shakespeare, La Nuit des Rois demeure un classique malgré les siècles écoulés. Hilarante mais raffinée, ciselée mais accessible, la pièce fera le bonheur de tous.

    Note : 9/10

    N.B : Pour une telle écriture, la traduction est capitale. Celle du GF Flammarion bilingue laisse d’ailleurs quelque peu à désirer et se permet même d’oublier purement et simplement de nombreuses didascalies. On ne saura, dès lors, que chaudement recommander l’édition de La Pléiade, certes très chère, mais qui a l’avantage de regrouper plusieurs pièces en un seul volume ainsi que de bénéficier d’une traduction impeccable.

     

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  • Auteur français génial, Timothée Rey est également un écrivain effrayant. Pourquoi, me direz-vous. A-t-il une apparence monstrueuse ? Mange-t-il des enfants au petit-déjeuner ? Vénère-t-il Justin Bieber ? Heureusement, non. Si Timothée Rey est à la fois effrayant et génial, c’est que ses écrits ne ressemblent à nuls autres et nous emmènent dans un monde souvent absurde et improbable comme il l’a prouvé avec le farfelu recueil Des Nouvelles du Tibbar aux Moutons Electriques (jetez-vous dessus que l’on vous dit !) ou l’étrange Dans la forêt des Astres au même éditeur (jetez-vous aussi dessus). Malgré un univers bien à lui et auquel il faut laisser du temps pour s’installer, Rey est un conteur génial qui excelle dans la forme courte. Et avant de parler dans une prochaine critique de son premier roman Les Souffles ne laissent pas de traces, nous allons nous intéresser à son mini-recueil paru uniquement en numérique chez les éditions ActuSF, à savoir La providence du Reclus.

    En regroupant 3 nouvelles dont deux inédites, ActuSF et Timothée Rey nous présentent une nouvelle facette du travail de l’écrivain, à savoir le fantastique mâtiné d’horreur. Pourtant, comme nous le verrons, Rey ne renie pas toutes ses manies, et notamment son humour absurde et pince-sans-rire. Bien sûr, l’horreur est un genre assez balisé, vu et revu dans bien des œuvres, qu’elles soient cinématographiques ou littéraires. Que peut apporter de plus notre auteur savoyard ? Justement, une atmosphère et un paysage bien français. Ainsi, dans sa toute première histoire, La Providence du Reclus, écrite à l’origine pour une anthologie sur Lovecraft, il nous entraîne sur les pas d’un homme originaire d’Annecy, qui tente d’élucider une énigme laissée par son grand-père Dédé, quant à la venue de deux mystérieux voyageurs dans son hôtel, le Vieux-Logis. En effet, personne n’a jamais parlé d’un voyage de Lovecraft en France, et encore moins dans la ville d’Annecy, mais c’est bien ce qu’a déclaré maintes fois Dédé. Hommage à l’homme que tous les aficionados de l’horreur littéraire connaissent, le récit est aussi court qu’excellent, Rey arrivant avec une stupéfiante facilité à tisser une atmosphère terrifiante tout en gardant clins-d‘œil et arrière-goût comique à son histoire de gastéropodes... Quand on vous dit qu’il s’agit d’un écrivain français ! La Providence du Reclus fait déjà la part belle à la région de Haute-Savoie, celle d’origine de l’auteur (tiens donc...), et permet ainsi de donner une certaine originalité à l’hommage. Malgré la nature improbable de la créature qui se terre au numéro 17, vous allez trembler (et baver aussi... peut-être) !

    Vient ensuite l’autre très courte nouvelle du recueil, Naseaux Fumants, où Fernand se rend compte que la légende de la Massive, une créature de l’hiver qui tue vaches et chiens égarés dans les hauteurs de Le Murgier, n’est peut-être pas si absurde. En sus de capturer à nouveau une atmosphère « franchouillarde » unique, Rey profite également d’une époque reculée (1900) pour saper les nouveaux enseignements scientifiques de l’époque en leur opposant le folklore et les superstitions locales. Plus tendue mais aussi plus rapide que la précédente, l’histoire de Naseaux Fumants arrive également à ses fins et permet un petit sursaut horrifique avant d’attaquer le gros morceau du recueil : Trente-six, dix-neuf. Plus longue nouvelle de l’e-book, le récit de Trentre-six, dix-neuf raconte l’histoire de Nicolas, un doctorant en folklore, et Audrey, sa femme, qui tentent de percer les mystères des mythes savoyards et notamment celui des Naroue. Timothée Rey déploie ici tout son talent pour faire jaillir l’horreur de superstitions locales savoyardes en faisant lentement monter en régime son récit, en instillant le doute dans l’esprit de son lecteur, pour finir par faire éclater l’horreur des naroue et de leurs interactions avec les villageois. Maitrisé de bout en bout, Trente-six, dix-neuf jouit d’une atmosphère formidable grâce à ce bout de Haute-Savoie profonde, mais aussi de créatures terrifiantes savamment utilisées dans le récit de façon à agencer la coutume des masques et de la comptine de façon crédible. A elle seule, cette dernière nouvelle mérite l’acquisition du recueil.

    Si vous voulez poser un pied en douceur dans l’univers de Timothée Rey ou découvrir un autre versant de l’œuvre du français, ou simplement lire trois excellents récits d’horreur bien de chez nous, nul doute que La providence du Reclus est fait pour vous. Et à 2.99 euros, vous n’avez plus aucune excuse !

    Note : 8/10

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