• [Critique] Independence Day : Resurgence

    Il arrive des jours comme ça où le temps est beau, les oiseaux chantent, les marmottes font leur toilette.
    Des jours où tout semble aller bien dans le meilleur des mondes.
    Innocents, insouciants, on va se faire un petit film au cinéma du coin. Titillé par la nostalgie des années 90, on prend un ticket pour la suite d'Independence Day, ce métrage signé Roland Emmerich sorti en 1996. 
    Alors, oui, il faut être d'une grande naïveté pour croire que l'homme qui a commis 2012 pouvait encore sortir un divertissement coupable et décomplexé correct avec des aliens et des grosses explosions. Mais on se dit que la vie peut être surprenante, qu'un jour Luc Besson finira par faire un bon film par erreur, que David Guetta prendra sa retraite, que Marc Levy se fera mordre par un castor enragé...bref, la réalité, c'est que la vie est une pute.

    Nous sommes bien des années plus tard après le premier film. La Terre, grâce à l'invasion extra-terrestre déjouée par Will Smith et Jeff Goldblum - ainsi qu'un virus informatique révélant que les E.T tournaient sous Windows (c'est quand même con un alien) - a tiré les leçons de ses échecs. Unit dans un même objectif, et grâce aux épaves récupérées, la technologie humaine a fait un bon sidérant. Sauf que, manque de bol (et aussi parce qu'il fallait une raison à cette suite autre que "je dois me payer un nouveau jacuzzi"), les bestioles de l'espace reviennent. Avec un plus gros vaisseau, une plus grosse armée et une reine dirigeante mal lunée. David Levinson avertit encore une fois du danger tout comme l'ancien président devenu à moitié sénile et boiteux, Thomas Whitmore. Heureusement, des héros se lèvent à nouveau pour combattre l'ennemi en ce 4 juillet, jour emblématique (et pourri quand même) de cette uchronie. 

    En effet, Independence Day : Resurgence est une uchronie. Le film part du postulat que les humains ont évolué bien plus rapidement que nous dans cette Terre alternative du fait de la technologie extra-terrestre laissée sur place après la grande défaite du 4 juillet. De ce fait, l'armée humaine dispose d'une base lunaire, d'un réseau de défense orbital et d'avions armés de laser qui font piou piou piou (Tu fais très bien le laser ! Merci ! Non mais vraiment je le pense). C'est certainement la seule et unique bonne idée du film. Le reste...comment décrire le reste...il faut être technique et pas vulgaire à la fois.
    Certes, Independence Day premier du nom était un film bas du front, une ode à l'american way of life et à la suprématie US. C'était bourrin, très con parfois, mais c'était cool, attachant et souvent diablement épique.
    Là...c'est autre chose.

    Tout commence déjà avec les personnages. Concentré à 200% sur son fan service, le film offre à peu près toute la brochette des acteurs du précédent, à commencer par Jeff Goldblum et Bill Pullman. Mais pas Will Smith, qui n'était pas assez désespéré pour tenter l'aventure. Du coup, Roland Emmerich l'a remplacé par un acteur noir leader price (car il faut savoir que l'acteur noir est interchangeable) sans l'ombre du quart du centième de la classe d'un Will Smith. Ce Willus Smith va même avoir un pote avec qui il est fâché (ça met du piment à l'intrigue) en la personne de Jake Morrison interprété par Liam Hemsworth qui avait déjà joué auparavant dans Hunger Games (du lourd). Entre deux, la traditionnelle petite amie dont on ne souvient jamais du nom, un deuxième noir plus gros avec des machettes, parce que le quota de noirs dans les films Hollywoodien a augmenté depuis 1996, et Charlotte Gainsbourg. On ne sait pas ce qu'elle est venue faire là, elle non plus à priori vu son jeu d'actrice au cours de l'aventure, mais quelque chose nous dit qu'elle va vite regretter Lars.

    Passé le casting aussi excitant que l'on avait pas osé l'imaginer, il y a une histoire. Enfin, une histoire... Un timbre poste. Les aliens reviennent pour détruire la Terre, ils sont encore plus méchants, ils font les mêmes choses ou presque que dans le précédent film, et voila. Bon. Sauf que le côté découverte du premier n'est forcément plus présent, on sait exactement de quoi il retourne. Roland Emmerich va aussi à cent à l'heure, ne laissant plus du tout son aventure se poser pour créer un suspense digne de ce nom. Et puis l'évolution technologique annihile le côté guerrier épique du premier (on se souvient tous des "Eagle Un, Fox deux" quand les avions tiraient des missiles) remplaçant tout ça par une bouillie de pixels avec lasers intégrés. Independence Day : Resurgence n'a plus aucun moment palpitant à offrir, ni même héroïque à l'américaine comme dans son prédécesseur. Tout s’enchaîne si vite avec si peu de conviction que rien ne prend, même pas la première offensive aérienne ou le final pourtant pensé pour être une apothéose. Dans tout cela, le pire reste que le film tente constamment de renouer avec les éléments qui avaient fait le succès du film de 1996...en utilisant des clichés aussi énormes qu'un François Hollande pré-électoral. 

    On pourrait pleurer devant un tel spectacle, ou rire de bien des scènes contenues dans le métrage, mais on est juste fasciné par autant de bêtises. Pour illustrer plus clairement l'échec total du film, prenons une scène symptomatique de ce ratage. Le scientifique de la zone 51 du premier film et son comparse scientifique vont se réfugier dans la salle d'isolation pendant que des aliens les attaquent. L'un des deux meurent et l'on assiste alors à la traditionnelle scène "Je prends l'agonisant dans mes bras pour échanger quelques belles paroles." Sauf que là, cela concerne un personnage que l'on a vu que 35 secondes à l'écran auparavant, dont on a clairement rien à foutre, qui est ridicule de surcroît et qui se révèle être gay. Surprise. Alors on sent qu'il y a forcément du second degré la-dedans (on l'espère en fait, sinon c'est un vrai chef d'oeuvre de nanardise) mais cela illustre toute la médiocrité du film. Un enchaînement d'événements trop rapides pour qu'on les assimile sur des personnages clichés et inconsistants, pour des enjeux vus et revus, et surtout...on ne sait absolument pas si c'est de l'humour intentionnel ou non. Un drame. 

    On ne parlera volontairement pas de la sphère blanche Apple qui se révèle un allié dans la lutte que livrent les humains (une des nombreuses idées WTF du film) ni de la cruauté de voir un Willus Smith sans copine pour le retrouver à la fin (mais c'est pas Will Smith, donc la nana forcément, il peut rêver !) ou encore du périple des enfants et du père de David (qui ne sert à rien, ne fait pas rire...on ne sait même pas ce qu'il fait encore là en fait !)
    Pour conclure au sujet d'Independence Day : Resurgence... la vie est une pute mais qui a le sens de l'humour.

    Note : 0.5/10

    Meilleure scène : Le scientifique qui meurt dans les bras de son pote et à qui il n'a pas tricoté le pull qu'il voulait, juste une écharpe. (Non mais, c'est vrai en plus!)

    Meilleure réplique : "Il n'y aura plus jamais de paix possible" (prononcé par la présidente avant de mourir des mains des aliens, alors que ceux-ci viennent de détruire la planète pour la deuxième fois. On s'attendait clairement à un pique-nique après ça, c'est certain.)
     

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  • [Critique] Preacher, tome 1

     Jeune prodige anglais dans le monde des comics dans les années 90, Garth Ennis a fréquenté comme nombre de ses collègues de l’époque 2000 A.D, un hebdomadaire de science-fiction britannique où Alan Moore, Brian Bolland ou encore Neil Gaiman ont officié. Il faut pourtant attendre 1991 pour qu’Ennis devienne scénariste d’une des séries les plus cultes du label Vertigo (la collection « adulte » de DC Comics) : Hellblazer. Durant 4 ans, l’anglais va appliquer sa recette maison à Constantine, rendant la série plus brutale et irrévérencieuse que jamais. C’est également à cette période que Garth Ennis rencontre un certain Steve Dillon, dessinateur génial s’il en est, qui va par la suite collaborer avec lui sur un tout nouveau projet pour Vertigo : Preacher.

    Preacher deviendra au fil des numéros l'une des séries les plus cultes de Vertigo, voyant la parution de 66 numéros jusqu’en 2000. Récompensé par pas moins de quatre prix Eisner, le bébé d’Ennis et Dillon s’attire les louanges de la presse spécialisée comme du public. Il faut attendre l’année 2016 pour que le comic book soit porté sur le petit écran par la chaîne américaine AMC dans un format similaire à celui de The Walking Dead. Avant de reparler de la série télévisée, il était tout naturel de se pencher sur le comics d’ailleurs récemment réédité dans une édition respectant le découpage VO par Urban Comics. On mentionnera ici que cette critique porte sur le premier tome de l’édition Urban, ou sur le premier tome de l’édition Panini et la moitié du second.

    De quoi parle donc ce fameux Preacher ?
    D’un pasteur du nom de Jesse Custer qui vit dans une petite ville au fin fond du Texas. Un beau jour, alors qu’il n’en peut plus de sa congrégation de rednecks débiles, Jesse est frappé par une entité échappée des geôles du Paradis : Génésis. En s’unissant à lui, Génésis lui donne un pouvoir inestimable : La Voix de Dieu. Du coup, tout ce que demande Jesse grâce à la Voix devient réalité. S’il vous dit de lui préparer un café, vous lui préparez un café sur le champ. S’il vous dit d’aller vous faire enculer par un taureau…espérons que vous avez de la crème hémorroïdaire sur vous, et de la bonne. Suite au cataclysme provoqué par cette rencontre, qui souffle son Eglise au passage et une grande partie des bouseux de la petite ville en question, Jesse est tiré des décombres par son ex-petite amie, Tulip O’Hare, et le déjanté Cassidy qu’elle a elle-même rencontré auparavant dans des circonstances discutables. Commence alors une quête pleine de bruits, de fureur, de violence, de sexe, de vulgarité et de vaseline, le tout saupoudré d’une histoire d’amour torride. Jesse a une idée : trouver ce connard de Dieu et lui demander de rendre des comptes sur sa façon douteuse de gérer ses enfants. Traduction : Dieu va avoir mal à l’anus.

    Ce premier (imposant) volume rassemble les douze premiers numéros de la série. On peut encore scinder ces douze numéros en deux arcs : Gone to Texas (#1-7) et Until the End of the World (#8-12). D’emblée, Preacher s’impose comme une série de comics irrévérencieux et bourrés de personnages vulgaires, brutaux et, pour tout dire absolument jouissifs. Ennis nous emmène dans le Texas, avec tous les stéréotypes que cela présuppose, et s’amuse comme un fou à décrire une humanité écœurante de médiocrité et de brutalité. Sauf qu’il ne s’agit pas véritablement d’une peinture dramatique ordinaire. Il s’agit avant tout d’un tour de piste à la Ennis avec un humour noir (parfois même très très noir) succulent qui mêle tour à tour tabassage en règle, vampire, scène de sexe hardcore, massacre au colt et autres évocations zoophiles. Preacher n’est pas vraiment là pour faire dans la dentelle et cela se voit dès son premier arc. Ennis nous montre le paradis comme on l’a rarement vu avec des anges un tantinet dépassés, un Dieu démissionnaire et puis surtout un pasteur qui en a un peu marre de toutes ces conneries de religion.

    Avant d’être un joyeux road-movie référencé, Preacher est un brûlot absolu à l’encontre de la religion chrétienne. Si vous êtes pratiquant, vous risquez de mourir rapidement d’étouffement à la lecture de Preacher. Il faut dire aussi que les « bons chrétiens » qui font partie de la congrégation de Jesse n’ont pas vraiment voler le vitriol balancé par Ennis. Pourtant, le britannique a l’intelligence de ne pas nier l’existence de Dieu mais d'en faire un véritable élément moteur de son intrigue, une entité toute-puissante à qui Jesse doit remonter les bretelles pour ses conneries. Rapidement, Ennis fait de Preacher un road-movie, déplaçant son action quasi-immédiatement ailleurs que dans le trou du cul du Texas. On s’ennuie donc difficilement dans cette tornade d’action, de fou-rire corrosif et de satire grinçante. Les personnage quand à eux s’avèrent instantanément à la hauteur.

    D’abord, Jesse, pasteur désabusé mais combatif au lourd passé (que l’on ne découvre que dans le second arc de l’album). Ensuite, Tulip O’Hare, ex-petite amie de Jesse, sacrée bout de femme qui ne s’en laisse pas conter facilement. Enfin, Cassidy, truculent vampire irlandais véritable monument d’humour douteux et dictionnaire de jurons sur pattes. Ce trio magique charme d’emblée, on s’attache comme pas possible à cette équipe de bras cassés aussi forte en gueule qu’en présence. C’est aussi la relation qu’entretienne ces trois-là qui donne à Preacher son charme fou. Si l’on attendra le second album pour approfondir le personnage de Cassidy, le deuxième arc du présent volume permet de revenir sur la relation Tulip-Jesse. En supplément de son hommage au western (même John Wayne est un personnage de Preacher !), Ennis est capable de nous décrire une histoire d’amour passionnée au milieu des trucs les plus dégoûtants du monde. Comme la maison des L’angelles. Entre T.C, enculeur de poules notoires et Jody, tueur fanatique de la vieille pourriture qui sert de mémé à Jesse, Garth nous explique comment est né l’amour entre Tulip et Jesse. Le résultat s’avère foutrement romantique. Qui l’eut cru ?

    C’est aussi la violence et l’absolue liberté de ton de Preacher qui surprennent le lecteur même encore à l'heure actuelle. On imagine d’ici la surprise des lecteurs de années 90 ! Preacher emploie un langage très cru, ne recule devant aucune blague de mauvais goût, trouve des tortures toujours plus repoussantes (le cercueil de Mémé en est un brillant exemple) mais surtout, Preacher tourne en ridicule la religion et pervertit la cellule familiale. L’œuvre remet Dieu à l’image de l’homme, s’en moque, lui tire dans les pattes et finit par lui retirer son aura (cf la discussion entre Tulip et Dieu dans le numéro 11 et 12). Garth Ennis a une façon bien à lui de réfléchir sur le dogme et le sens des responsabilités. Ajoutez à cela un goût prononcé pour le western à l’ancienne et quelques personnages qu’on n’aurait jamais imaginé un jour en comics (Tête de Fion et le Saint des Tueurs pour ne pas les nommer) et vous obtenez un premier album culte dans tous les sens du terme.

    Preacher convainc d’emblée. Méchant, joyeusement foutraque, irrévérencieux, drôle, noir… Preacher, c'est aussi jouissif que de voir Justin Bieber se faire attaquer par un ragondin dopé au viagra, le tout sans capote et a cappella. Un trio d’enfer a pris la route et l’on espère que vous êtes bien accrochés à votre siège, parce que ça va faire mal.

    Note : 9.5/10

    CITRIQ

    Disponibles également aux Editions Panini :

    [Critique] Preacher, tome 1

    [Critique] Preacher, tome 1

      

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  • [Critique] Suicide Squad

    Alors soyons clairs.
    On bout d'impatience pour Suicide Squad depuis le premier trailer dévoilé par Warner. A l'époque, c'était lui qui avait volé la vedette à Civil War et Batman vs Superman. Devenu depuis le film de super-héros le plus attendu de l'année (notamment depuis le plan marketing autour de Leto et son interprétation du Joker), Suicide Squad était attendu au tournant.
    Aux commandes, un réalisateur inégal, capable du meilleur (Fury) comme du pire (Sabotage) mais avant tout un réalisateur abonné aux films d'actions qui correspondait donc plutôt bien au ton général du métrage.
    En n'oubliant pas que derrière, le projet est chapeauté par Zack Snyder himself et que la fameuse Task Force X doit permettre l'envolée du DC Universe dont elle cumule un bon nombre de super-vilains. 
    L'idée géniale : faire des méchants les héros du films. Le plus gros danger : une overdose de personnages et un scénario trop simpliste.
    Résultat ?

    Une sacrée claque super-héroïque....mais pas forcément cinématographique.
    Explications.
    Suicide Squad, si vous viviez dans une grotte ces six derniers mois, c'est l'histoire d'une équipe de super-vilains sensément sacrifiable devant une menace méta-humaine. Dedans, la crème des méchants DC avec Deadshot, Killer Croc, Harley Quinn, Captain Boomerang ou encore Enchantress. Il parait même que le Joker passerait par là. Après le recrutement de la team, une menace s'abat sur Midway City et par un artifice vieux comme New-York 1997, les super-vilains sont contraint de se battre contre ce qui ravage la ville sous les ordres du Navy Seal Rick Flag et de l'impitoyable Amanda Waller. 
    De ce pitch prometteur, Ayer tire un film électrique de deux heures qui permet une chose jusqu'ici totalement inédite : faire une vraie adaptation de comic book sur grand écran.

    Ce qui manquait à tous les précédents films de super-héros, c'était cet aspect joyeux et décomplexé émanant du comic mainstream et qui signait pour nombre de ses lecteurs la personnalité du média lui-même. Avec Suicide Squad, Ayer trouve exactement ce ton et offre le juste milieu entre la noirceur et le réalisme d'un Batman vs Superman ,et le fun d'un Gardiens de la Galaxie. Mieux encore, Suicide Squad s'affirme d'emblée comme le prolongement direct de Batman vs Superman, de façon bien plus évidente et intelligente que tous les Marvels l'ont fait auparavant. Ce sont les conséquences de la mort de Superman ainsi que de la polémique qui l'entoure qui fait naître l'équipe de Waller. Et tout comme son prédécesseur, le film d'Ayer aime lancer des clin d’œils complice au spectateur sur le parallèle avec le réel (Guantanamo/Les marais de Louisiane, le terrorisme, la délimitation bien/mal par le gouvernement...) tout en restant assez jouissif et fun pour ne jamais lasser le spectateur. C'est là le point le plus notable de Suicide Squad qui le différencie grandement du film de Snyder : il est ludique et amusant...dans son style. 

    Ce qui rapproche par contre Suicide Squad de Batman vs Superman, c'est sa mise en scène. On sent qu'il y a un véritable réalisateur avec du caractère derrière. Les scènes d'actions sont toujours iconiques et jouissives au possible, l'univers a de la gueule, les personnages un cachet et un charme beaucoup plus "adulte" que les productions Marvel tout en trouvant leur propre ton décalé par moment. De ce côté, on pourrait presque croire que Suicide Squad est le Gardiens de la galaxie de DC Comics. Sauf que la noirceur de ce qui se passe derrière différencie carrément les deux, on retrouve la touche réaliste et le côté sombre inhérents aux oeuvres DC, sans la chape de plomb narrative dont souffrait Batman vs Superman. Ayer gère sa présentation de personnages comme un chef, la chose s’avérant aussi ludique que stylée...faisant totalement oublier le didactisme obligé qui se cache derrière. Parmi les membres de l'équipe, ce seront évidemment Harley Quinn et Deadshot qui seront les plus mis en avant. Margot Robbie et Wil Smith imposant avec une facilité étonnante leur visage sur ces deux figures pourtant bien connus. Pour être plus précis, ils sont parfaits de bout en bout, touchant même à un côté émotionnel relativement inattendu. 

    Il reste évidemment des défauts à Suicide Squad. A savoir une dernière partie franchement prévisible à deux/trois détails près, et (forcément) des super-vilains sous-exploités, une chose qui semble logique du fait de la durée du film et de la volonté manifeste d'introduire le Joker en parallèle. Ce dernier avait beaucoup fait parler de lui ces dernier temps d'ailleurs. Même s'il est finalement assez peu présent, son inclusion dans Suicide Squad n'a rien à voir avec Wonder Woman dans Batman vs Superman : ici tout fonctionne sacrément bien. Ayer et Snyder se débrouillent pour nous dresser le portrait d'un joker radicalement différent de celui incarné par Ledger. On pense tout du long à celui de Brian Azzarello dans le comics Joker, et l'on est surtout impatient de voir Jared Leto revenir à ce personnage tant sa prestation est un sans-faute total. Le Joker version Ayer est un Joker gangsta/roi du crime, à la fois inquiétant et imposant mais sans le caractère psychopathe jusqu'au boutiste de Nolan. Cette vision préliminaire (au prochain Batman ?) promet énormément. Sa relation avec Harley Quinn ne dépareille pas. Elle est troublante, touchante et recèle même lors d'une certaine séquence une poésie creepy du plus bel effet (Killing Joke inside).

    Si le grand méchant de cet épisode surprend sans pour autant convaincre totalement, c'est finalement le remarquable sens du rythme du long-métrage et sa volonté de ne laisser aucun temps mort qui en fait une des adaptations de comics les plus réussies qui soit. Bien davantage que Batman vs Superman, Suicide Squad marque le début du DC Universe au cinéma. On sent que Snyder a des idées, qu'il dissémine ses indices au fan (la mention co-assassin de Robin dans la présentation d'Harley !) et qu'Ayer jouit totalement des possibilités offertes en terme d'action et de mise en scène. De même, la bande originale du film par Steven Price se révèle une monumentale réussite, toutes les chansons choisies ici apportent quelque chose au long-métrage, une dose de folie-pop entraînante dont on se délecte constamment. C'est là la plus grande réussite de Suicide Squad : proposer un blockbuster malin où la mise en scène et la musique épousent totalement le propos pour accoucher d'une montagne russe d'action au caractère visuel bien trempé.

    David Ayer réussit à tenir toutes les promesses de ses bande-annonces. Voir davantage. On peut évidemment regretter la prévisibilité de sa dernière partie mais ce serait vraiment être aveugle en face de l'efficacité narrative globale. Casting parfait, mise en scène stylisée et rythme dantesque font de Suicide Squad un bon film de super-héros super-vilains. Tout simplement.
    On est impatient de voir la suite ! 

     

    Note : 8.5/10

    Meilleure scène : Deadshot qui arrête la vague ennemie à lui seul

    Meilleure réplique : "No, too easy. Can you...live for me?"

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  • [Critique] Comme des bêtes

     Entre les ténors de l'animation occidentale tels que Pixar, Blue Sky et Dreamworks, un petit studio tente de se faire une place : Illumination Entertainement. Déjà à l'origine de la franchise Moi, moche et méchant et du Lorax, les créateurs des Minions nous offrent pas moins de deux nouveaux films d'animation cette année. Si Tous en scène ne sortira que bien plus tard, c'est déjà l'heure pour The Secret Life of Pets (renommé Comme des bêtes pour le territoire français, car le français moyen aime les titres débiles semble-t-il...) de jouer dans la cour des grands. Entre L'Âge de glace 5, Le Monde de Dory et La Tortue Rouge, on peut dire que la concurrence sera rude. Heureusement, Comme des bêtes a quelques atouts dans sa manche, à commencer par un character design attachant et une thématique qui laisse entrevoir de grandes possibilités. Un pari réussi ?

    En réalité...pas vraiment.
    Comme des bêtes entraîne le spectateur dans la vie des chiens, chats, oiseaux et autres rongeurs qui nous servent d'animaux de compagnie...une fois que nous les laissons seuls. Première mauvaise surprise, la bande-annonce initiale a tout montré des cinq premières minutes du film. Du coup, aucun éclat de rire ou sourire. Deuxième mauvaise surprise, et malgré ce que semblait affirmer la campagne marketing autour du film, Comme des bêtes reste un film à l'ancienne. Une fois la porte refermée, Chris Renaud et Yarrow Cheney nous entraînent dans l'histoire de Max et Duke, deux chiens qui vont devoir cohabiter ensemble et qui, forcément, n'en ont aucune envie. Autour d'eux gravitent un tas de second rôle, de Chloé à Pops en passant par Gidget. Jusque là, rien de mauvais, beaucoup de divertissement et une aventure joyeuse et relativement rythmée.

    Sauf que les choses n'iront jamais plus loin.
    Il faut bien comprendre que Comme des Bêtes n'est pas un mauvais film d'animation. Aucun aspect du long-métrage n'est mauvais en soi, on peut même dire que l'animation en elle-même est une pure réussite. C'est juste qu'il semble relever d'une autre époque. Au-delà de son aventure principale et de quelques fils secondaires (notamment la quête de Gidget et des autres), il n'y a rien d'autre. Il n'y a aucune émotion profonde dans Comme des Bêtes. On se retrouve devant un film d'animation agréable mais dénué de tout fond. Ou tout du moins, qui ne fait qu'effleurer très rapidement ce qui aurait pu constituer des thématiques fortes tels que l'abandon, le temps qui passe, le lien maître-animaux...Tout est survolé, jamais exploité. On éclate parfois de rire devant les répliques de Kevin, le lapin déglingué vivant dans les égouts avec sa bande, mais on ne retrouve jamais le dimension supplémentaire apportée par les films Pixar ou l'immense intelligence d'une Tortue Rouge. 

    A côté de ça, les réalisateurs nous offrent tout de même un agréable moment de détente avec quelques trouvailles vraiment amusantes, du lapin dont on parlait plus haut au running-gag du hamster. Les personnages sont attachants, l'histoire ne laisse pas beaucoup de temps morts. Bref, Comme des bêtes peut s'apprécier comme un dessin-animé occidental à l'ancienne, sans sous-texte, sans double lecture. Au vu des possibilités qu'il renferme, le film ne peut pourtant que décevoir tant ses créateurs peinent à faire jaillir la moindre émotion. Ils n'arrivent jamais à atteindre la tendresse qui se tissait entre Gru et les enfants dans le premier Moi, moche et méchant, restant constamment un large cran en-dessous de ce dernier. Le résultat s'avère frustrant.

    Loin de la poésie de La Tortue Rouge ou de l'émotion latente du Monde de Dory, Comme des bêtes assure le minimum et se repose sur une formule un tantinet dépassée. On espère que Tous en scène parviendra à rectifier le tir. 
    Amusant mais rapidement oublié.

      

    Note : 7/10

    Meilleure scène : L'arrivée du lapin et de son gang

    Meilleure réplique : Ricky, on pense à toi !

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  • [Critique] Le Monde de Dory

     Immense succès lors de sa sortie en 2003, Le Monde de Némo était l'oeuvre de deux hommes : Lee Unkrich et Andrew Stanton. Ce dernier revient, seul, aux commandes du Monde de Dory, suite située un an après les événements du premier volet. Malheureux depuis le cuisant échec de son John Carter, Andrew Stanton retrouve un univers qui lui est familier et centre cette fois-ci l'aventure sur le personnage secondaire le plus truculent du Monde de Némo : Dory. Victime de Troubles de la Mémoire Immédiate, elle apportait une fraîcheur et un zeste de folie à la quête de Marin. Cependant, comme on l'on a pu s'en rendre compte avec le désastreux Monstres Academy, Pixar n'est jamais aussi bon que lorsqu'il génère de nouvelles idées (Vice-Versa en fut la démonstration éclatante l'année passée). De ce fait, voir débarquer une nouvelle suite dans la filmographie du studio a de quoi laisser le spectateur dubitatif. D'autant plus que l'aventure semble se calquer sur une redite du Monde de Némo... Dory peut-elle être à la hauteur ?

    Le plus gros défaut de ce Monde de Dory, c'est évidemment son postulat : Dory se lance dans une folle aventure pour retrouver ses parents. Un petit air de déjà-vu puisque l'on remplace un disparu par un autre. On sait donc d'emblée que le film ne sera certainement pas à la hauteur de son prédécesseur puisqu'il perd forcément en fraîcheur et en originalité. Cependant, Stanton ne fait pas les deux erreurs capitales qu'avait commis Monstres Academy. Tout d'abord, Le Monde de Dory capitalise sur ce qui était peut-être le meilleur personnage du précédent opus. Dory reste toujours ce feu-follet au cœur tendre que l'on a connu par le passé ,et Stanton lui ajoute une profondeur bienvenue, même si un peu simpliste. Ensuite, Le Monde de Dory est une suite, non une préquelle, les choses ne sont pas figées dans le temps, évitant ainsi de révéler à l'avance la fin de son intrigue (cela même si celle-ci n'a rien de bien originale dans son dénouement).

    Dory s'impose naturellement comme une héroïne ultra-attachante pour le spectateur. En explorant son Trouble de la Mémoire Immédiate, Stanton tient évidemment quelque chose de très fort, transposant ici un thème qu'on aurait plutôt l'habitude de voir dans une autre tranche d'âge (Alzheimer) pour lui donner une dimension plus cruelle encore. Si l'on peut reprocher au réalisateur de n'utiliser que de façon très opportune cette problématique (Dory a tendance a oublier les choses quand cela apporte quelque chose au scénario ou pour un effet comique), elle mène tout de même à une authentique touche émotionnelle lorsque le handicap dresse une barrière entre Dory et le monde qui l'entoure. Le film est d'ailleurs d'autant plus efficace et poignant quand il met en scène Dory bébé avec ses parents. Son apprentissage et son désespoir quand elle se perd auraient pu constituer une histoire superbe à bien des égards. Ce n'est malheureusement que partiellement exploité. Qu'à cela ne tienne, Stanton tente de combler ce manque de profondeur émotionnelle en ajoutant un excellent personnage secondaire en la personne de Hank, une pieuvre un tantinet asociale et dont la relation avec Dory finira par émouvoir (Cf la séquence où Hank relâche Dory en lui disant qu'il ne l'oubliera pas).

    En fait, c'est d'ailleurs dans sa galerie de personnages secondaires farfelus que Le monde de Dory trouve un second souffle. Outre Hank, on citera Becky, Destinée, Bailey...ou l'impayable Gérard, qui concourent tous à la dimension comique, et parfois absurde, de l'histoire. On ne peut pas forcément en dire autant de Némo et Marin qui font vraiment rajouts à cette histoire concernant avant toute chose Dory. C'est un peu le même défaut qui gangrène les suites Pixar, le fait que la firme à la lampe n'est jamais aussi éblouissante que quand elle introduit de nouveaux personnages ou quand elle donne une véritable raison d'être à la présence d'anciens héros (comme pour les Toy Story). Ici, tout se passe comme si Némo et Marin se devaient d'être là. Une sorte de fan-service un peu opportuniste en somme. Car dès que l'on reste sur Dory, les choses se passent beaucoup mieux. Sans jamais arriver à la cheville émotionnelle d'un Vice-Versa, Le Monde de Dory donne encore quelques beaux moments (les retrouvailles et la plupart des flash-backs). Reste alors un aspect technique forcément éblouissant qui, lui, mettra tout le monde d'accord : visuellement parlant, le film est une pure réussite.
    Tout comme le court-métrage qui le précède d'ailleurs, Piper, un petit bijou technique doublé d'une très jolie histoire muette.

    Si Le Monde de Dory fait bien mieux que Monstres Academy, il ne constitue pas non plus un Pixar majeur. Il s'agit juste en l'état d'un film d'animation visuellement magnifique avec des personnages attachants et une thématique relativement originale...mais qui aurait mérité des choix plus audacieux sur le plan scénaristique. Dommage que Pixar semble s'entêter à reprendre ses franchises-phares plutôt que d'investir dans des histoires originales.
     

     

    Note : 7.5/10

    Meilleure scène : Les lions de mer et Gérard

    Meilleure réplique : Tu prends la confiance Gérard !  - Nage droit d'vant toi !


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  • [Critique] La Tortue rouge
    Prix Spécial du jury Un Certain Regard, Cannes 2016

    Entre Le monde de Dory, Comme des Bêtes et L’âge de glace 5, un curieux (et discret) long-métrage d’animation s’est glissé.
    Tout en 2D pour le coup, La Tortue rouge est la rencontre de deux mondes : celui des japonais du studios Ghibli (le film est produit par le célèbre studio et notamment par un certain Isao Takahata) et celui du néerlandais Michaël Dudok De Wit.
    Si ce nom ne vous dit rien, c’est assez normal puisqu’il s’agit de son premier long-métrage. Pourtant, le monsieur a déjà remporté l’Oscar du meilleur court-métrage d’animation avec Père et Fille en 2000 ainsi que le grand Prix du festival d’Annecy…rien que ça. En 1994 d’ailleurs, son court Le Moine et le Poisson lui avait déjà valu un César.
    Il était donc plus que temps pour lui de porter son talent sur grand écran.La Tortue rouge n’est pas seulement la révélation de Michaël Dudok De Wit à un plus large public, c’est aussi une œuvre audacieuse, poétique de la première à la dernière seconde et simplement magistrale.


    Dans une 2D magnifique, La Tortue rouge raconte le naufrage d’un homme, dont le nom restera un mystère tout du long, sur une petite île déserte au milieu de l’océan. Cette histoire minimaliste à souhait réserve un nombre de surprises assez hallucinantes et, avant toute autre chose, une prise de risques certaine. Alors qu’à l’heure actuelle les productions cinématographiques, et à plus forte raison les œuvres pour enfants, ont une peur évidente du silence, ne pouvant s’empêcher de remplir l’histoire par toutes sortes de dialogues parfois ineptes, La Tortue rouge opte pour un silence quasi-complet.
    A peine percé par quelques cris ou rires, le film de De Wit s’avère une œuvre intégralement muette.

    Ce pari d’une extrême audace paye pourtant rapidement car le néerlandais fait passer toute l’émotion et la poésie de ce qu’il raconte par le visuel et la musique. Cette dernière, composée par Laurent Perez Del Mar, est un ravissement de tous les instants et convoque les meilleures partitions des films des studios Ghibli. C’est à ce moment qu’il faut préciser que l’influence de l’œuvre de Miyazaki et Takahata est omniprésente dans La Tortue rouge. Non content de raconter une histoire humaine forte et universelle, celle de la solitude, le film peut s’appréhender comme une ode à l’écologie, un plaidoyer vibrant pour un retour à la nature. Avec ses tempêtes destructrices et ses injustices mais aussi avec sa beauté d’une simplicité désarmante qui ramène aux fondamentaux de l’existence.

    A cette dimension, il faut ajouter l’indubitable aspect émotionnelle que façonne le réalisateur néerlandais à travers des séquences simples mais maîtrisées à la perfection. Sans aucune parole (et c’est vraiment bluffant), il nous fait ressentir la tristesse, la culpabilité, la joie, l’émerveillement et la mélancolie. Il prend le pari fou de décrire le cycle de la vie sur une île déserte avec trois personnages et des crabes. L’amour, la mort, l’émancipation, l’enfantement, l’apprentissage, tout cela n’aura jamais été aussi bien filmé dans une œuvre animée. Dudok De Wit s’avère un magicien à bien des niveaux mais il excelle dès lors qu’il s’agit de distiller des existentielles tout en ne reniant jamais la dimension humaine, et donc cruelle, de la chose.

    Car tout a une fin, même (ou surtout en fait) dans La Tortue rouge. La beauté intense qui irradie du film tend vers une mélancolie lancinante qui utilise la musique et les images pour transpercer le cœur du spectateur. Du coup, si les enfants y verront surtout l’aventure rocambolesque et semée d’embuches d’un homme perdu au milieu de nulle part trouvant l’amour de façon improbable, les adultes, eux, pourront en tirer une fabuleuse métaphore sur la vie en général et un vibrant plaidoyer écologique. Cette double lecture, marque des grands films, achève de convaincre de l’infinie talent de Michaël Dudok De Wit.

    Surprise audacieuse et poétique, la Tortue Rouge s’impose comme un chef d’œuvre d’intelligence. Sa délicatesse en fait un film d’une beauté sidérante qui ne cesse de hanter le cœur de son spectateur par la suite.
    Certainement l’un des plus grands dessins animés de ces dernières années !

    Note : 10/10

    Meilleure scène : La culpabilité du naufragé face à la Tortue

     

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  • [Critique] The Neon Demon

    Ceux et celles qui ont découvert le cinéaste danois Nicolas Winding Refn grâce à Drive en 2011 risquent d'être une nouvelle fois surpris. En effet, alors qu'Only God Forgives avait déjà passablement remis les pendules à l'heure en retrouvant l'expérimentation cinématographique si chère au réalisateur, The Neon Demon n'emprunte pas seulement la même voie mais va beaucoup, beaucoup plus loin. Annoncé au départ comme le film "horrifique" selon Refn, le long-métrage déroute dès les premières minutes. Après avoir clivé une partie de la critique à Cannes cette année, The Neon Demon débarque sur les écrans pour prouver une nouvelle fois à ceux qui en doutaient que Nicolas Winding Refn a encore bien des choses à dire.

    Pour cela, il embauche la jeune et virginale Elle Fanning pour jouer l'ambitieuse mais niaise Jesse, fraîchement débarquée à Los Angeles pour accomplir son rêve : devenir mannequin. Elle ne s'attend certainement pas à vivre dans un motel miteux tout en s'élevant dans les strates d'un milieu très fermé où la jalousie et la compétition sont deux valeurs fondamentales. Elle découvre bien vite que personne ne lui fera de cadeau. Seule sa beauté pure et inestimable lui permet de laisser tout le monde sur le carreau. Plus dur sera la chute... Nicolas Winding Refn pose donc sa caméra dans le monde de la mode pour capturer le parcours terrifiant et hypnotisant de Jesse. Si The Neon Demon a été vendu au départ comme un film d'horreur, c'est certainement du fait du ton adopté par Refn pour filmer son histoire. Seulement voilà, difficile d'apposer une étiquette véritable sur le métrage.

    Fidèle à ses habitudes, Refn ne fait pas les choses à moitié. The Neon Demon suivant Jesse dans l'univers de la mode, le film se doit d'être à l'image du dit-univers. Dès l'écran titre, le spectateur voit apparaître les initiales NWR dignes d'une pub pour un parfum. Adoptant une esthétique extrêmement travaillée, The Neon Demon transpose l'artificialité du milieu visité jusque dans sa mise en scène. Ainsi, le danois lâche la bride à son goût pour l'esthétisation parfois outrancière (souvenez-vous de Only God Forgive ou Bronson) et ouvre son long-métrage sur un très long plan fixe en travelling avant où Jesse pose couverte de sang pour un photo-shoot morbide. Accompagné de la musique géniale de Cliff Martinez (devenu une vraie marque de fabrique pour le réalisateur), on comprend d'emblée que The Neon Demon ne sera pas un film accessible. Pourtant, soyons clairs, aucun autre métrage dans l'année n'a fait montre d'une maîtrise formelle plus impressionnante. Jusqu'au bout des ongles, The Neon Demon consacre sa mise en scène à son sujet de fond : la beauté.

    "Beauty is everything" dira Jesse à son petit-ami jetable en milieu de film. The Neon Demon prend la chose au pied de la lettre en montrant au spectateur que le message du métrage se confond totalement avec son apparence. On assiste alors à des séquences hallucinantes et hallucinées : La boîte de nuit éclairée par des flashs de lumière blanche où un corps torturé se contorsionne sur scène, une scène de défilé où Jesse tombe amoureuse de sa propre image ou encore un viol vécu par l'autre côté du mur. Tout est à tomber, la maîtrise technique de Refn est ici absolue.Cependant, The Neon Demon ne peut simplement se résumer à sa formidable mise en scène. En bon trublion, Nicoals Winding Refn dépeint l'univers de la mode avec un ton horrifique délicieux. La chair se transforme, devient une matière première, pure ou modifiée, malléable ou peinte. Dans ce monde d'artifices, la moindre petite chose devient terrifiante, le moindre défilé plonge dans une horreur sourde et malicieuse qui met mal à l'aise. Jesse, incarnation de la jeunesse naïve et prétentieuse par excellence, ne se rend pas compte qu'elle évolue au milieu d'un peuple de loups prêt à la bouffer au moindre faux-pas. En mélangeant sexe (lesbien ou pas), en pervertissant les codes du conte traditionnel (le petit-ami qui a tout d'un prince charmant se fait éconduire par sa belle qui ne voit que la beauté et rien d'autre) ou le château abandonné où règne une méchante sorcière travestie en marraine attentionnée et avide de sexe. 

    Rapidement, The Neon Demon donne des sueurs froides. Les remarques des compétitrices se font de plus en plus voraces, les personnages qui gravitent autour de Jesse de plus en plus inquiétant. Filmant la mode en mélangeant sensualité, sexe, attirance morbide voir nécrophile et cannibalisme, Nicolas Winding Refn redéfinit un univers clinquant pour en faire un lieu de débauche malsain où l'arrivée du fantastique n'a en fait plus rien de surprenant. Transformant son récit en histoire quasiment mystique, Nicolas Winding Refn ne recule devant rien, immisçant de plus en plus franchement l'horreur et le sang dans l'histoire de Jesse. Pour autant, il ne cède jamais aux facilités actuelles du genre, préférant adopter un point de vue à mi-chemin entre la fascination et la répulsion pour mieux perdre le spectateur. La vorace Jena Malone incarnant à merveille cette dualité. Si l'on a beaucoup parlé de belle coquille vide pour décrire The Neon Demon à Cannes, inutile de dire qu'une nouvelle fois une bonne partie de la critique est passée à côté du génie de Refn. Après tout, Mad Max : Fury Road avait de toute façon reçu le même genre de critiques l'année dernière. En l'état, The Neon Démon se clôt comme il s’est ouvert, avec un aspect de clip pour parfum ironique où semble retentir le rire carnassier du danois.

    Certainement son oeuvre la plus expérimentale à ce jour, The Neon Demon n'est pas un film grand public. Épousant son sujet jusque dans les moindres détails de sa mise en scène, le métrage de Nicolas Winding Refn hypnotise par sa mise en scène incroyable tout en immisçant l'horreur et le fantastique dans un univers de la mode froid et morbide. 

    En définitive, un très grand film !
     

    Note : 9.5/10

    Meilleure scène : Le défilé

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  • [Critique] Paranoia Agent 

     Alors qu'elle rentre de son travail, la créatrice-star Tsukiko Sagi est attaquée par un mystérieux enfant portant des rollers dorés, une casquette et une batte de base-ball. Forcément très exposée dans les médias depuis que sa peluche kawaii, Maromi, est devenue un phénomène de société, Tsukiko cache pourtant quelques secrets. Dont le fait qu'elle se sent piégée par le succès remporté par sa dernière création et que, depuis, l'inspiration lui fait défaut. Ce triste événement va pourtant vite prendre une toute autre dimension. Bientôt, celui que l'on surnomme Le Gamin à la batte (shônen bat en VO) s'en prend à d'autres personnes : deux écoliers que tout oppose, une jeune femme aux activités nocturnes peu recommandables, un journaliste et même un policier. L'affaire enfle rapidement pour prendre des proportions nationales et la paranoïa se répand plus vite qu'un feu de forêt. L'enquête de l'inspecteur Ikari et de son jeune collègue Maniwa va pourtant connaître des obstacles inattendus. A commencer par l'amnésie des victimes et leur fragilité psychologique... Qui donc est ce Gamin à la batte et que veut-il réellement ?

    Aujourd'hui reconnu comme l'un des plus grands génies de l'animation japonaise, Satoshi Kon n'a livré qu'une unique série anime au cours de sa (trop) courte carrière. Après son Tokyo Godfathers, le réalisateur se tourne vers un nouvel univers qui, finalement, porte en lui tous les germes de son futur chef d'oeuvre et film-testament, le fameux Paprika. Épaulé par Seishi Minakami, il conçoit une série de treize épisodes de 24 minutes chacun en partant d'un postulat minimaliste et, apparemment, banal. Seulement voilà, et ceux qui connaissent Satoshi Kon s'en doutent bien, Paranoia Agent va beaucoup plus loin qu'une simple enquête policière. En voulant ausculter la société japonaise moderne et ce qui représente peut-être son mal le plus caractéristique, à savoir le mal-être psychologique qui la gangrène, le cinéaste nous plonge dans un récit aux multiples facettes recelant autant de mystères que de pistes de réflexion. Dans Paranoia Agent, tout est pensé et repensé minutieusement retrouvant ainsi la profondeur sociétale et psychologique de l'oeuvre de Satoshi Kon au cinéma. 

    On peut, de façon tout à fait artificielle, scinder Paranoia Agent en trois parties. La première, entre les épisodes 1 à 7, suit l'enquête d'Ikari et Maniwa en introduisant graduellement de nouveaux personnages, étoffant ainsi l'intrigue et dévoilant au spectateur l'identité des différents individus qui défilent dans le générique d'ouverture. La seconde marque une pause dans la série en relayant Le Gamin à la batte au second plan pour livrer trois épisodes qui pourraient se concevoir comme des loners : Planning Familial (Episode 8), ETC (épisode 9) et Mellow Maromi (épisode 10). Enfin, la dernière partie boucle les différents fils narratifs et permet à Satoshi Kon de s'amuser avec le spectateur sur les différents niveaux de réalité comme il le fera si bien dans Paprika deux ans plus tard. Après un pilote qui pose les bases et introduit les personnages les plus importants, à savoir Tsukiko, Ikari et Maniwa ainsi que le duo Maromi/Gamin à la Batte, Satoshi introduit à peu près un nouveau personnage par épisode pour étoffer son intrigue, l'élargir et tisser un suspense qui frôle parfois l'incompréhension. Flirtant toujours avec l'hermétisme, le japonais arrive toutefois toujours à maintenir le spectateur la tête hors de l'eau et ébauche une histoire passionnante et aux multiples facettes.

    Partant d'une enquête policière tout ce qu'il y a de plus banale, Satoshi Kon va s'amuser à plonger dans le mal-être sociétal qui ronge la société japonaise et cela par plusieurs abords. Le premier par les répercussions de l'attaque de Tsukiko sur deux collégiens, Yuichi et Ushiyama, mettant en évidence de façon malicieuse la pression qui repose sur les épaules des jeunes japonais, les effets pervers de leur compétition et de leur soif d'excellence ainsi que le phénomène d'harcèlement à l'école. On comprend alors très rapidement que Satoshi tente de croquer les différents malaises qui rongent ses concitoyens à chaque personnage qu'il introduit : Chouno Harumi représente la dichotomie sexualité/pudeur chez les japonais, véritable schizophrénie sociétale, Masami Hirukawa oppose la justice et la corruption, Makoto Kozuka permet de parler de la fascination des japonais pour les mondes imaginaires et l'échappée de la vie quotidienne qu'ils permettent...Même Maniwa, plus tard, opposera traditionalisme et modernité au sein du Japon actuel. Cette dualité se retrouve de toute façon dans tous les aspects de Paranoia Agent. Elle permet, de manière insidieuse mais diablement bien pensée, d'en venir vers un thème dont raffole Satoshi Kon, le rapport de l'homme vis-à-vis du réel...mais nous y reviendrons.

    En l'état, le cinéaste ausculte une société malade (qui pourrait d'ailleurs aussi bien être notre société occidentale à quelques détails près) en se servant de façon simplement brillante de tous les personnages qu'il introduit. Tout est mûrement pensé dans cette pléiade parfois improbable pour contribuer à épaissir, et l'intrigue elle-même, et la réflexion de fond. Du coup, Paranoia Agent montre bien vite une profondeur inattendue de prime abord. Surtout qu'en plus de ce qui a déjà été énoncé plus haut, la série se penche sur la paranoïa sociale (justifiant ainsi son nom). Le Gamin à la batte, avant d'être une métaphore sur la culpabilité et sur un échappatoire au réel, est également la personnification d'une menace, qu'elle quelle soit. Satoshi Kon montre comment d'une simple série d'agressions née toute une légende, voir une véritable mythologie, autour du Gamin à la batte. Ainsi, il passe du jeune garçon à roller au monstre de plusieurs mètres à peine humain. Cette évolution ne sert pas juste un but esthétique ou psychologique mais montre bien comment la rumeur se propage et comment la société s'enkyste dans une paranoïa qui la fait tombé toujours plus bas. On comprend d'autant mieux la chose avec l'excellent épisode 9 "ETC" qui met en scène des commères déformant et inventant à n'en plus finir sur les méfaits du mystérieux agresseur aux rollers dorés. Avec beaucoup d'humour et d'ironie, Satoshi Kon explique ni plus ni moins la naissance des légendes urbaines. 

    A côté de ça, Satoshi Kon se penche sur une autre thématique qu'il affectionne : la réalité. Tous les personnages présentés dans Paranoia Agent partage cette volonté d'échapper au réel, trop épuisant, trop stressant. Le Gamin à la batte, les agressions et, d'une autre manière, Maromi, représente autant de pistes pour fuir le réel. La série raconte avec beaucoup de justesse le besoin d'un autre univers qui pourrait violemment changer la donne (un bon coup de batte) ou plus doucereusement (Maromi ou l'univers fantasy de Kozuka). Cette aspiration culmine dans le meilleur épisode de la série, Planning Familial, où Satoshi Kon aborde le suicide, préoccupation majeure au Japon, d'un point de vue tout à fait fascinant, enlevant tout le dramatisme de la chose pour mieux frapper les esprits. Il s'agit certainement d'une des toutes meilleurs histoires autour de ce fléau qu'on ait jamais vu sur le petit écran. Le dernier des trois loners regroupe un peu tous les thèmes précédents mais en nous emmenant dans l'univers de la création d'un anime, sorte de sous-texte méta malicieux et très intéressant dans le fond. 

    Enfin, outre la multitude sidérante d'interrogations proposée par la série, il s'agit bel et bien d'une magnifique histoire sur le regret et la culpabilité traitée à la Satoshi Kon. C'est à dire avec folie et en mélangeant les univers (graphiquement ou scénaristiquement parlant) et en explosant les barrières du réel. Si l'on se perd parfois, c'est toujours avec délice, en sachant qu'il faut savoir se laisser porter, que d'une façon ou d'une autre le cinéaste retombe toujours sur ses pattes. Les derniers épisodes de  la série resserrent son intrigue ainsi que sa galerie de personnages, prenant un ton plus intimiste et permettant de comprendre encore mieux le miroir que représente les deux (excellents) génériques. Alors bien sûr, rien n'est jamais aussi simple qu'il n'en a l'air avec Satoshi Kon et l'ouverture finale rappelle que peut-être que toute cette histoire n'était qu'un écran de fumée et que certaines réponses ne viendront jamais. C'est aussi cela qui fait de Paranoia Agent une grande série, c'est qu'elle laisse la place à l'imagination.

    Certainement déroutante au premier abord, Paranoia Agent contient tout le génie, le talent et l'intelligence de son auteur, Satoshi Kon. Exploration aux multiples facettes d'une société japonaise moderne malade, la série n'a pas peur d'abattre les murs du réel pour entraîner le spectateur toujours plus loin. 
    Bref...

     

    Note : 9/10

    Meilleur épisode : Planning Familial
     

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  • [Critique] Warcraft

     Franchise vidéo-ludique culte s'il en est, Warcraft allait forcément un jour ou l'autre passer par la case grand écran, et cela pour plusieurs raisons. D'abord, parce qu'il représente une manne financière non-négligeable du fait de la popularité de sa dernière itération, le MMORPG World of Warcraft (et cela malgré l'érosion notable du nombre de joueurs ces dernières années), ensuite parce que l'univers se prête particulièrement bien à une adaptation cinématographique (ou du moins le troisième volet de la saga, mais nous en reparlerons) et enfin, parce que depuis la trilogie du Seigneur des Anneaux - du Hobbit également dans une moindre mesure - il existe un place à prendre sur la scène fantasy épique. Après une difficile gestation, le projet a atterri entre les mains d'un jeune cinéaste, Duncan Jones, déjà connu pour ses deux excellents long-métrages : Moon et Source Code (que l'on vous recommande chaudement au passage). Le film sort enfin sur les écrans après de multiples reports et tergiversations, chapeauté de loin par le studio légendaire qui l'a engendré, Blizzard Entertainement.

    Pour mieux se rendre compte des enjeux derrière cette adaptation, il est nécessaire de replacer Warcraft : Le Commencement dans son contexte. Né en 1994 avec Warcraft : Orcs and Humans, la saga a connu son envol avec le second volet intitulé Tides of Darkness l'année suivante. Ces deux opus avaient une histoire relativement simple se déroulant sur le monde d'Azeroth (il s'agit d'ailleurs également du nom d'un des trois continents de la planète) où le royaume humain de Lordaeron fait face à l'invasion de créatures belliqueuses : les Orcs. Venus d'une autre planète appelée Draenor, les Orcs sont dirigés (et opprimés) par le terrible Gul'dan lui-même émissaire du pouvoir démoniaque ainsi que par Main-Noire le Destructeur, chef de guerre Orc. C'est donc un affrontement assez classique que mettent en scène les deux premiers volets de la saga, agrémenté de quelques morts tragiques. Il faut attendre le troisième volet, le cultissime Warcraft III : Reign of Chaos, et son extension The Frozen Throne, pour que Blizzard exploite à sa juste mesure le potentiel de l'univers grâce à des personnages comme Arthas, Thrall ou Illidan. Sauf que pour son adaptation grand écran, le dévolu de Duncan Jones et Universal Pictures s'est porté sur...une préquelle au premier volet. 

    En quoi cela pose-t-il problème ? Tout simplement parce que non seulement Warcraft I et II présentent trop peu de matériel narratif digne de ce nom pour construire une storyline efficace au cinéma mais aussi, et surtout, parce qu'en regard du potentiel épique de Warcraft III, la démarche parait totalement inerte. Pire encore, Duncan Jones livre une préquelle à une histoire déjà mince et qui amènera forcément une répétitivité pour la suite - si suite il y a, bien évidemment. Du coup, le film part sur de mauvaises bases et accuse rapidement le coup puisque le récit met un temps fou à décoller. En fait, elle ne semble même prendre son envol que dans les vingt dernières minutes avec l'inévitable bataille finale, cliché éculé du genre fantasy au cinéma. Entre temps, on s'appesantit longuement sur le fade camp humain et de (prévisibles) imbroglios politiques. Ce n'est cependant que le premier des (gros) défauts du film. Outre son problème de rythme dû à un très mauvais choix de départ, Warcraft souffre également d'un problème de casting flagrant et de caractérisation défaillant.

    Dans le métrage, tout se passe à l'image d'un jeu vidéo. On retombe sur l'un des plus gros points noirs de toutes les adaptations vidéo-ludiques, la volonté de fan-service et de vouloir montrer à l'écran un décalque de ce qui se fait dans le jeu. Sauf qu'une nouvelle fois, cela ne fonctionne pas. La plupart des personnages sont définis par leur fonction. Ainsi on retrouve le guerrier, le roi, le mage, l'apprenti-mage, le fils et la guerrière rebelle. Cette simplicité dans la caractérisation donne donc un sentiment de vide au camp humain. Pire encore, le casting de ces derniers s'avère un retentissant échec. Warcraft regorge de miscasts ! Seul Travis Fimmel en Anduin Lothar ajoute un petit quelque chose dans ce bouillon infâme de jeu d'acteurs médiocres...et encore. Non seulement les acteurs jouent mal mais ils n'ont tout simplement pas la "gueule" de l'emploi. La chose est évidente avec Ben Foster, très peu crédible en vénérable gardien, mais devient vite pathétique avec Khadgar interprété par le ridicule Ben Schnetzer, à la fois à côté de la plaque dans son jeu mais aussi complètement dénué de charisme. Ne parlons même pas de Dominic Cooper et de son rôle aussi inconsistant que cliché... Là où Le Seigneur des Anneaux faisait un remarquable sans-faute, Warcraft se vautre presque totalement.

    Quid des Orcs alors ? Difficile ici de parler de miscast, puisque les acteurs ne font que prêter leurs voix aux images de synthèse qui composent ce pan de l'histoire. Globalement d'ailleurs, cet axe narratif s'en tire légèrement mieux que son pendant humain. Evidemment, et on s'y attendait, les Orcs à l'écran font un tantinet cinématique de jeux vidéos. Malgré toute la bonne volonté de l'équipe en charge des FX (et en précisant bien que le rendu n'a rien de honteux pour la Horde), les créatures ainsi que la multitude (certains diront l'overdose) de synthèse à l'écran donne un cachet fake et kitsch à Warcraft. Un écueil évité par Le Seigneur des Anneaux avec beaucoup de malice en son temps mais dans lequel tombait également Le Hobbit. Curieusement cependant, le récit des Orcs passionne davantage. Même si passionner est un grand mot. Au vu de l'ennui profond et de la mauvaise direction prise par la partie humaine de l'aventure, les péripéties de Durotan et Gul'dan apparaissent comme forcément meilleures. Pourtant, de façon objective, la trame des Orcs s'avère attendue et, comme tout le reste, atrocement manichéen avec ses traîtres et ses grand méchants. Rien que du très prévisible...si l'on omet un dernier twist de fin qui tente désespérément de venir réveiller le spectateur.

    On sent une volonté de créer un monde dans Warcraft et même, en filigrane, de la passion. Sauf que cela ne suffit pas tant les tares qu'accusent la direction d'acteur, le casting, le récit et les choix artistiques étouffent le reste. Pour parachever la chose, Warcraft se retrouve le cul entre deux chaises. D'un côté, il raconte une histoire très peu palpitante pour tous les fans de la franchise qui ont encore en tête les émotions ressenties lors du retour d'Arthas ou lors de sa confrontation avec Illidan. Les aficionados n'apprennent donc rien et s'ennuient passablement devant un récit perclus de défauts. De l'autre, les novices eux ne comprendront pas complètement l'intrigue car malgré l'étirement de celle-ci, son découpage parfois aberrant ainsi que ses allusions destinées aux fans l'égareront en route. Il manquera la profondeur et la richesse visuelle d'un Seigneur des Anneaux ou l'épique de la saga de Peter Jackson justement. C'est là le dernier reproche que l'on peut faire à Warcraft : sa mise en scène. Alors que c'était certainement le dernier point où l'on pouvait espérer quelque chose, Duncan Jones est méconnaissable. Comme écrasé par le blockbuster, le cinéaste ne donne aucune véritable ampleur à ce qu'il filme, n'incarne rien et ne produit que du fonctionnel. A peine aura-t-on un plan en plongée à dos de griffon pour se consoler...

    Énorme déception, Warcraft confirme une énième fois que les adaptations de jeux vidéos au cinéma ne marchent pas. Parce que les studios et les réalisateurs ne comprennent pas ce qui fait le sel d'une saga culte. Pas son visuel, pas son gameplay...mais bien son ambiance, ses personnages et son histoire. Il n'y a presque rien à sauver dans ce blockbuster sans âme qu'est Warcraft : Le Commencement. On espère juste simplement que l'univers Blizzard au cinéma sera laissé en paix à l'avenir...et que Duncan Jones retournera à un cinéma plus personnel.

    Note : 2/10

    Meilleure scène : Le griffon déchaîné au milieu des orcs

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  • [Critique] Men & Chicken

    Sortant dans le même laps de temps que Ma Loute, autre comédie folle et inclassable, Men & Chicken est le quatrième long-métrage d’un réalisateur danois jusqu’ici inconnu dans l’Hexagone : Anders-Thomas Jensen. Détenteur de deux oscars pour ses court-métrages, le cinéaste regroupe un casting alléchant avec Mads Mikkelsen (Hannibal, A Royal Affair…), David Denick (The Homesman, La Taupe…) ou encore Soren Malling (The Killing, Hijacking…) pour un film improbable et, pour tout dire, complètement jeté. L’humour danois mêlé au talent de mise en scène du réalisateur font pourtant de Men & Chicken une (très) bonne surprise.

    Dans cette histoire difficilement racontable, Jensen nous présente deux frères, Elias et Gabriel, qui vont découvrir à la mort de leur père…qui ne l’est en fait pas. C’est un vieil homme du nom d’Evelio Thanatos (!!) vivant sur une petite île danoise loin de tout qui serait leur véritable géniteur. Arrivé là-bas, les deux compères font la rencontre plutôt brutale de leurs trois demi-frères : Josef, Gregor et Franz. Tous ont le même père mais leurs mères respectives ont disparu, supposément mortes en couche. Que se passe-t-il sur cette île inquiétante ? Voilà bien la façon la plus sérieuse de poser les choses quant à l’histoire de Men and Chicken. Parce que le film déjoue systématiquement les attentes du spectateur.

    Vous pensiez voir un thriller banal ? C’est raté. Un film d’horreur ? Encore raté. Une simple comédie ? Toujours raté…
    Men and Chicken c’est un peu tout cela à la fois. Anders-Thomas Jensen se focalise sur la fraternité vraiment…étrange qui unit nos cinq loustics. Pourquoi étrange ? Parce qu’ils ont tous un grain (voir deux) de folie. Elias est un masturbateur compulsif qui se balade avec un rouleau de papier toilettes dans sa poche, Josef un obèse philosophe amateur de fromage, Gregor un coureur de jupons mais qui n’en a pas vu un seul en réalité et Franz adore empailler des animaux pour frapper les autres avec. Seul Gabriel semble un peu mieux loti. Mais dans un tel milieu de doux-dingues, il est aisé de paraître plus normal. Avec cette galerie de gueules – les acteurs sont horriblement grimés pour paraître tous plus repoussants et bouseux les uns que les autres –, difficile de ne pas s’attacher devant les raisonnements débiles et les us et coutumes de ces cinq-là.

    Constamment porté par un humour à mi-chemin entre les Monty Pythons et Laurel & Hardy, Men & Chicken est à mourir de rire dans ses dialogues comme dans ses (rocambolesques) situations. Le cinéaste danois arrive à trouver rapidement l’équilibre parfait entre rire et sérieux, ne réduisant pas le film à une simple comédie vite vue vite oubliée. Il développe aussi, et surtout, une vraie bonne histoire en arrière-plan, superbement filmée et interprétée. On n’aurait d’ailleurs jamais cru Mads Mikkelsen aussi désopilant. Men & Chicken se penche non seulement sur les liens familiaux, explorant avec malice l’adage « On ne choisit pas sa famille », mais également sur le besoin de racines, d’origines. C’est bien cela qui pousse Gabriel et Elias à partir sur la petite île retirée qui sert de décor au film. En parlant de décor, l’idée de filmer cette histoire loufoque dans un ancien sanatorium où les animaux vagabondent librement au milieu de la décrépitude ambiante s’avère exquise. Mariée à la mise en scène sobre et raffinée du danois, on obtient une ambiance unique entre le freaks show et le pur film d’horreur.

    Mais, plus encore peut-être que tout cela, c’est un dernier choix scénaristique qui fait définitivement tomber Men & Chicken du côté du bon film que l'on attendait pas (On vous conseille d’arrêter la lecture de cette critique à ce point si vous voulez ne pas vous spoiler le récit) : la relecture intelligente d’un classique littéraire. Une île mystérieuse, des humains dégénérés, un vieil homme qui manipule les gênes, des animaux partout…oui, Men & Chicken n’est en fait rien d’autre qu’une relecture comique et contemporaine de l’île du Docteur Moreau. Avec de la zoophilie et de l’humour borderline en prime (comme la séquence épique en maison de retraite). Le réalisateur danois livre sa propre version du classique avec un luxe de détails qui permet à l’intrigue de bénéficier d’une cohérence magnifique. Si l’on devine rapidement l’origine des frères, on ne peut qu’éclater de rire devant les mélanges improbables dont ils sont issus. Enfin, et c’est peut-être la cerise sur le gâteau, Men & Chicken parle en filigrane de ces endroits oubliés qui se meurent petit à petit. L’île du film rendant un hommage drôle et tendre à la fois à ces populations s’accrochant à leurs terres d’origines envers et contre tout.

    Drôle à souhait, finement mené, brillamment pensé et interprété, Men & Chicken est une petite sucrerie encore plus délicieuse qu’espérée. Anders-Thomas Jensen nous offre un moment de comédie loin d’être bête qui n’aime pas les conventions. Un délice à apprécier au plus vite.

    Note : 8.5/10

    Meilleure scène : La maison de retraite - Le premier repas

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