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Sorti in extremis en France cette année 2015, le nouveau David O'Russell a un arrière-goût de déjà vu. Pourquoi ? Du fait de son casting rigoureusement identique à celui de son plus gros succès, l'excellent Happiness Therapy sorti en 2012, et rassemblant de nouveau la talentueuse Jennifer Lawrence, le vieux briscard Robert De Niro et Bradley Cooper. Les ressemblances s'arrêtent là puisqu'il ne s'agit pas du tout d'une romance ou d'un film d'escrocs comme American Bluff mais bien d'un biopic consacré à Joy Mangano, self-made woman devenue présentatrice de télé-achat et business woman accomplie. Malgré un succès public tout relatif aux Etats-Unis, Joy a cependant quelques atouts dans sa manche pour faire du nouveau long-métrage de O. Russell un bon moment de cinéma.
Bienvenue dans la vie de Joy. De petite fille excentrique et bourrée d'imagination, celle-ci est devenue une adulte d'une affreuse banalité. Vivant avec sa mère rivée à l'écran pour suivre ses soaps improbables, et son ex-mari qui rêve encore et toujours de devenir un chanteur renommé, elle doit aussi composer avec le retour d'un père encombrant et une demi-sœur qui la jalouse au point de la détester. Forcément, élever sa petite fille dans ces circonstances et quand on est qu'une hôtesse des réclamations aériennes, c'est un peu difficile. D'autant plus que Joy fourmille d'idées et d'ambitions, encouragée par sa seule grand-mère, Mimi, qui voit en elle une femme pleine de promesses. C'est lorsque Joy a l'idée de concevoir un balai révolutionnaire qui s'auto-essore que les choses vont enfin finir par s'emballer. Seulement voilà, pour populariser son produit, elle va devoir relever bien des défis, à commencer par celui de devenir une véritable femme d'affaires. De ce postulat plein de bonnes choses, à commencer par sa figure féminine charismatique et ordinaire à la fois, David O.Russel va livrer le portrait d'une Amérique sexiste mais où chacun peut s'accomplir à force de sacrifices.
Sur deux heures de film, Joy repose sur les épaules de son actrice principale, la superbe et géniale Jennifer Lawrence. Sortie des imbécillités crasses d'Hunger Games, la jeune femme retrouve son réalisateur fétiche pour un rôle qui lui va comme un gant. A la fois forte et fragile, Lawrence emporte l'adhésion du public quasi-immédiatement dans son rôle de mère ambitieuse incapable de se débarrasser de sa famille-boulet faute d'un amour familial chevillé au corps. Capable d'incarner la travailleuse moyenne américaine de l'époque avec un naturel désarmant, Jennifer Lawrence arrive rapidement à jouer les femmes d'affaires impitoyables tout en conservant cette part de fragilité qui l'a rend si touchante. Pour dire vrai, le plus grand atout de Joy, c'est elle, définitivement. Evidemment, on saluera le rôle (ingrat) de De Niro en père agaçant et médiocre, et Bradley Cooper toujours aussi bon lorsqu'il est dirigé par Russell. Mais c'est bien Jennifer Lawrence qui écrase tout le monde. Il faut dire que le film a été bâti autour de son rôle, qu'il est une sorte de succès-story mâtinée de drame familial tendance soap et de conte pour enfants. Ce dernier point se révèle d'ailleurs rapidement à la fois un atout et un inconvénient pour le long-métragePensé comme un conte, raconté en réalité à toutes les petites filles de la planète (ou au moins des USA), Joy a un côté gentillet qui agace autant qu'il séduit. Telle une Cendrillon des temps modernes, Joy Mangano s'élève de sa condition ingrate vers celui d'une princesse avant-gardiste, finissant dans son propre château avec le prince charmant venant la courtiser de temps à autre. Seulement voilà, c'est aussi l'aspect un peu trop propret de Joy, la perfection morale absolue du personnage et le côté glorifiant du film sur les possibilités de succès offert par le way of life américain qui irritent. Joy est trop gentille, trop parfaite, trop bien. Lorsque l'on voit en plus que la véritable Joy Mangano est productrice exécutive du métrage, on se pose de sérieuses questions quand à l'authenticité de cette description. Alors, évidemment, David O.Russell a d'autres cordes à son arc, à commencer par la description d'un système qui, à l'époque, considère encore que la femme doit s'occuper de ses enfants et rester à la cuisine, qu'elle ne peut pas être responsable et active. En ce sens, Joy peut être perçu comme un film féministe.
Il reste aussi la reconstitution d'une Amérique qui découvre les "vertus" du télé-achat et toute la machinerie qui se cache derrière, montrant encore et toujours que tout est une question d'image dans le monde capitaliste, que le succès a besoin d'une dose de mensonges et de mise en scène léchée. Cette partie du film reste, de loin, la plus intéressante, il est fort dommage que Russell passe beaucoup trop de temps sur la famille minable de Joy. Les coup bas de l'industrie, les escroqueries, la publicité mensongère et les artifices du milieu de l'entertainement et de la vente restent, franchement, passionnants. D'une certaine façon, le film montre comment il faut devenir soi-même un requin pour réussir. On regrette simplement que ce que Joy se voit contraint de faire soit au final si moralement acceptable et gentillet à l'arrivée. Une nouvelle fois, on ne peut s'empêcher de penser que le côté lissé du personnage principal finit par nuire au récit. Chose d'autant plus dommage quand celui-ci s'avère véritablement attachant et agréable une fois l'entreprise commerciale de Joy lancée (et la storyline familiale mise en sourdine).
Joy fait bien mieux que le décevant American Bluff qui misait bien trop sur ses costumes et son ambiance au dépend des personnages. Cette fois, le film de David O.Russell nous offre une héroïne forte et séduisante incarnée par la géniale Jennifer Lawrence et épaulée par un casting impeccable. Film féministe certainement trop lisse pour pleinement convaincre, Joy reste à l'arrivée un divertissement plus qu'agréable où le conte finit par l'emporter sur le soap. Une belle histoire, peut-être justement un peu trop belle.Note : 7.5/10
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Créée en 2014, The Leftovers est une des dernières séries estampillées HBO. Depuis l'avènement de Netflix et, plus récemment, Amazon, dans le monde de la télévision, il semble que la chaîne câblée américaine ait perdu de son aura. Même si son Game of Thrones continue à battre des records, cela fait quelques années qu'une autre production n'a pas soulevé un enthousiasme comparable. Cette année pourtant, la deuxième saison de The Leftovers a connu un succès critique des plus impressionnants, si bien qu'on a fini par en parler un peu partout. En s'y intéressant de plus près, on remarque tout de suite un certain nombre d'éléments qui ont de quoi effrayer voire même repousser de prime abord.
Tout d'abord, The Leftovers est une série signée Damon Lindelof, le même Lindelof qui avait dirigé la fameuse série Lost. Pire encore, le bonhomme fut un des grands coupables du naufrage Prometheus avec un scénario incohérent et désolant. Pourquoi diable alors la plus prestigieuse des chaînes câblées américaines l'a-t-elle engagé ? Peut-être parce que, jusqu'ici, Lindelof faisait montre d'une créativité débordante mais bordélique. Comme submergé par ses propres idées, le scénariste buvait la tasse tout seul. Sauf que The Leftovers est également la création de Tom Perrotta, un excellent écrivain américain, et que la série n'est en réalité dans sa première saison qu'une adaptation de son livre Les Disparus de Mapleton. On peut donc espérer que Perrotta soit parvenu à canaliser Lindelof et à lui fournir un cadre assez solide pour bâtir une oeuvre (enfin) mature. Reste alors le postulat de départ.
Le 14 Octobre, 2% de la population mondiale a tout simplement... disparu ! Sans aucune explication ni signe annonciateur. L'histoire de The Leftovers prend place trois ans plus tard dans une petite ville proche de New-York, Mapleton, où les habitants tentent tant bien que mal de continuer leurs existences. Et comme tous les ans, tous s'apprêtent à célébrer la date commémorative de la disparition. Du moins, pas tous. Une secte qui se fait appeler les Guilty Remnants, n'a aucune intention de laisser se produire l’événement. Ce sera au chef de la police locale, Kévin Garvey, d'assurer un semblant d'ordre. La grande appréhension lorsque l'on prend connaissance de ce postulat, c'est qu'il semble être familier. On pense (un peu) à la série française Les Revenants, et (beaucoup) au navet américain Les 4400. The Leftovers serait-elle, encore, une histoire consacrée à la réapparition mystérieuse de personnes disparues ? Ou, pire, une enquête sans fin pleine de rebondissements sur les raisons de cette disparition ?
En fait, il n'en est rien. Lindelof et Perrotta prennent un pari casse-gueule et d'une grande audace avec cette première saison : celle de ne jamais aller fouiller du côté des disparus mais de se concentrer uniquement et totalement sur ceux qui sont restés en arrière.
C'est bien là l'idée géniale de The Leftovers. Durant les dix épisodes qui constituent la première saison, jamais les scénaristes ne vont venir s’embarrasser d'une enquête autour des disparus. Si vous pensiez découvrir une série où vous aurez toutes les réponses, vous pouvez d'ores et déjà passer votre chemin. Mais attention, The Leftovers n'est pas Lost. Si la seconde n'avait simplement aucune idée d'où elle allait, la première est réglée avec une minutie qui force le respect. En explosant les barrières de genres et en infiltrant de bonnes doses de SF et de fantastique dans la série, Lindelof parvient cette fois à diriger proprement ses idées. En fait, The Leftovers est cette oeuvre que l'on espérait depuis longtemps pour le scénariste américain, celle de la maturité. Faisant fi des rebondissements abusifs et des cliffhangers faciles, la série se resserre sur ses personnages et, notamment, autour de la famille Garvey. Une des principales originalités de The Leftovers, c'est de faire pénétrer le spectateur dans un monde où l'on arrive après la bataille. Il faut égrener les épisodes pour comprendre petit à petit les raisons de chacun. Du prêtre au gourou de la secte locale, en passant évidemment par le chef de la police. De ce fait, en plongeant tête la première dans une thématique difficile, celle du deuil, la série fait des merveilles comme on en avait pas vues depuis Six Feet Under !
Parce que, ne tournons pas autour du pot, cette première saison de The Leftovers est d'une incommensurable tristesse. Ce qui ne veut pas dire que la série tourne au mélodrame appuyé et rasoir, non, pas du tout. Avec une écriture d'une subtilité prodigieuse, Lindelof et Perrotta ménagent leurs effets et laissent s'écouler une petite mélodie triste, aussi triste que les quelques notes de Max Richter qui brisent le cœur du spectateur en quelques secondes. Chaque personnage à l'écran, du plus incompréhensible au plus rationnel, chacun va avoir son heure de gloire et exposer son chagrin de façon digne. Les dix épisodes de The Leftovers s'intéressent à ceux qui restent, à la peine du survivant. En cela, elle aborde un thème universel qui va bien plus loin que le postulat de départ. Cela pourrait être les conséquences d'une guerre ou d'un séisme, mais c'est bien un événement indéterminé et fantasque qui cause la disparition de masse. Du coup, la peine ressentie et les émotions qui en jaillissent paraissent encore plus authentiques. Aussi cruelle que la mort aléatoire d'un être cher en somme. C'est le questionnement sur la perte et, surtout, sur comment la vivre, qui donne à The Leftovers sa phénoménale capacité à émouvoir.
Alternant les moments improbables et mixant à parts égales les mystères (les chiens pourchassés, la secte des Guilty Remnants, la possible folie de Kévin, les pouvoirs de Wayne...), The Leftovers joue constamment sur la corde raide. Là où Lost a fini par rapidement perdre à ce petit jeu, The Leftovers remporte la mise. Les éléments surnaturels et/ou inexpliqués viennent rajouter du suspense et jouent le rôle de catalyseur pour les personnages. Si l'on n'a pas toutes les réponses dans cette première saison, ce n'est jamais un frein ni un inconvénient, tant cette fois les artifices du scénario sont au service de la dramaturgie. A l'image d'un Penny Dreadful, The Leftovers joue la carte des loners - c'est-à-dire un épisode entier consacré à un unique personnage - avant de revenir sur le chassé-croisé des différents personnages, Kevin Garvey en tête. Et comme pour la série de Showtime, les loners s'avèrent sublimes. On pense à l'épisode 3 Two boats and a Helicopter, mettant en avant le personnage du révérend Matt Jamison, incarné par le génial mais trop rare Christopher Eccleston. On pense aussi à l'épisode 6 Guest, où Lindelof nous fait redécouvrir totalement le personnage de Nora Durst, joué par la formidable Carrie Coon. Ces deux épisodes montrent la capacité de la série à adopter un caractère feuilletonesque sans pour autant renier son côté romanesque et ample. Au lieu de devenir des trésors écrasants en regard du reste - comme pour les loners de Penny Dreadful -, ils magnifient et décuplent le reste de la saison. Le résultat, forcément, est tout simplement génial.
Seulement, The Leftovers ne serait rien sans sa galerie d'acteurs. A commencer par son rôle principal, Justin Theroux, qui compose un Kevin Garvey tout en nuances, à la fois play-boy en uniforme et père de famille brisé et imparfait. A l'instar de tous les personnages qui traversent The Leftovers, Kévin incarne la fragilité de l'homme, la tristesse de celui qui voit tout s'écrouler et qui perd ses proches sans jamais être capable de retrouver le contrôle de la situation. On citera également un des rôles les plus éminemment difficiles de la série, celui de la gourou des Guilty Remnants, Ann Dowd. Si son personnage arrive à être constamment détestable, c'est grâce au jeu impeccable de l'actrice qui explose littéralement dans l'épisode 8 Cairo. Il faut d'ailleurs saluer la description de la secte des Guilty Remnants à cette occasion. Elle est l'exemple même que Lindelof peut utiliser son hermétisme à des fins salutaires. Comme nombre de sectes, et celle-ci davantage encore, on ne comprend jamais les raisons de leurs actes incroyables et quasiment honteux. Même lorsque Patty s'échine à expliquer sa vision des choses à Garvey. Car le but, finalement, n'est pas de comprendre, mais bien de montrer que selon les différents points de vues, certaines positions ne seront jamais totalement explicables. En ce sens, Lindelof était l'homme idéal pour porter les Guilty Remnants à l'écran.
Que reprocher à cette première saison ? Trop de mystères parfois ? Possible. A coup sûr en tout cas de ne pas avoir réussi à exploiter l'arc de Tom Garvey, qui semble bien pâle en comparaison des autres et qui finit par ennuyer par rapport à la grandiose réussite du reste. Même le destin de Wayne, personnage le plus improbable de la série, finit par devenir captivant et émouvant. Mais ce reproche peut-il vraiment venir ternir la première saison de The Leftovers ? Non, définitivement pas. Parce que la série se conclut par deux épisodes encore plus formidables que ce que l'on pouvait espérer. L'épisode 9, The Garveys at Their Best, revient sur l'avant-disparition avec une justesse d'écriture époustouflante et une séquence finale à donner des frissons qui arrive, enfin, à expliquer le personnage de Laurie et son devenir. Et puis la conclusion, avec un épisode 10, The Prodigal Son Returns, qui fait des choix radicaux en abandonnant quasi-totalement Mapleton durant la moitié du temps, pour venir nous jeter à la figure les événements qui s'y sont déroulés en conclusion. Une conclusion superbe, encore plus émouvante que la séquence terrible de Kévin s'effondrant en larmes devant Matt. Si la série s'achève sur le monologue de Nora Durst, c'est aussi pour en finir avec les larmes de ceux qui ont tout perdu, pour montrer, comme un ultime pied de nez, que l'espoir peut surgir de la façon la plus improbable qui soit.
Si vous avez peur de subir la même déconvenue qu'avec Lost, soyez tranquilles, en soi, la première saison de The Leftovers peut se voir de façon isolée, sans aucune nécessité de poursuivre. Cette brillante histoire de disparus, de deuil, de foi, d'espoir, d’ésotérisme, de folie et d'humanité servie par une galerie de personnages superbes, c'est la conjugaison de deux talents, ceux de Tom Perrotta et de Damon Lindelof. The Leftovers constitue l'une des découvertes les plus marquantes dans l'histoire télévisuelle, une découverte pleine d'audace, de justesse et d'émotions, où quelques notes de Max Richter suffisent à nous tirer des larmes.
Nul doute que la saison 2 aura fort à faire pour reprendre dignement le flambeau.
Note : 9/10
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Les pays nordiques ont le vent en poupe dans le paysage cinématographique actuel. Après le buzz de Snow Therapy en début d'année, c'est au tour du discret My Skinny Sister de faire parler de lui. Trainant une réputation de Little Miss Sunshine bis, le premier long-métrage de la suédoise Sanna Lenken se penche sur un sujet relativement rare au cinéma, celui de l'anorexie mentale. Dans la grande tradition de sobriété et d'authenticité des films scandinaves, mêlant à la fois humour doux-amer et drame, My Skinny Sister permet également de découvrir un duo de jeunes actrices avec Amy Deasismont et Rebecka Josephson.
Stella a 12 ans et vit dans une famille des plus banales. La tête dans les étoiles, la petite fille un peu rondelette écrit des poèmes d'amour au professeur de danse de sa sœur, élève des scarabées qu'elle récolte au gré de ses promenades et s'entraîne à embrasser les garçons avec des tomates. Bref, Stella a tout de la petite fille ordinaire qui s'éveille doucement aux joies de l'adolescence. Sa grande sœur Katja, elle, n'a pas les mêmes préoccupations. Celle-ci s'entraîne durement pour le futur concours de patinage artistique...peut-être même trop durement. Stella découvre vite que sa sœur surveille de plus en plus maladivement son poids et qu'en secret, elle se fait vomir dans les toilettes. Sans vraiment comprendre, la petite fille a l'intuition que Katja va mal. Entre l'amitié et la confiance qui lit les deux sœurs d'un côté, et l'inquiétude de ses parents, Stella va devoir faire face avec sa famille à la terrible maladie de sa sœur.Disons-le d'emblée, My Skinny Sister partage en réalité peu de points communs avec Little Miss Sunshine. La principale ressemblance se situant dans le personnage principal avec la petite Stella qui rappelle inévitablement Olive. C'est Stella qui fait en très grande partie le charme intense et enfantin du long-métrage. On assiste par ses yeux à la spirale incontrôlable dans laquelle tombe sa sœur et comment sa maladie vient à la fois briser l'équilibre familiale et influencer les propres perceptions de Stella. My Skinny Sister arrive avec bonheur à jongler entre l'humour et le drame. Il mêle à part égale la naïveté enfantine de la plus jeune et la lente auto-destruction de la plus vieille. En installant très progressivement la pathologie mentale de Katja, Sanna Lenken permet de représenter avec une grande justesse l'anorexie mentale et ses répercussions.
Parce que l'autre personnage majeur du métrage, c'est bien Katja. Adolescente admirée pour ses compétences artistiques, elle incarne l'archétype de l'anorexique sans pourtant forcer le trait. Par petites touches, Lenken montre comment la conjonction d'un caractère exigeant et le manque de stabilité des parents peut produire un résultat dramatique sur une adolescente déjà fragile. La grande force de My Skinny Sister se niche dans la représentation plus vraie que nature de cette pathologie dévastatrice et incompréhensible pour le commun des mortels. Du coup, l'interprétation des deux jeunes actrices devient forcément essentiel pour donner toute sa force au film. En cela, ni Amy Deasismont ni Rebecka Josephson ne déçoivent, intenses et authentiques de bout en bout.
Avec sa réalisation discrète mais élégante, My Skinny Sister peut également se permettre le luxe de mettre en avant la relation privilégiée entretenue par deux sœurs et par le retentissement que peut avoir l'état de santé de l'une sur l'autre, ou, pire, l'influence du comportement de l'aînée sur la cadette. Véritable modèle de perfection pour Stella, Katja a un effet à la fois néfaste sur sa petite sœur du fait de son obsession maladive vis-à-vis de son poids (risquant de faire basculer également Stella dans la même spirale) et bénéfique par le support et l'amour réciproques que l'on sent toujours présent quelque soit les épreuves. Grâce à quelques plans bourrés de poésie, Sanna Lenken capte davantage qu'un simple tableau d'anorexie mentale, elle offre dans le même temps un émouvant portrait familial.
Excellente surprise pour terminer cette année 2015, My Skinny Sister aborde avec une grande justesse et sans patho excessif l'anorexie mentale. Grâce aux talents conjugués de ses deux jeunes actrices ainsi qu'à l'élégance de sa mise en scène, le premier film de la suédoise Sanna Lenken atteint toutes ses promesses et peut-être plus encore.
Note : 8/10
Meilleure scène : Les deux sœurs front contre front à l’hôpital.Suivre l'actualité du site :
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Si son dernier film date de 2012, Steven Spielberg croule sous les projets. On a un temps cru qu'il allait adapté le roman de science-fiction Robopocalypse avant que l'américain annonce la mise en veille du projet pour se consacrer à un film d'espionnage durant la guerre froide. Après un détour par le XIX ème siècle, le réalisateur revient donc au XX ème pour explorer à nouveau la guerre froide du point de vue des deux grands blocs (à la différence de son travail dans Munich). Il offre par la même occasion le rôle principal à son vieil ami devenu plutôt rare, l'excellent Tom Hanks, qui incarne ici l'avocat James Donovan. Sans autre star majeure au casting, Le Pont des Espions joue la carte du thriller historique comme en raffole les majors américains en s'intéressant à un échange de prisonniers politiques entre l'Est et l'Ouest. A près de 69 ans, Steven a-t-il encore des choses à dire ?
Pour tenter de répondre à cette question, situons le contexte de ce nouveau métrage. Nous sommes dans les années 60 et la guerre froide entre les USA et l'URSS bat son plein. La paranoïa est à son comble et les espions des deux camps doivent redoubler de prudence. Rudolf Abel, un vieil homme ordinaire, se fait arrêter dans son appartement. Bien vite, il se révèle que celui-ci fournissait bien des informations aux soviétiques et qu'il doit donc être juger en tant qu'espion communiste. Désigné pour le défendre, James Donovan s'aperçoit rapidement que le procès organisé est une mascarade. Dans le même temps, le pilote Francis Powers se voit confié une mission de reconnaissance au-dessus du sol soviétique à bord d'un avion-espion U2. Malheureusement, il est abattu par des tirs russes et se retrouve prisonnier. Donovan va alors devoir organiser un échange dans un Berlin divisé en deux...
Le Pont des Espions se présente comme un thriller historique assez classique. Il débute sur un versant "tribunal" dans la lignée d'un Philadelphia puis repasse rapidement du côté thriller pur et simple. Avec Steven Spielberg aux manettes, inutile de dire que la mise en scène est soignée, recherchée et que la reconstitution historique s'avère à la hauteur des espérances. De même, l'arrivée dans un Berlin alors en pleine division a quelque chose de glacialement efficace, entre la construction du mur, l'exode des Berlinois et les décombres de la seconde guerre mondiale. Du côté purement formel, nul doute que le père Spielberg n'a pas perdu la main. On ne pourra cependant pas s'empêcher de voir dans le cheminement emprunté par Le Pont des Espions quelque chose de finalement très académique, très classique et relativement sans surprise. Efficace certes mais peu surprenant.Heureusement, le sujet de fond abordé par le film est autrement plus captivant. Spielberg se sert d'un échange de prisonniers pour croquer l'Amérique et ses défauts. Son approche du personnage ambiguë de Rudolf Abel, même si on aurait aimé la voir plus audacieuse encore, reste le meilleur élément du long-métrage. Spielberg tente de montrer comment, en pleine guerre (froide ou non) et en pleine vague de paranoïa, les Etats-Unis toujours si vertueux ne valent à l'arrivée pas mieux que leurs méprisés adversaires. La remise en cause de la justice et de ce côté "nous sommes les gentils" par le réalisateur américain a ceci d'intelligent qu'elle utilise le point de vue d'un avocat qui est contraint de défendre ce qui pourrait facilement être réduit à l'Ennemi. Sauf que la chose n'est pas aussi simple. Spielberg explique patiemment et intelligemment pourquoi l'avocat ne doit se préoccuper que de son client et non de l'opinion populaire. En faisant progressivement changer de paradigme le spectateur, Le Pont des Espions réussit à démontrer que le bien et le mal ne sont que le résultat d'un point de vue.
Du coup, le long-métrage devient nettement plus intéressant dès que Donovan est confronté à ses propres concitoyens et collègues. On retrouve ici la volonté de Spielberg de toujours faire la part des choses et de ne pas tomber dans un manichéisme historique déplacé, ce qu'il avait déjà réussi à faire dans son excellent Munich. L'excellent jeu de Tom Hanks et, surtout, Mark Rylance, permet au spectateur de s'attacher aux deux personnages principaux sans pour autant nier la réalité de la situation historique. Si l'on aurait aimé davantage encore de jeux politiques, Spielberg se rattrape en ajoutant un troisième parti dans le Berlin des années 60, compliquant la donne et ajoutant une dose de suspense bienvenue au récit. Reste alors l'amitié entre Donovan et Abel, émouvante et juste, ainsi que - et pour poursuivre sa critique de la culture américaine et son hyper-patriotisme - le regard posé sur le destin du jeune Powers qui a quelque chose de très puissant. D'autant plus d'ailleurs qu'il n'est qu'effleuré et laissé à notre imagination.
Sans arriver à la cheville de ses meilleurs films, Le Pont des Espions arrive à compter parmi les bons Spielbergs. Porté par deux acteurs excellents et jouissant d'une mise en scène impeccable, le long-métrage peut surtout compter sur une critique maligne et roublarde de l'histoire américaine durant la Guerre Froide, posant un regard critique sur un passé moins manichéen qu'on voudrait nous le faire croire.
Un très bon moment.Note : 8/10
Meilleure scène : James Donovan regardant la façon de mettre Rudolf Abel dans la voiture des soviétiquesSuivre l'actualité du site :
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FLOP CINE 2015 - JUST A WORD
Ce flop a été composé après visionnage de 111 films au cinéma sortis cette année 2015.
10 - Crimson Peak de Guillermo Del Toro
Réalisateur pourtant largement apprécié, le mexicain Guillermo Del Toro a extrêmement déçu avec son Crimson Peak. Si le long-métrage est inattaquable sur le plan de la mise en scène pure (et c'est finalement ce qui le sauve), il met en lumière une pratique à la fois honteuse et révélatrice : l'auto-plagiat. N'ayant visiblement plus rien à dire, Del Toro finit par se plagier lui-même en reprenant presque trait pour trait le fond de son chef-d'oeuvre, L'Echine du Diable. Rajoutons à cela des incohérences embarrassantes et la longueur abusée du long-métrage dans sa première partie, et l'on constate avec désarroi que depuis Le Labyrinthe de Pan, Del Toro n'a plus fait de film avec un véritable scénario. Sera-t-il condamné aux blockbusters épiques tels que Pacific Rim ?
Espérons que non...
>>>>> CRITIQUE9 - Chappie de Neill Blomkamp
A l'instar de Del Toro, Blomkamp se plagie lui-même dans Chappie. Resucée maladroite de l'ambiance de son premier excellent film, District 9, Chappie nous fait aussi le coup du robot qui devient plus humain que l'humain. Ce thème abordé à maintes et maintes reprises ne procure au spectateur aucune nouvelle piste de réflexion et finit même par lasser tant les personnages humains manquent de charisme pour nous séduire. Reste alors un film d'action correct mais franchement décevant. Après le lamentable Elysium, Neill Blomkamp confirme qu'il n'avait qu'une seule bonne idée à mettre en images...
8 - American Sniper de Clint Eastwood
C'est l'histoire d'un mec qui réalisait d'excellents films voire, parfois, de véritables pépites. Ayant atteint le sommet avec Letters from Iwo Jima, notre bon vieux Clint Eastwood s'est mis en tête de doucement descendre de l'autre côté. Le côté obscur. Très très obscur. Républicain convaincu mais pas assez bête pour l'exposer sur pellicule, Clint Eastwood réalise avec American Sniper son pire film. Incapable d'adopter une position claire, mixant des influences et des éléments vus ailleurs dans une qualité largement supérieure (Jarhead, Full Metal Jacket...) et donnant à Cooper un de ses rôles les plus insipides (avec le jeu monolithique qui va avec, évidemment). A côté du monstrueusement intelligent Foxcatcher de Benett Miller, American Sniper apparaît comme un film insipide et médiocre au mieux. C'est dur de vieillir...
>>>>> CRITIQUE7 - Les 4 Fantastiques de Josh Trank
Running-gag de la production foireuse, les 4 Fantastiques par Josh Trank se hisse avec aisance dans le Flop 10 de l'année. Ce film étrange qui semble pourtant assez correct dans sa première moitié, malgré des erreurs de casting flagrantes (à commencer par Toby Kebell en méchant et Miles Teller en Richards...), bascule d'un coup d'un seul dans un nanar de luxe comme on a en rarement vu. Tout se passe comme si, au bout de la moitié du film, tout le monde s'était dit sur le plateau : "Oh et puis merde les gars, si on faisait n'importe quoi ?". Parce que, oui, après, c'est du grand n'importe quoi. Le point culminant semblant atteint lorsque le grand méchant Dr Doom, que l'on pensait impossible d'être plus médiocre que dans l'original, se révèle encore plus médiocre et foiré. Un tel exploit après avoir livré un Chronicle excellent, ça mérite le respect (ou la fessée, c'est à voir...) !
6 - Maggie d'Henry Hobson
Arnold n'est plus gouverneur de Californie. Du coup, Arnold doit payer ses factures comme tout un chacun. Alors, avant de violer joyeusement la saga Terminator avec Genysis (non critiqué dans Just A Word, la bande-annonce se suffit à elle-même), Arnold est parti tourner un film de zombies. Avec la talentueuse Abigail Breslin qui devait aussi avoir des factures à payer, Henry Hobson livre un long-métrage qui se concentre sur le traumatisme que peuvent vivre les personnages condamnés à abattre leurs proches zombifiés. Bonne idée, non ? Sur vingt minutes... peut-être... sur une heure et demi, certainement pas. Répétitif, déjà largement vu ailleurs en mieux (et en beaucoup plus juste), Maggie veut aussi se donner un style "film d'auteur" qui finit par tomber dans la caricature désolante. Un échec assez dommage mais presque inévitable.
>>>>> CRITIQUE5 - La rage au ventre d'Antoine Fuqua
Les films de boxe, c'est bien. Enfin, quand c'est fait avec talent. Antoine Fuqua, bien décidé à rendre hommage à son nom de famille, nous gratifie cette année d'une véritable diarrhée filmique. Mélodrame poussif jamais crédible et surtout vu mille fois ailleurs (et en mieux), La Rage au ventre bouffe le précieux temps d'excellents acteurs (Gyllenhaal et Whitaker) pour une sorte de pseudo-Million Dollar Baby mixé avec du mauvais Rocky, où l'on sait tout ce qu'il va se passer après dix minutes de film. Du coup, on se fait profondément chier et l'on attend avec impatience la victoire du hérosquiestunconnardmaispastropetquivatrouverlalumièreavecunvieuxnoirquinefaitplusdeboxe.
Et si en plus on vous dit que 50 Cent joue dans le film ? Il faut vraiment argumenter davantage ?
>>>>> CRITIQUE4 - Jupiter's Ascending des Wachowksi
Véritable énigme de petit et grand écran, les Wachowksi alternent coup de génie et bouse affligeante. Puisqu'en 2012 était sorti sur les écrans l'éblouissant Cloud Atlas, 2015 devait donc voir la parution d'un étron filmique. Certainement trop occupé par leur série Sense8, les Wachos nous offrent un space-opéra réalisé de main de maître mais totalement imbécile et caricatural. A la fois niais comme un Disney et ridicule comme un Disney (bah oui), Jupiter's Ascending réussit l'exploit de faire jouer comme des patates Channing Tatum et Eddie Redmayne (on a même honte pour ce dernier...). Prouvant une bonne fois pour toutes que des effets spéciaux et une belle actrice ne font pas tout en science-fiction, Jupiter's Ascending mérite carrément sa place au pied du podium.
>>>>> CRITIQUE3 - Les Merveilles d'Alice Rohrwacher
Il n'y a pas que le cinéma à gros budget qui accouche de sombres bouses. Il y a aussi le cinéma d'auteur.
Grand prix du festival de Cannes 2014 (mais ça leur arrive souvent...), Les Merveilles d'Alice Rohrwacher avait reçu une pluie d'éloges avant même de sortir en salle. Seulement voilà, une fois devant le long-métrage, difficile de comprendre l'engouement. Mise en scène extrêmement fade et datée, histoire aussi passionnante que la dernière saison de Derrick, des longueurs à n'en plus finir... Les Merveilles porte mal son nom. On se consolera avec l'apparition d'une Monica Belucci grimée en présentatrice sexy de show campagnard au rabais mais, avouons-le, c'est assez peu pour pallier à l'infinie vacuité de ce navet méconnu (à juste titre).2 - Jurassic World de Colin Trevorrow
Vous l'attendiez tous avec impatience ? Avec excitation même ? Manque de bol, la suite/reboot de la légendaire saga Jurassic Park se hisse au rang du nanar de l'année. Rien que ça.
Dans un superbe élan artistique qui rappelle parfois les meilleurs éclats de génie de Paul W.S Anderson, le jeune réalisateur américain a décidé de livrer une belle madeleine de Proust aux fans surexcités. Sauf qu'à l'intérieur, tout est pourri. Non seulement la réalisation du film manque constamment d'ampleur et d'audace (alors qu'on filme quand même des dinosaures de plusieurs mètres de haut), mais en plus elle conjugue la médiocrité d'un casting fade au possible (la palme à Chris Pratt qui incarne un héros dont on a déjà oublié le nom, possédant le charisme d'un bulot cuit et l'intelligence d'un concombre avec des cheveux... et c’est bête un concombre !), d'un scénario qui recherche constamment les débilités, les incohérences et surtout des moments de pur "WTF ?!" qu'on croyait impossible. Pour peu, on n'aurait pas été plus surpris que ça de voir nos héros boire une bière avec les vélociraptors.
Dans le jargon, on appelle ça une purge (et encore, la purge soulage... là...)
>>>>> CRITIQUE1 - The Visit de Night Shyamalan
Ah Night Shyamalan ! Un jour grand parmi les grands, l'américain n'en finit à présent plus de toucher le fond.
Malgré le postulat de base prometteur de son dernier film, The Visit, on sait à présent que Shyamalan a pris une pelle et qu'il creuse. Profondément. Etant au film d'horreur ce que Justin Bieber est à la musique contemporaine, The Visit semble avoir parfaitement assimilé tout ce qu'il ne faut pas faire pour réaliser un bon film d'horreur, et même un bon film tout court. Scénario aussi fin qu'une blague de Jean-Marie Bigard, réalisation totalement désespérante, absence totale du moindre début de frisson, et, pire que tout, drôle involontairement, le dernier rejeton de Night Shyamalan achève de nous convaincre que le réalisateur d'Incassable et Sixième Sens n'est plus. Paix à son âme, et arrêtez de violer son cadavre. Merci.>>>>> CRITIQUE
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TOP CINE 2015 - JUST A WORD
Ce top a été composé après visionnage de 111 films au cinéma sortis cette année 2015.
10 ex-aequo - Inherent Vice de Paul Thomas Anderson
Plus discret ces derniers temps, le prodige Paul Thomas Anderson revenait cette année avec l'adaptation d'un roman du cultissime Thomas Pynchon. Emporté par un Joaquin Phoenix toujours aussi éblouissant et mêlant avec bonheur des histoires totalement improbables, à commencer par celle de Doc Sportello, Inherent Vice capture les années 60 comme personne. Dans ce véritable OFNI à la mise en scène fascinante, le spectateur devient rapidement aussi paranoïaque et stone que son narrateur. Franchement jubilatoire.
>>>>> CRITIQUE
10 ex-aequo - The Big Short d'Adam McKaySurprise de la fin de l'année 2015, le film d'Adam McKay réussit le tour de force d'être ludique, intelligent, stimulant, drôle et terrifiant à la fois. En emmenant un Steve Carrell encore une fois génial et un Christian Bale toujours impeccable, le réalisateur américain que l'on n'attendait pas livre une charge pleine de mordant dont l'efficacité n'a d'égale que son effroyable clairvoyance. Ajoutez-y une mise en scène survoltée et un récit sans temps mort et vous obtenez l'un des films les plus captivants et brillants sur le monde de la finance moderne.
>>>>> CRITIQUE9 - Sicario de Denis Villeneuve
Devenu au fil des ans une valeur sûre du cinéma nord-américain, le canadien Denis Villeneuve abandonne l'hermétisme de son dernier film (Enemy) pour retrouver la violence et le questionnement sur le bien et le mal qui nous avait tant séduit avec Prisoners ou Incendies. Sicario plonge donc dans l'enfer des cartels mexicains sans aucune pudeur en accompagnant le formidable Benicio Del Toro dans les tréfonds de l'horreur. Magistralement mis en scène (on se souviendra longtemps du passage à Ciudad Juarez), le long-métrage marque durablement le spectateur.
Un retour en force.
>>>>> CRITIQUE8 - It Follows de David Robert Mitchell
Qu'il fait du bien de voir un film d'horreur dans ce top 10 !
Genre maltraité par excellence à l'heure actuelle, l'horreur retrouve tout son prestige grâce à David Robert Mitchell. Refusant les effets gores outranciers et misant tout sur une terreur psychologique à couper au couteau, le réalisateur accouche d'un monstre terrible où le cinéma de Carpenter est salué avec force. Personnification des MST, plongée dans une adolescence délaissée et surtout grand film paranoïaque, It Follows renvoie à The Thing comme à Silent Hill. Le premier film de David Robert Mitchell va vous donner des sueurs froides.
>>>>> CRITIQUE7 - Birdman d'Alejandro Gonzalez Inarritu
Sensation de la saison Oscars 2015, Birdman prenait le pari de remettre sur le devant de la scène un acteur totalement has-been en la personne de Michael Keaton. En se consacrant en plus au monde du théâtre et en adoptant le parti radical de filmer en un seul plan-séquence, Inarritu prenait de sacrés risques. Des risques payants puisque Birdman a non seulement remporté l'Oscar du meilleur film mais qu'il intègre la septième place de ce top. Un Michael Keaton impérial, une mise en scène audacieuse, un regard cynique sur la mode des films de super-héros et une mise en abyme du métier d'acteur des plus réussies, voilà les ingrédients qui font de Birdman un des meilleurs films de cette année 2015.
Un exercice de style épatant.
>>>>> CRITIQUE6 - The Look of Silence de Joshua Oppenheimer
En 2012, Joshua Oppenheimer avait mis une grande claque au monde du documentaire avec le terrifiant et indicible The Act of Killing qui racontait à sa façon bien particulière l'extermination des soi-disant communistes en Indonésie. Trois ans plus tard, Oppenheimer récidive avec un second documentaire qui adopte cette fois le point de vue des victimes. Toujours aussi puissant dans sa mise en scène et son questionnement, The Look of Silence complète à merveille son prédécesseur. D'autant plus effrayant que tout ce que l'on entend et voit est authentique, l'oeuvre d'Oppenheimer n'est pas seulement le documentaire le plus réussi de l'année, c'est aussi tout simplement l'un des dix indispensables à voir.
>>>>> CRITIQUE5 - Vice-Versa (Inside-Out) de Pete Docter
Dire que l'on attendait énormément de Pixar avec Vice-Versa est un doux euphémisme. Après un passage à vide ces derniers temps, le studio à la lampe n'avait plus le droit à l'erreur. Du coup, c'est le formidable Pete Docter (à qui l'on doit le meilleur Pixar, Monstres et Cie) qui se charge de l'affaire. Véritable feu d'artifice d'émotions, d'une justesse incroyable et d'une richesse bienvenue, Vice-Versa marque le retour en grande forme de l'animation américaine. C'est beau, prenant, émouvant, drôle, mélancolique, bref c'est une pure réussite qui méritait bien une belle place dans ce classement !
>>>>> CRITIQUE4 - Mad Max : Fury Road de George Miller
Parmi les multiples entreprises de reboot/reprises de saga cultes, Mad Max faisait un peu office d'outsider. Pour relancer la franchise, Warner Bros n'a choisi nul autre que son créateur, le génial mais trop rare George Miller. Véritable bombe, Fury Road s'impose comme l'un des plus gros chocs cinématographiques de l'année. Violent, virtuose, furieux, démesuré, hallucinant et halluciné, ce nouveau Mad Max renvoie tous les blockbusters modernes dans le bac à sable en misant tout sur une mise en scène et un univers époustouflants. Miller est grand, très grand.
Witness !!
>>>>> CRITIQUE3 - Foxcatcher de Benett Miller
Pour la troisième marche du podium, retour à un cinéma moins clinquant et furieux mais toujours aussi intelligent. Foxcatcher de Benett Miller rassemble à peu près tous les atouts d'un cinéma de qualité : un trio d'acteurs fantastiques dont un Steve Carell méconnaissable, une réflexion dérangeante sur l'Amérique et sur la violence, une mise en scène parfaite et une bande originale lancinante. Peinture sans concession du way of life américain et portrait d'un homme dévoré par son ambition, Foxcatcher s'impose tout naturellement comme l'un des plus grands moments de cinéma de l'année 2015.
Un chef-d'oeuvre noir et impitoyable.
>>>>> CRITIQUE2 - Crosswind de Martti Helde
Très longtemps resté le meilleur film de l'année 2015, Crosswind est le premier film de l'Estonien Martti Helde. Intégralement en noir et blanc, dénué du moindre effet spécial ou presque, Crosswind raconte le drame méconnu du peuple des pays baltes déporté par les soviétiques durant la Seconde Guerre mondiale vers les goulags sibériens. En recourant à une série de tableaux figés où les acteurs recomposent des scènes d'une force émotionnelle hallucinante, Helde fait un choix pour le moins radical. Pourtant, l'absolue perfection de la réalisation alliée à la pudeur constante du réalisateur pour son sujet font de Crosswind un long-métrage touché par la grâce.
Certainement le moment de cinéma le plus dur et le plus pur de l'année 2015.
>>>>> CRITIQUE1 - MacBeth de Justin Kurzel
Et le vainqueur de cette année 2015 n'est nul autre qu'un roi, et pas n'importe lequel.
Second long-métrage de l'australien Justin Kurzel, Mac Beth retranscrit à l'écran la mythique pièce de Shakespeare portée par les interprétations magistrales de Michael Fassbender, Marion Cotillard et Sean Harris. Musique entêtante, acteurs au sommet, réalisation époustouflante, tout concourt à rendre Mac Beth inoubliable.
En une phrase comme en cent : All hail, Macbeth, thou shalt be king hereafter!>>>>> CRITIQUE
Les Coups de Cœur :
- Papa ou Maman de Martin Bourboulon -- Critique
- Youth de Paolo Sorrentino
- Ex Machina d'Alex Garland -- Critique
- Une belle fin d'Urberto Pasolini
- Loin des hommes de David Oelhoffen -- Critique
- Le fils de Saul de Lazlo Nemes -- Critique
- Virunga d'Orlando von Einsiedel -- Critique
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Après un Vice-Versa qui marquait la résurrection de la firme à la lampe, Pixar nous offre un second long-métrage d'animation sur la même année, un fait unique jusqu'ici. Du coup, on peut logiquement craindre une oeuvre au rabais qui viendrait juste surfer sur la faste période de Noël pour se rentabiliser. Il suffit de jeter un œil au réalisateur en charge du projet, Peter Sohn, pour renforcer ce doute, le monsieur n'ayant à son actif qu'un unique court-métrage, Passages Nuageux, très bon au demeurant mais qui constitue un CV bien léger. Heureusement, les bandes-annonces sont venues nous rassurer un peu en mettant l'accent sur une relation assez particulière : celle d'un enfant et d'un dinosaure. En effet, The Good Dinosaur (traduit par Le Voyage d'Arlo par nos merveilleux publicistes) est en réalité une uchronie où la météorite qui aurait du causer l'extinction des dinosaures a raté sa cible. Si l'on sent des relents de Croods et de The Land before the Time ( aka Le petit dinosaure et la vallée des merveilles), le long-métrage va devoir trouver ses propres arguments pour convaincre...
Et les choses commencent assez mal pour Le Voyage d'Arlo. Peter Sohn nous invite à découvrir un monde où les dinosaures ne se seraient jamais éteints. Dans celui-ci, Arlo, le cadet de la famille de trois enfants, vit avec ses parents fermiers dans la quiétude de leur ferme. Vivant dans l'ombre constante de son frère Buck et de sa sœur Libby, le jeune dinosaure désespère de pouvoir un jour apporter sa marque sur le grenier à maïs de la famille, symbole d'accomplissement absolu à ses yeux. Pour l'aider, Henry, son père, lui demande de chasser la mystérieuse créature qui vient dévaster leur réserve de grain. Alors qu'il tente d'éliminer cette bestiole nuisible, Arlo tombe dans la rivière qui finit par l'emporter très loin de chez lui. Pour revenir dans sa famille, le jeune dinosaure va devoir apprivoiser Spot, une créature décidément bien étrange...
Pourquoi les choses commencent mal ? Parce que Pixar, qui nous a habitué à une débauche d'idées farfelues par le passé, se contente de faire de l'anthropomorphisme avec les dinosaures. Alors que le studio aurait pu imaginer un mode de vie totalement différent pour les mastodontes, on se retrouve en face d'un calque amusant, mais peu original, d'une époque Far West où la famille d'Arlo joue les fermiers et où les T-Rex sont des éleveurs de troupeau. Même si en soi la chose n'est pas désagréable, elle manque sincèrement d'audace. De même, le fond de l'histoire reste tout à fait simpliste. Arlo est le plus chétif mais également le plus attachant de la famille et son aventure va lui permettre de prendre confiance en lui et de s'affirmer. Le genre de récit qui a déjà été vu auparavant maintes et maintes fois. Malgré l'hommage au Petit Dinosaure de Don Bluth, Le Voyage d'Arlo peine énormément à mettre en avant ses arguments pour se démarquer.
Du moins...jusqu'à l'arrivée de Spot.
Le vrai coup de génie du Voyage d'Arlo - qui sauve d'ailleurs tout le long-métrage et arrive à faire naître quelques séquences sublimes - tient dans l'unique personnage de l'enfant sauvage nommé Spot par Arlo. Ce petit trublion, qui n'est pas sans rappeler la plus jeune membre de la famille des Croods, fait des étincelles. Son comportement est entièrement calqué sur celui d'un chien et son design est une totale réussite. Sa folie, sa fraîcheur et finalement l'émotion qu'il apporte à l'histoire, font que le long-métrage tout entier repose sur ses épaules. Sohn parvient à tisser une relation superbe et attendrissante en diable entre Arlo et Spot, parfois sans employer de mots et surtout, il touche à plusieurs occasions à des moments de beauté indescriptible tels que Pixar en a le secret. On pense notamment à ce passage où Arlo explique le principe de la famille à Spot avec des bâtons et que celui-ci, sans un mot, lui explique son chagrin en retour. Un moment de pure poésie. On retrouvera un autre passage, muet lui aussi, où Spot rencontre les siens et où la tendresse du moment explose au visage du spectateur. Même si Le Voyage d'Arlo a quelques autres qualités, c'est Spot qui tient le film au bout de ses (petits) bras.
Car heureusement, Le Voyage d'Arlo a quelques autres atouts à faire valoir. Quelques rencontres avec des personnages farfelus par exemple, à commencer par le tricératops schizophrène ou la secte du tonnerre. Cette dernière creuse la comparaison avec la période du Far West et les fanatiques religieux qui pouvaient écumer les contrées américaines. Bien que le décalque de cette époque soit facile, il reste convainquant dans le soin apporter par Sohn pour le fondre avec l'univers préhistorique. Ainsi, on s'ennuie difficilement durant l'aventure, tant celle-ci s'avère rythmée et agréable à suivre, sorte de road-movie qui ne dit pas son nom. Reste tout de même à rajouter que plastiquement, Le Voyage d'Arlo est une pure merveille qui met une claque à toute la production actuelle. L'animation s'avère sublime de bout en bout et bénéficie d'un soin tout particulier dans les séquences nocturnes et le jeu des lumières. Le dernier Pixar est un ravissement constant pour les yeux.
Malgré d'évidents défauts, Le Voyage d'Arlo sauve l'essentiel grâce à sa beauté graphique et au fabuleux personnage de Spot. Largement en dessous d'un Vice-Versa, le premier long-métrage de Peter Sohn convaincra pourtant une large part du public visé voir même plus à l'occasion de quelques séquences sublimes qui hissent le film à un niveau bien plus haut qu'escompté.
Aouhhhh !
Note : 8/10
Meilleure réplique : Tout ce que peut dire le tricératops en décrivant ses compagnons de route
Meilleure séquence : Arlo et Spot qui esquissent leurs familles avec des bouts de bois.Suivre l'actualité du site :
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Pièce de légende s'il en est, MacBeth de Sir William Shakespeare a connu maintes et maintes adaptations, notamment cinématographiques. C'est à Cannes cette année que la dernière d'entre elles a fait parler d'elle. Aux commandes cette fois, le réalisateur australien Justin Jurzel qui avait impressionné son monde avec son premier film, Les crimes de Snowtown, une plongée sans concession et viscérale dans une Australie dérangeante aux côtés d'un serial killer terrifiant. Déjà salué pour son sens de la mise en scène et de la création d'atmosphère, Kurzel hérite ici d'un projet taillé sur mesure pour lui et engage, de surcroît, une pléiade d'acteurs formidables dont le génialissime Michael Fassbender pour interpréter MacBeth lui-même. Sévèrement étrillé à Cannes par la critique française, MacBeth n'en impressionne pas moins un certain nombre de critiques anglophones. Du coup, sa sortie en salles permettra de trancher : MacBeth, pétard mouillé ou coup de génie ?
Doit-on rappeler l'histoire de MacBeth. Pièce de théâtre d'un des plus grands écrivains de tous les temps, elle adapte librement la légende du roi écossais MacBeth pour en faire une tragédie teintée de surnaturel. Alors que le roi Duncan fait face à la rébellion, il envoie le Thane de Glamis, MacBeth, dans une ultime bataille désespérée face aux traîtres. Si MacBeth sort victorieux de cette sanguinaire lutte, il reçoit les paroles d'oracles étranges, les sœurs du silence, qui lui prédisent la gloire et le trône. Perturbé, il rentre à Inverness auprès de son épouse qui, consciente des enjeux, l'incite à tuer le roi Duncan pour prendre sa place. Accablé par son forfait et de plus en plus instable, MacBeth prend la tête du royaume écossais et commence, lentement mais surement, à s'enfoncer dans la paranoïa. C'est sur ce postulat que Justin Kurzel donne sa vision du drame Shakespearien pour un résultat virevoltant, pictural et, pour tout dire, impérial.
Dès les premiers instants, Kurzel donne le ton. Résolu à faire de cette adaptation une retranscription théâtrale plutôt q'une refonte cinématographique, il conserve les dialogues succulents du récit originel tout en renonçant au côté possiblement épique de la pièce. Ainsi, le film, après un court générique posant les bases et se terminant telle une levée de rideau, nous plonge dans la bataille. Kurzel pourtant n'offre rien de ce que l'on pourrait attendre, il stoppe l'action, fait des ralentis, capture les protagonistes comme autant d'éléments d'une toile sanglante, retrouvant l’essence presque tétanisante de la violence et du désespoir inscrits sur les visages. MacBeth sera une peinture Shakespearienne avec, en prime, une mise en scène aux petits oignons comme seul Kurzel en a le secret.
S'ensuit alors le reste de l'épopée du tragique MacBeth. Kurzel ne cesse de confirmer son obsession d'une mise en scène ample et grandiloquente, toujours en parfaite adéquation avec les enjeux shakespeariens. Sa réalisation se fait diaphane et fragile lorsque Lady MacBeth menace seule dans une église ou lorsqu'elle s'enfonce elle-même dans la folie. Kurzel s'attache à l'histoire mais avant toute chose à ses deux acteurs principaux : Michael Fassbender et Marion Cotillard. En MacBeth, Michael Fassbender trouve un rôle parfait, il n'interprète pas MacBeth, il se fond totalement dans le personnage. Né pour l'incarner, l'américain s'avère prodigieux, mémorable même. Le visage déformé par la rage et la folie, la voix tantôt hésitante tantôt emplie d'une colère dévastatrice, il porte le film sur ses épaules tout en formant un duo magnétique avec la française Marion Cotillard. Malgré les nombreuses réticences que l'on pourrait avoir vis-à-vis de celle-ci, Kurzel prouve qu'il est un excellent directeur d'acteurs et donne à Cotillard peut-être le plus grand rôle de sa vie. Face caméra, dans de longs monologues, Marion fait des merveilles. "To bed, to bed" clame-t-elle dans une séquence éblouissante où Lady MacBeth vacille définitivement. Comme Fassbender, elle est formidable.
Mais si MacBeth est aussi puissant, c'est aussi par la conjonction d'une mise en scène grandiose, d'une histoire impeccable, d'une musique entêtante et d'un casting remarquable. Kurzel, reprenant les tirades Shakespeariennes, baigne son long-métrage dans une atmosphère à la fois crépusculaire et mystérieuse où lentement le surnaturel envahi l'écran. Grâce à des costumes véritablement inspirés, le film n'accuse aucune faute de goût. On plonge tête la première dans des paysages écossais glaçants mais splendides et l'on suit avec une rare intensité cette adaptation radicale. Aucune action dans MacBeth, ou presque, mais de longs dialogues avec cette puissance déjà bien connue qui ravira les amateurs de beaux textes. Comment résister aux tirades shakesperienne dans la bouche d'un Fassbender littéralement possédé ? De même, les rôles secondaires sont interprétés par des acteurs souvent peu mis en avant mais tout aussi talentueux : Sean Harris, David Thewlis ou encore Paddy Considine font des merveilles. Jusqu'à cette scène finale juste sublime où MacBeth rencontre son destin. Kurzel brûle alors l'écran, teinte son film de pourpre et fait s'affronter MacDuff et MacBeth dans un face-à-face de légende où la fumée sanglante devient un brouillard surnaturel, où les armées deviennent des spectres et où les héros deviennent des mythes. Un final carrément éblouissant porté encore une fois par une musique non moins éblouissante signée Jed Kurzel.
MacBeth est un chef d'oeuvre. Celui de Shakespeare et celui de Kurzel.
D'une maîtrise absolue sur tous les plans, porté par des acteurs au sommet de leur art et accompagné par une grandiloquence théâtrale et picturale fascinante, le second long-métrage de l'australien Justin Kurzel confirme non seulement tout le bien que l'on pensait de celui-ci mais le promet également à un brillant avenir.
Simplement le meilleur film de l'année 2015 !
All hail, Macbeth, thou shalt be king hereafter!
Note : 10/10
Meilleure réplique :
I dare do all that may become a man,
Who dares do more is none.
Meilleure scène : L'affrontement finalSuivre l'actualité du site :
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Prix d'Interprétation Féminine Cannes 2015
Forte du succès de son Polisse, Maïwenn revient cette fois pour un drame amoureux plein de fougue et de passion. Présenté au Festival de Cannes 2015, Mon Roi compte sur la présence de deux excellents acteurs, à savoir Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot, pour suivre l'histoire d'amour déchirante de Georgio et Tony. Quelques années après leur rencontre en boîte de nuit, Tony est admise en centre de rééducation après avoir fait une chute à ski. C'est l'occasion pour elle de se souvenir des belles choses puis des disputes et des drames qu'ont traversé le couple. Du coup, Maïwenn se fait plaisir et livre un film bouillonnant qui prend aux tripes. Oubliez le collage bancal de Polisse, Mon Roi homogénéise son propos pour se concentrer sur l’essentiel...enfin presque.
Presque parce que Maïwenn reste Maïwenn. La réalisatrice française est toujours sa meilleure ennemie et ne peut s'empêcher d'immiscer un petit message très politiquement correct à base de mixité et de vivre ensemble qui n'a, en fait, rien à faire là. Peu importe que l'on soit réceptif ou non à ce message, Maïwenn l'intercale durant la rééducation de Tony, sans aucune véritable raison à part ajouter un surplus d'intellectualisation bon marché à son histoire. De toute façon, le seul véritable problème de Mon Roi se situe dans ce second axe, heureusement très discret, sur la rééducation de notre héroïne qui établit le parallèle entre sa remise en forme physique et psychologique. Maïwenn n'a pas les épaules pour une telle métaphore accouchant d'un propos lourd, surligné de façon maladroite et qui surtout, casse abusivement le rythme de LA grande histoire du film : celle de Tony et Georgio.
Sorti de ce reproche, Mon Roi a toutes les cartes en main pour marquer les esprits. Grâce à deux acteurs véritablement formidables, le long-métrage décolle immédiatement. Il dégage une énergie et une passion véritablement bluffantes où Maïwenn se sert de sa mise en scène efficace pour magnifier ses deux protagonistes. En capturant l'essence même d'une histoire d'amour fusionnelle, la réalisatrice offre un crescendo amoureux qui peut exploser à tout moment. L’inévitable decrescendo cueille d'ailleurs le spectateur avec habilité et transforme le récit en un déchirement sentimental encore plus vibrant qu'auparavant. Au milieu, Cassel et Bercot font des merveilles. Le premier incarne un charmeur certifié salaud, le genre de beau gosse séducteur qui devient vite une plaie. Cassel est génial, comme toujours, conjuguant avec un même bonheur l'assurance nécessaire au rôle et ce côté détestable qui lui sied si bien. Puis, il y a Emmanuelle Bercot. Dans la peau de Tony, elle livre une partition éblouissante, blessante presque par son intensité. L'actrice porte le film sur ses épaules, sert de moteur à l'intrigue, nous émeut à chaque crise de larmes ou pétage de plomb. Bref, vous l'aurez compris, elle est impériale. Un prix d'interprétation féminin largement mérité.
En fait, Mon Roi, c'est l'histoire banalement extraordinaire d'un couple de tous les jours. Seulement voilà, Maïwenn livre quelque chose de viscéral, s'insinuant par les plus petites blessures du quotidien pour en faire des plaies ouvertes. On vit avec les deux amoureux une histoire follement attirante avant de subir la désillusion. Avec une justesse épatante, Maïwenn montre les fantasmes amoureux puis les déchirements inévitables, elle montre l'égoïsme du couple et comment un enfant peut se retrouver au milieu. Mais surtout, elle montre l'emprise qu'une personne peut avoir sur une autre. Tony aime Georgio au point d'en devenir totalement aveugle. Elle nie la réalité jusqu'à ce que celle-ci la rattrape et que le charmeur d'hier devienne l'ordure d'aujourd'hui. Tout le cœur du film se trouve dans la guérison et le combat mené par Tony pour se débarrasser de l'amour voir de l'admiration béate qu'elle éprouve à l'égard de l'homme dont elle est tombé follement, complément amoureuse. Entre deux, Maïwenn capture d'intenses moments de beauté, comme lors de cette superbe séquence où le couple tient leur enfant nouveau-né dans un silence admiratif. Ou lorsque Tony retrouve les petits riens de l'homme qu'elle aimait à la toute fin, à la fois libérée et éternellement piégée.Sans forcément révolutionner le genre, Mon Roi nous offre un excellent moment de cinéma à peine gâché par une sous-intrigue inutile et prétentieuse. L'alchimie sauvage entre Cassel et Bercot, la débauche de sentiments amoureux du récit ainsi que l'intensité toujours plus forte dégagée par le film, voilà ce qui fait la force de Mon Roi. On ira le voir pour cela, pour la grandeur et la déchéance d'un couple passionné et passionnant.
Note : 8.5/10Meilleures scènes : La naissance - La scène finale - le repas avec Tony saoul.
Critique dédicacée à Solène pour son autre regard sur la scène finale
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Grand Prix Festival Cannes 2015
Prix FIPRESCI 2015Cette année à Cannes, la compétition a vu l'émergence d'un nouveau cinéaste en la personne du hongrois Laszlo Nemes. Enfin nouveau...l'homme a déjà gagné un certain nombre de distinctions pour ses court-métrages et a eu l'insigne honneur d'être l'assistant d'un certain Bela Tarr. Pour débuter sa carrière catégorie long-métrage, Laszlo Nemes a choisi un sujet archi-connu et déjà largement traité au cinéma par plusieurs grands réalisateurs : la Shoah. Steven Spielberg, Roman Polanski, Costa-Gavras... autant de noms prestigieux qui ont plongé dans l'enfer des camps et de l'ultime horreur humaine. Du coup, le challenge d'apporter un élément supplémentaire s'avère relevé pour le hongrois. Pourtant, Le Fils de Saul a été unanimement salué à Cannes jusqu'à se voir décerner le Grand Prix du festival. La raison ? Sa mise en scène radicale qui embrigade le spectateur aux côtés d'un Sonderkommando d'Auschwitz-Birkenau, Saul Ausländer (L'Étranger en français). Cela peut-il suffire à faire du premier long-métrage de Laszlo Nemes un grand moment de cinéma ?
La caméra fixe un champ vide. Tout est flou. Lentement, venant de l'horizon, des hommes approchent. L'un d'eux arrive en face de la caméra qui parvient enfin à nous le rendre parfaitement net. L'arrière-plan, lui, garde cet aspect flou énigmatique.
Autour de ce champ visuel déjà restreint, le cadre adopte le format 4:3, le même format resserré qu'un Mommy de Xavier Dolan. Sauf qu'ici le but n'est pas, du tout, le même.
Dans un prélude intense et sans concession, Laszlo Nemes nous jette dans l'horreur. Sa caméra se fixe sur Saul, le suit par derrière, tourne autour de lui. Il n'est pas question cette fois de capturer un large panorama des camps ou même de sentir l'immensité du carnage. En une dizaine de minutes, Le Fils de Saul étouffe. Il installe quasi-instantanément une sensation anxiogène rarement égalée ailleurs, tout cela grâce à la conjonction de la mise en scène mais aussi par l’austérité absolue de son cheminement. Là où Spielberg jouait la carte de l'émotion et où Polanski affrontait l'horreur de façon frontale, Nemes élude, floute mais va loin, très loin. La prodigieuse séquence d'introduction voit Saul accompagner un groupe de juifs aux fameuses douches. On entend les instructions, on sait ce qu'il va se passer puis Saul s'aligne avec les autres Sonderkommandos contre le mur. On entend les cris, les coups désespérés... un crescendo infernal qui vrille les oreilles.
Auschwitz-Birkenau, camp d'extermination nazi, 1944.
Pourtant, les choses ne s'arrêtent pas là. Le réalisateur hongrois filme en plans-séquence, poursuit Saul dans les galeries du complexe, dans la cour, sur les rives d'une rivière, dans le camp de fortune des Sonderkommandos, dans la salle de dissection. Toujours en plan serré, toujours à côté de Saul. On ne sort pas de ce que voit Saul, on respire avec lui, on suffoque avec lui, on tremble avec lui. Mais étrangement, on ne pleure pas avec Saul. Le Fils de Saul n'est pas un film tire-larmes comme peut l'être La Liste de Schindler. Il est rude, âpre, noir, intense. Dans le monde de Saul, tout est désespoir, violence et folie. Laszlo Nemes synthétise dans son métrage l'ensemble de ce que l'on sait des camps : les douches, les fours, les travaux forcés, les fosses communes, les kapos, l'humiliation, la déshumanisation. C'est d'ailleurs cette dernière caractéristique qui décrit le mieux le film. Le procédé de mise en scène employé, au-delà de ses impressionnantes qualités intrinsèques, déshumanise l'ensemble. On ne voit qu'à demi les corps sans vie traînés des douches vers les fours, on ne comprend pas tout à fait ce qu'il se passe autour de Saul. Des choses nous échappent...et d'autres nous sautent au visage. Jamais un réalisateur n'a aussi bien capturé ce qui faisait des camps l'ultime abomination créée par les hommes : celui de transformer l'humain en rien, en pièces détachées.
Laszlo Nemes filme avec une froideur clinique le désastre constant qui entoure Saul. Au milieu de cette folie, Saul assiste à l'assassinat d'un enfant. Pour une raison incertaine, il décide alors de l'enterrer et de lui rendre les derniers sacrements. L'attitude obsessionnelle qu'il adopte et qui va sous-tendre tout le film peut paraître absurde de prime abord. Puis, peu à peu, plus on vit la tête enfoncée dans l'horreur, mieux on arrive à comprendre Saul. Dans un monde dénué de tout sens, rendre la dignité à un enfant dénote d'une ultime trace d'humanité. Une sorte de poids, de vœu impossible qui, pourtant, apparaît comme la chose la plus noble qui soit en fin de compte. Dans cette quête forcément vouée à l'échec, Laszlo Nemes brasse un peu de tout, visite tout le catalogue de la Shoah. Sans jamais s'attarder plus que nécessaire, une fuite en avant devant l'abjection. Les plus forts sentiments se voient ainsi émoussés, voir oblitérés. Un simple effleurement de la main devient un rayon de soleil brûlant, insupportable. La lumière n'a plus sa place ici.
On la craint même. Comme lors du rassemblement aux fosses communes, quand les nazis n'ont plus les moyens ni le temps de faire tourner leur machinerie infernale. On exécute alors à la va-vite, on incinère au lance-flamme et le réalisateur hongrois livre alors une peinture hallucinante, terrifiante. Durant quelques instants, il capture l'enfer, le vrai. Un enfer en miniature où le sauvetage d'un homme, même par erreur, même pour une raison absurde, apparaît comme une bouffée d'air désespérée avant d'étouffer. Laszlo Nemes ne tente jamais de nous donner une quelconque empathie pour son "héros". Inutile puisque comme le montre son visage fermé, il est déjà mort. Le poète Geza Rohrig qui interprète Saul devient un Candide malheureux, dénué de tout espoir face à la folie. Seul son sourire à l'issue de ce cauchemar semble apporter une infime touche d'espoir. Avant les détonations. Laszlo Nemes refuse pourtant jusqu'au bout de montrer, il s'en tient à son schéma narratif, à son procédé de mise en scène. Rares sont les œuvres aussi jusqu'au-boutistes.
Véritable chef d'oeuvre de mise en scène, Le Fils de Saul reste un film rude et aride. Sans aucun compromis ou presque, le hongrois Laszlo Nemes ne s'attarde pas sur ce que l'on connaît déjà mais tente de le montrer à hauteur d'homme, nous faisant vivre l'enfer avec Saul. Au milieu de ce chemin de croix où la folie fait sens devant l'horreur, le long-métrage impressionne par sa réalisation et sa radicalité. Il s'agit bien d'un grand moment de cinéma mais éprouvant en diable. Forcément.
Note : 9/10
Meilleure scène : Les fosses communes - L'introduction
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