• [Critique] Patients

     Pour adapter son roman autobiographique, le chanteur Grand Corps Malade décide d'appliquer l'adage qui dit que l'on n'est jamais mieux servi que par soi-même. Tout de même épaulé par son ami Mehdi Idir - réalisateur des clips du chanteur -, le français Fabien Marsaud met en scène Patients, long-métrage à propos de sa rééducation suite à un accident dans une piscine qui lui a presque fait perdre totalement l'usage de ses jambes et qui l'a mené à mettre fin à sa pratique du basket. Pour se faire, il recrute un casting de jeunes acteurs et donne son propre rôle à Pablo Pauly qui va de ce fait porter tout le film (ou presque) sur ses épaules. Reste maintenant à savoir si Grand Corps Malade réussi son pari de passer derrière la caméra.

    On ne reviendra pas sur l'histoire puisqu'il s'agit en réalité de celle du chanteur avec des noms différents. Rappelons juste que l'on suit la difficile rééducation de Benjamin, un jeune qui doit tout réapprendre suite à un accident dans une piscine. Le but de Patients n'est cependant pas tant de dresser le portrait d'un homme que celui plus ambitieux, et certainement plus original, de décrire le milieu des soins de suites et réadaptation. Par le regard de Benjamin puis de ses amis, le spectateur découvre un univers médical un peu différent de la norme habituelle et certainement bien plus réel que les conceptions aseptisées que l'on peut trouver ailleurs. Grand Corps Malade évite deux des principaux pièges de ce genre d'entreprise : il conserve une certaine forme d'humour sans cependant effacer toute trace dramatique...et il reste sobre sans chercher à tirer à tout prix des larmes au spectateur.

    Alors que l'on ne s'y attendait pas du tout, Patients s'avère un film humble qui sait parler du handicap sans verser dans les excès de misérabilisme ou au contraire de bienveillance que l'on aurait pu craindre. Il ne rechigne pas à parler de la vérité du handicap avec les lavages évacuateurs, l'impossibilité de se nettoyer seul ou de manger seul, mais il le fait avec une sincérité omniprésente. Quand le long-métrage montre l'absurde du comportement de Jean-Marie, c'est pour mieux faire comprendre par la suite qu'il n'est pas vraiment méchant...il est juste comme ça. Du coup, on en rigole bien plus facilement. De même, les relations qui se nouent entre Benjamin et ses potes, tous issus de la banlieue, se révèlent nuancées et équilibrées évitant la plupart du temps de tomber dans la caricature maladroite. De ce fait, le long-métrage apparaît comme éminemment sincère, davantage encore qu'un Intouchables. 

    Sur le plan des défauts, il faut pointer la longueur certainement un peu excessive de Patients au regard de son sujet. En voulant uniquement traiter l'environnement de la rééducation, Marsaud a une excellente idée mais il ne peut éviter une certaine lassitude du spectateur. Certes, on peut aussi arguer que c'est aussi le but, faire ressentir la lenteur du processus de réhabilitation...Pourtant, on finit un tant soit peu par tourner en rond. Heureusement, le ton d'une grande justesse adopté par le métrage sauve le film du ratage, lui donnant au contraire un capital sympathie énorme. Il faut dire que Pablo Pauly assure dans le rôle de Benjamin et que le refus de faire de son récit un tire-larme facile aide à s'identifier au personnage.

    Enfin, il faut reconnaître le mérite de Grand Corps Malade qui propose une mise en scène sobre et efficace, ne tombant pas dans l'excès ou le tape à l’œil. Certains choix de musiques sont discutables (même si celles-ci s'incluent parfaitement dans le monde social décrit...) ainsi que certaines scènes finalement très clipesques, mais il faut saluer le recours au silence plutôt qu'à une musique pesante dans les scènes émouvantes. En ce sens, on peut vraiment dire que le jeune réalisateur réussi à raconter quelque chose de touchant sans tomber dans l'excès bien connu du cinéma français populaire habituel. Au fond, mis à part un sous-texte social un peu maladroit (le film n'a ni la place ni l'intelligence nécessaire pour s'intéresser véritablement au sujet), Patients parle avec brio du courage, de l'abnégation, de la persévérance et du regard de l'autre quand on est handicapé. Rien que pour cela, le métrage mérite que l'on s'y attarde.

     Petite surprise de ce début d'année 2017, Patients permet à Grand Corps Malade de parler avec sincérité de son histoire tout en évitant un pathos que l'on pensait inévitable. Drôle et touchant, le long-métrage n'a pas à rougir de la concurrence, au contraire. 
     

    Note : 7/10

    Meilleure scène :  Le premier jour en rééducation et l'arrivée de Jean-Marie.

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