• [Critique] Anomalisa

    [Critique] Anomalisa
    Grand prix du jury Mostra de Venise 2015
    Nommé meilleur film d'animation Golden Globes 2016
    Nommé meilleur film d'animation Oscars 2016
    Nommé meilleur film d'animation Annie Awards 2016

     Sensation de la dernière Mostra de Venise où le film a remporté rien de moins que le prestigieux grand prix du jury, Anomalisa est également un film d'animation unique en son genre. Réalisé par deux scénaristes, Duke Johnson et Charlie Kaufman (oscarisé à deux reprises pour son travail sur Dans la peau de John Malkovich et Eternal Sunshine of the Spotless Mind), le long-métrage a depuis été nommé dans les plus prestigieuses cérémonies et notamment aux Oscars de cette année dans la catégorie animation. Encensé par la critique, ce curieux objet filmique à la technique aussi intrigante que son scénario a de quoi susciter l’intérêt. 

    Qu'est-ce qui fait d'Anomalisa un film aussi étrange ? Le choix radical opéré par les deux réalisateurs, à savoir une histoire racontée en stop-motion avec des figurines mixée avec de l'animation 3D. Le résultat s'avère pour le moins saisissant. Le spectateur se retrouve face à un univers qui semble aussi irréel et inquiétant qu'humain et familier. Le décalage constant entre ces deux sentiments a quelque chose de perturbant mais intrigue dès les premières secondes. Pour parfaire le tout, Kaufman et Johnson choisissent de nous emmener dans une histoire en total accord avec le paradoxe visuel de leur métrage. Michael Stone est devenu un écrivain célèbre grâce à son livre Comment puis-je vous aider à les aider ? qui aide les services clients à devenir toujours plus performant. Invité pour un congrès dans un hôtel de Cincinnatti, il fait la connaissance de Lisa, une femme banale à première vue mais qui va profondément bouleverser la monotonie de Michael. Dit ainsi, Anomalisa ne semble avoir que son apparence visuelle pour se démarquer. Sauf que les tenants et aboutissants du film ainsi que les myriades de détails ajoutés par les deux réalisateurs transcendent totalement la portée de cette histoire d'amour à priori banale.

    Le monde d'Anomalisa est terne. Enfin non...le monde de Michael Stone est terne. Rongé par la mélancolie, le personnage principal de cette aventure voit tout en gris. Tous les bâtiments se ressemblent, les gens qui l'entourent sont d'une affreuse banalité et pire que tout, ils ont tendance à se ressembler. Pour pousser au plus loin ce sentiment de lassitude, les réalisateurs emploient plusieurs éléments géniaux. Le premier, c'est évidement l'apparence semi-mécanique du long-métrage qui donne souvent des allures de robots aux êtres de l'histoire. Le second, plus subtil, c'est l'emploi d'un même acteur pour doubler tous les personnages que rencontre Michael durant son périple. Le dernier, c'est cette constante ambiance de mélancolie qui berce le film et enserre profondément le cœur du spectateur. Dans sa première partie, Anomalisa a tendance à devenir un doux cauchemar moderne, ce banal cauchemar de l'homme d'aujourd'hui englué dans la monotonie de son existence. Michael apparaît comme un être triste, constamment insatisfait et nostalgique d'une époque qu'il a laissé filer entre ses doigts.

    Puis arrive Lisa. Ici, les procédés employés par Johnson et Kaufman prennent tout leur sens. Lisa se démarque immédiatement des autres personnages, puisqu'elle est la seule à posséder une voix différente. Aux oreilles du spectateur comme à celles de Michael. Leur subite histoire d'amour remet des couleurs dans le long-métrage et permet aux deux réalisateurs de raconter une passion dévorante et inattendue qui tranche avec la grisaille de l'existence d'un Michael Stone dont le monde a de plus en plus tendance à ressemble au Brazil de Terry Gilliam, bouffé par son travail et l'aspect bureaucratique du mystérieux hôtel où il réside. Il faut alors mentionner cette extraordinaire scène d'amour entre Michael et Lisa, certainement la chose la plus osée et la plus belle que l'on ait vue sur grand écran depuis des lustres. Anomalisa en devient un film encore plus humain que sa première partie ne l'avait laissé supposer. L'exploit est d'autant plus grand que l'on rappelle que l'on a à faire à des marionnettes, des êtres totalement fictifs. Mais si l'amour ne connaissait pas de barrière ?

    Pourtant, Anomalisa nous réserve encore d'autres surprises et les réalisateurs poussent jusqu'au bout cette réflexion autour de la misère humaine et plus particulièrement son aspect sentimental. Profondément dépressif dans le fond comme dans la forme, le long-métrage touche à une humanité insoupçonnée lorsqu’il finit par détruire la beauté qu'il a lui-même créée de toute pièce. Tout se dissout, les masques tombent littéralement et l'infinie lassitude de Michael face à sa vie monotone finit par tout submerger lors de quelques scènes absurdes mais terriblement efficaces. Reste un brin d'espoir, une lettre de Lisa, cette anomalie qui aura traversé la vie de Michael l'espace d'un instant. Le film de Kaufman et Johnson a quelque chose d'infiniment triste et de terriblement beau à la fois. Constamment tiraillé entre ces deux aspects contradictoires, Anomalisa laisse une marque profonde dans le cœur du spectateur. Au fond, nous sommes tous des Michael Stone piégés dans une existence monotone que l'on est incapable d'apprécier à sa juste valeur. C'est surement ça le plus grand exploit de ce long-métrage unique : celui de trouver l'humanité de l'être dans l'endroit le plus gris et le plus mécanique qui soit.

    Outre l'exploit technique que représente l'animation du métrage, Anomalisa s'avère un film brillant où Brazil rencontre Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Pour leur premier film ensemble, Charlie Kaufman et Duke Johnson nous offrent un OFNI d'une sensibilité et d'une sombre poésie époustouflante, possédé par une humanité totalement inattendue. 
    Laissez-vous tenter par l'expérience !

    Note : 9/10

    Meilleure scène : Michael Stone faisant l'amour avec Lisa

     

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