• [Critique] Preacher, tome 1

    [Critique] Preacher, tome 1

     Jeune prodige anglais dans le monde des comics dans les années 90, Garth Ennis a fréquenté comme nombre de ses collègues de l’époque 2000 A.D, un hebdomadaire de science-fiction britannique où Alan Moore, Brian Bolland ou encore Neil Gaiman ont officié. Il faut pourtant attendre 1991 pour qu’Ennis devienne scénariste d’une des séries les plus cultes du label Vertigo (la collection « adulte » de DC Comics) : Hellblazer. Durant 4 ans, l’anglais va appliquer sa recette maison à Constantine, rendant la série plus brutale et irrévérencieuse que jamais. C’est également à cette période que Garth Ennis rencontre un certain Steve Dillon, dessinateur génial s’il en est, qui va par la suite collaborer avec lui sur un tout nouveau projet pour Vertigo : Preacher.

    Preacher deviendra au fil des numéros l'une des séries les plus cultes de Vertigo, voyant la parution de 66 numéros jusqu’en 2000. Récompensé par pas moins de quatre prix Eisner, le bébé d’Ennis et Dillon s’attire les louanges de la presse spécialisée comme du public. Il faut attendre l’année 2016 pour que le comic book soit porté sur le petit écran par la chaîne américaine AMC dans un format similaire à celui de The Walking Dead. Avant de reparler de la série télévisée, il était tout naturel de se pencher sur le comics d’ailleurs récemment réédité dans une édition respectant le découpage VO par Urban Comics. On mentionnera ici que cette critique porte sur le premier tome de l’édition Urban, ou sur le premier tome de l’édition Panini et la moitié du second.

    De quoi parle donc ce fameux Preacher ?
    D’un pasteur du nom de Jesse Custer qui vit dans une petite ville au fin fond du Texas. Un beau jour, alors qu’il n’en peut plus de sa congrégation de rednecks débiles, Jesse est frappé par une entité échappée des geôles du Paradis : Génésis. En s’unissant à lui, Génésis lui donne un pouvoir inestimable : La Voix de Dieu. Du coup, tout ce que demande Jesse grâce à la Voix devient réalité. S’il vous dit de lui préparer un café, vous lui préparez un café sur le champ. S’il vous dit d’aller vous faire enculer par un taureau…espérons que vous avez de la crème hémorroïdaire sur vous, et de la bonne. Suite au cataclysme provoqué par cette rencontre, qui souffle son Eglise au passage et une grande partie des bouseux de la petite ville en question, Jesse est tiré des décombres par son ex-petite amie, Tulip O’Hare, et le déjanté Cassidy qu’elle a elle-même rencontré auparavant dans des circonstances discutables. Commence alors une quête pleine de bruits, de fureur, de violence, de sexe, de vulgarité et de vaseline, le tout saupoudré d’une histoire d’amour torride. Jesse a une idée : trouver ce connard de Dieu et lui demander de rendre des comptes sur sa façon douteuse de gérer ses enfants. Traduction : Dieu va avoir mal à l’anus.

    Ce premier (imposant) volume rassemble les douze premiers numéros de la série. On peut encore scinder ces douze numéros en deux arcs : Gone to Texas (#1-7) et Until the End of the World (#8-12). D’emblée, Preacher s’impose comme une série de comics irrévérencieux et bourrés de personnages vulgaires, brutaux et, pour tout dire absolument jouissifs. Ennis nous emmène dans le Texas, avec tous les stéréotypes que cela présuppose, et s’amuse comme un fou à décrire une humanité écœurante de médiocrité et de brutalité. Sauf qu’il ne s’agit pas véritablement d’une peinture dramatique ordinaire. Il s’agit avant tout d’un tour de piste à la Ennis avec un humour noir (parfois même très très noir) succulent qui mêle tour à tour tabassage en règle, vampire, scène de sexe hardcore, massacre au colt et autres évocations zoophiles. Preacher n’est pas vraiment là pour faire dans la dentelle et cela se voit dès son premier arc. Ennis nous montre le paradis comme on l’a rarement vu avec des anges un tantinet dépassés, un Dieu démissionnaire et puis surtout un pasteur qui en a un peu marre de toutes ces conneries de religion.

    Avant d’être un joyeux road-movie référencé, Preacher est un brûlot absolu à l’encontre de la religion chrétienne. Si vous êtes pratiquant, vous risquez de mourir rapidement d’étouffement à la lecture de Preacher. Il faut dire aussi que les « bons chrétiens » qui font partie de la congrégation de Jesse n’ont pas vraiment voler le vitriol balancé par Ennis. Pourtant, le britannique a l’intelligence de ne pas nier l’existence de Dieu mais d'en faire un véritable élément moteur de son intrigue, une entité toute-puissante à qui Jesse doit remonter les bretelles pour ses conneries. Rapidement, Ennis fait de Preacher un road-movie, déplaçant son action quasi-immédiatement ailleurs que dans le trou du cul du Texas. On s’ennuie donc difficilement dans cette tornade d’action, de fou-rire corrosif et de satire grinçante. Les personnage quand à eux s’avèrent instantanément à la hauteur.

    D’abord, Jesse, pasteur désabusé mais combatif au lourd passé (que l’on ne découvre que dans le second arc de l’album). Ensuite, Tulip O’Hare, ex-petite amie de Jesse, sacrée bout de femme qui ne s’en laisse pas conter facilement. Enfin, Cassidy, truculent vampire irlandais véritable monument d’humour douteux et dictionnaire de jurons sur pattes. Ce trio magique charme d’emblée, on s’attache comme pas possible à cette équipe de bras cassés aussi forte en gueule qu’en présence. C’est aussi la relation qu’entretienne ces trois-là qui donne à Preacher son charme fou. Si l’on attendra le second album pour approfondir le personnage de Cassidy, le deuxième arc du présent volume permet de revenir sur la relation Tulip-Jesse. En supplément de son hommage au western (même John Wayne est un personnage de Preacher !), Ennis est capable de nous décrire une histoire d’amour passionnée au milieu des trucs les plus dégoûtants du monde. Comme la maison des L’angelles. Entre T.C, enculeur de poules notoires et Jody, tueur fanatique de la vieille pourriture qui sert de mémé à Jesse, Garth nous explique comment est né l’amour entre Tulip et Jesse. Le résultat s’avère foutrement romantique. Qui l’eut cru ?

    C’est aussi la violence et l’absolue liberté de ton de Preacher qui surprennent le lecteur même encore à l'heure actuelle. On imagine d’ici la surprise des lecteurs de années 90 ! Preacher emploie un langage très cru, ne recule devant aucune blague de mauvais goût, trouve des tortures toujours plus repoussantes (le cercueil de Mémé en est un brillant exemple) mais surtout, Preacher tourne en ridicule la religion et pervertit la cellule familiale. L’œuvre remet Dieu à l’image de l’homme, s’en moque, lui tire dans les pattes et finit par lui retirer son aura (cf la discussion entre Tulip et Dieu dans le numéro 11 et 12). Garth Ennis a une façon bien à lui de réfléchir sur le dogme et le sens des responsabilités. Ajoutez à cela un goût prononcé pour le western à l’ancienne et quelques personnages qu’on n’aurait jamais imaginé un jour en comics (Tête de Fion et le Saint des Tueurs pour ne pas les nommer) et vous obtenez un premier album culte dans tous les sens du terme.

    Preacher convainc d’emblée. Méchant, joyeusement foutraque, irrévérencieux, drôle, noir… Preacher, c'est aussi jouissif que de voir Justin Bieber se faire attaquer par un ragondin dopé au viagra, le tout sans capote et a cappella. Un trio d’enfer a pris la route et l’on espère que vous êtes bien accrochés à votre siège, parce que ça va faire mal.

    Note : 9.5/10

    CITRIQ

    Disponibles également aux Editions Panini :

    [Critique] Preacher, tome 1

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