• [Critique] Quand vient la nuit

    [Critique] Quand vient la nuit

    Doit-on encore s'étonner de la déplorable traduction française des films paraissant dans les salles de cinéma de l'Hexagone ? A voir celle de The Drop, le second film de Michael R. Roskam, il reste tout à fait permis de se demander comment le métrage peut avoir reçu ce titre affligeant de Quand vient la nuit. Certainement pour faire plus conventionnel auprès du spectateur lambda. Mais bon, après tout, le texte de Denis Lehane, qui a inspiré le film sus-cité, était lui aussi tout autre, à savoir Animal Rescue. Que l'on se rassure cependant, cela n'impacte en rien la qualité du nouveau bébé de Roskam, réalisateur belge révélé en 2011 par le formidable Bullhead, qui en profitait également pour mettre un certain Matthias Schoenaerts sur le devant de la scène. Pour l'occasion, le belge passe sous l'égide de la Fox, lui donnant l'opportunité d'engager des acteurs aussi brillants que Tom Hardy, James Gandolfini ou Noomi Rapace. Film noir pur jus, Quand vient la nuit achève de convaincre du talent de Michael Roskam.

    Bob Saginowski tient le bar de son cousin, Marv. Tous deux, ils gèrent également occasionnellement une opération de blanchissement d'argent sale pour le compte de criminels tchétchènes. En fait, certaines nuits, le bar de cousin Marv devient un Drop Bar où transite l'argent de la pègre. Seulement voilà, c'est exactement le genre de choses qui attirent les braquages. Spoliés, ils doivent faire face à la colère de leurs associés. C'est en cherchant un moyen de surmonter cette affaire que Bob tombe, par hasard, sur un chiot abandonné dans une poubelle et qu'il fait la connaissance de Nadia. Maladroit et effacé, le barman va avoir bien du mal à gérer ces nouveaux arrivants dans sa vie déjà bien assez compliquée.

    Film lent, Quand vient la nuit évite toute esbroufe ou grande scène d'action qui parsèment les polars lambda produits ces derniers temps par Hollywood. Roskam aborde au contraire son histoire de façon méticuleuse et plante sa galerie de personnages avec un talent consommé. Le métrage ne cherche pas à cacher qu'au-delà de cet imbroglio de braquages, il mise tout sur ses (anti-)héros et son atmosphère. Pour les premiers, on reconnaît instantanément la patte "Roskam" avec des portraits tout en nuances qui recèlent une grande part d'ombre mais aussi une banalité parfois très comique. On pense aux wallons de Bullhead lorsque Bob et Marv emballent un bras jeté dans un sac devant leur bar. Le réalisateur cherche à rendre crédible ses personnages et pour se faire, il évite tous les clichés, une chose assez rare ces derniers temps. Pas de super-gangster ou de tueurs surdoués dans Quand vient la nuit, mais de simples malfrats qui ont tout voulu mais se sont fait dépasser par la dure réalité. C'est la grande force du métrage, ne jamais chercher à impressionner mais à coller au plus près du réel pour nous imprégner de son univers au final très noir.


    Il faut d'ailleurs bien le dire, ce que fait Roskam avec son film, c'est une sorte de retour aux sources. Quand vient la nuit ne renie jamais son statut de film noir à l'ancienne, lent et implacable, où la froideur des situations contraste avec quelques intrigues bien senties. Le réalisateur belge manie toujours aussi bien sa caméra et ressert une grande partie de son action au cœur d'un bar traditionnel de New-York. Malgré les nombreux autres endroits traversés par le film, le spectateur ressent une impression d'intimité étonnante, d'autant plus étonnante par ce qu'on a tenté de vendre au travers du pitch et de la bande-annonce. Mais Roskam sait y faire pour surprendre son monde et ne pas s'aligner sur les canons Hollywoodiens. Evidemment, on peut ajouter que la qualité du film doit beaucoup au scénario de Lehane (le même qui nous a offert Mystic River ou Gone Baby Gone, deux autres poids lourds du genre)... et dans un sens c'est totalement vrai tant le suspense et la maestria dans le renversement des intrigues apparaissent comme les deux plus gros atouts du métrage. Il ne faut pourtant pas oublier l'excellente mise en scène de Roskam ni sa façon de magnifier ses personnages.

    Ceux-ci sont aussi délicieux qu'inattendus et réservent, chacun à leur façon, leur lot de surprises. Si Matthias Schoenarts est ici bien plus discret que dans Bullhead, Quand vient la nuit déroule le tapis rouge à un acteur extraordinaire (ceux qui ont vu Bronson le comprendront d'autant plus) : Tom Hardy. Loin des muscles de Bane, l'anglais délaisse son accent british pour jouer un brave type discret auquel on s'attache et l'on s'identifie immédiatement. Encore une fois, il s'avère bluffant, aussi à l'aise dans la violence que dans un registre un tantinet plus comique et empoté. On n'oublie pas non plus la superbe et talentueuse Noomi Rapace et surtout, le dernier rôle d'un acteur hors norme : James Gandolfini. Même s'il ne décroche pas le rôle principal, l'américain reste tout à fait épatant dans son costume de vieux gangster frustré. Impossible parfois de ne pas penser qu'il s'agit là d'un Tony Soprano raté. Les fans de la série HBO apprécieront. La somme des talents de ce casting quatre étoiles achève définitivement de convaincre même les plus réticents au genre.

    Quand vient la nuit déjoue à peu près tous les écueils du polar à l'Hollywoodienne et condense le meilleur du film noir à l'ancienne. Casting impeccable, mise en scène délicieuse et atmosphère réussie, le second film de Michael Roskam  confirme tout le bien que l'on pensait déjà du réalisateur belge. En y rajoutant le talent d'un certain Denis Lehane, vous obtenez un sacré bon moment de cinéma.

    Note : 9/10

    Meilleure scène : La dernière tentative de braquage



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