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[Critique TV] Penny Dreadful, Saison 1
En 2013, le prolifique John Logan (scénariste d'Aviator, Skyfall, Noé...) annonce avoir signé avec la chaîne câblée Showtime pour une série fantastico-horrifique prenant place en Angleterre. Intitulée Penny Dreadful (d'après les revues de l'époque victorienne qui coûtaient un penny et racontaient des histoires d'horreur), la première saison compte 8 épisodes d'une heure environ chacun. Les deux premiers segments sont en outre réalisés par l'espagnol J.A Bayona (L'Orphelinat, The Impossible). Diffusé à partir de 2014, Penny Dreadful rencontre un certain succès amenant la chaîne à renouveler l'aventure pour une seconde saison. Il faut dire que le casting alléchant composé de Josh Hartnett, Eva Green, Timothy Dalton ou Rory Kinnear a de quoi attirer le regard des curieux. Penny Dreadful doit relever cependant un défi de taille : celui de faire vivre des personnalités littéraires sur le petit écran. Un pari réussi ?
En réalité, Penny Dreadful renvoie immédiatement les connaisseurs à une autre oeuvre colossale : La ligue des gentlemans extraordinaires, d'un certain Alan Moore. Il semble même qu'à un certain niveau, John Logan a tenté d'effacer des mémoires la déplorable adaptation cinéma de celle-ci. Une initiative qu'on ne peut que saluer tant le film était une insulte en soi. Pourquoi cette comparaison ? Parce que Penny Dreadful replace des personnages issus de diverses œuvres littéraires dans un même univers. Nous sommes à Londres en 1891. Les rues ne sont plus sûres depuis qu'une série de meurtres particulièrement atroces ont eu lieu. Pour y mettre fin, Sir Malcolm, un aristocrate, demande l'aide d'un américain fraîchement débarqué dans le pays, un certain Ethan Chandler. Pour s'assurer de son soutien, il envoie Vanessa Ives, une jeune femme aussi belle que mystérieuse. Leur chemin croisera celui d'un certain Dr Frankestein qui s'entête à vouloir fabriquer un être humain. Seulement voilà, pour retrouver la fille de Sir Malcolm, Mina Harker, ils vont devoir affronter un monde terrifiant où les monstres sont légion.
Convoquant allègrement Bram Stocker (Dracula) ou Mary Shelley (Frankestein), Penny Dreadful fait aussi des choix plus curieux, à commencer par le personnage de Dorian Gray. Incarné à l'écran par le très androgyne Reeve Carney, il s'agit du personnage le plus énigmatique de cette première saison, mais également le plus inutile. C'est bien simple, si l'on enlève toutes ses scènes (ou presque), il n'y a aucune différence. Difficile de comprendre la véritable utilité de Gray dans la première saison, hormis pour faire du remplissage. En effet, cette première saison souffre d'un handicap de taille : sa longueur. Alors même que la série adopte un format court de 8 épisodes, le spectateur a tendance à gentiment s'ennuyer lors de la première partie. Normal ? Peut-être. John Logan installe son univers et ses personnages avec une lenteur assumée. Il nous présente les individus avec une précision d'horloger et se paye le luxe de faire revivre la légende Timothy Dalton à travers le superbe personnage de Sir Malcolm. Les quatre premiers épisodes s'avèrent en effet des épisodes de mise en place de l'intrigue.
On y découvre un univers fantastique avec des vampires et des démons, ainsi qu'un Londres à l'heure victorienne des plus délicieux. L'ambiance sombre et mystérieuse de Penny Dreadful marche très bien à l'écran. Et c'est heureux car il faut bien cela pour tenir face à la lenteur du scénario. Cependant, dès le premier épisode, on comprend que la série va marcher comme une montagne russe. Il faut voir le Dr Frankestein et sa créature découvrir le monde pour appréhender le potentiel de la chose dans le premier épisode (un potentiel gâché par la suite d'ailleurs avec l'arrivée de Clare qui deviendra bien moins intéressant...). En fait, entre l'arc scénaristique consacré à Frankestein et celui de Dorian Gray, Penny Dreadful est sauvé in extremis. Parce qu'au milieu, il y a l'histoire du trio Malcolm-Ives-Chandler. C'est là que se situe le cœur de l'histoire et la véritable force du récit.
Dans cette espèce de suite à Dracula, John Logan imagine la rencontre entre trois superbes personnages. Si l'on ne reviendra pas sur celui de Sir Malcolm, on pourra dire quelques mots sur les deux autres. Respectivement interprétés par Eva Green et Josh Hartnett, Vanessa Ives et Ethan Chandler sont la véritable attraction de cette première saison. Hartnett fait un retour remarqué à côté de Dalton, tout à fait à l'aise dans le rôle de l'américain renfermé Chandler. Mais s'il ne faut retenir qu'une personne de Penny Dreadful, c'est définitivement Eva Green. Au 5ème épisode, John Logan renverse la table et fait quelque chose de terriblement audacieux. Il consacre un épisode entier à un flash-back, en délaissant tous ses personnages à l'exception de Vannesa Ives. C'est à ce moment que Penny Dreadful abat son jeu. Ce splendide épisode d'une heure fait taire toutes les réserves que l'on pouvait avoir jusque là et démontre le potentiel émotionnel de la série, en même temps qu'il lève le voile sur sa véritable dimension horrifique.
De là naît véritablement un personnage, celui de Vannessa Ives. Penny Dreadful devient le show personnel d'Eva Green, qui explose littéralement de talent. La voir grogner ou s'exprimer dans une langue gutturale aurait du être une expérience comique mais elle s'investit tellement dans le rôle que le résultat final est bluffant. Son personnage, passionnant de bout en bout, devient le seul intérêt du show dans la seconde partie. Tant et si bien qu'un second épisode lui est consacré par la suite. C'est le moment où Eva Green "steals the show" comme diraient nos amis anglais. Sa prestation ébouriffante qui convoque autant L'Exorciste que les textes bibliques laisse simplement pantois. On comprend alors que Penny Dreadful marche par ces moments d'épiphanie intenses, qui nous secouent l'échine durablement. Entre deux, l'intrigue décolle un tant soit peu et s'achemine vers une conclusion certainement un peu trop rapide (il manque un authentique adversaire à l'équipe). Mais ces errements sont véritablement occultés par l'histoire de Vanessa et le talent diabolique d'une Eva Green possédée. L'habilité de John Logan pour en faire un personnage flamboyant et la marier avec l'histoire de Sir Malcolm ainsi que d'Ethan Chandler finit par forcer le respect. Il semble vraiment que la lenteur de la première partie de saison soit une énorme (et nécessaire) mise en place.
Si Penny Dreadful commence de façon assez bancale, elle se termine en feu d'artifice. Ne serait-ce que pour deux des épisodes de la seconde partie, l'amateur de fantastique devra se pencher sur cette première saison. Emmenée par un casting irréprochable et une Eva Green trouvant peut-être là le rôle de sa vie, l'oeuvre de John Logan a un potentiel fou dont on espère énormément pour la seconde saison.
En attendant, armez-vous pour parcourir les rues de Londres...Note : 8/10
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Tags : Penny Dreadful, Fantastique, John Logan, J.A. Bayona, Timothy Dalton, Eva Green, Josh Hartnett, Harry Treadaway, Rory Kinnear, Reeve Carney, Showtime
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