• [Critique TV] The Leftovers, saison 1

    [Critique] The Leftovers, saison 1

    Créée en 2014, The Leftovers est une des dernières séries estampillées HBO. Depuis l'avènement de Netflix et, plus récemment, Amazon, dans le monde de la télévision, il semble que la chaîne câblée américaine ait perdu de son aura. Même si son Game of Thrones continue à battre des records, cela fait quelques années qu'une autre production n'a pas soulevé un enthousiasme comparable. Cette année pourtant, la deuxième saison de The Leftovers a connu un succès critique des plus impressionnants, si bien qu'on a fini par en parler un peu partout. En s'y intéressant de plus près, on remarque tout de suite un certain nombre d'éléments qui ont de quoi effrayer voire même repousser de prime abord. 
    Tout d'abord, The Leftovers est une série signée Damon Lindelof, le même Lindelof qui avait dirigé la fameuse série Lost. Pire encore, le bonhomme fut un des grands coupables du naufrage Prometheus avec un scénario incohérent et désolant. Pourquoi diable alors la plus prestigieuse des chaînes câblées américaines l'a-t-elle engagé ? Peut-être parce que, jusqu'ici, Lindelof faisait montre d'une créativité débordante mais bordélique. Comme submergé par ses propres idées, le scénariste buvait la tasse tout seul. Sauf que The Leftovers est également la création de Tom Perrotta, un excellent écrivain américain, et que la série n'est en réalité dans sa première saison qu'une adaptation de son livre Les Disparus de Mapleton. On peut donc espérer que Perrotta soit parvenu à canaliser Lindelof et à lui fournir un cadre assez solide pour bâtir une oeuvre (enfin) mature. Reste alors le postulat de départ.

    Le 14 Octobre, 2% de la population mondiale a tout simplement... disparu ! Sans aucune explication ni signe annonciateur. L'histoire de The Leftovers prend place trois ans plus tard dans une petite ville proche de New-York, Mapleton, où les habitants tentent tant bien que mal de continuer leurs existences. Et comme tous les ans, tous s'apprêtent à célébrer la date commémorative de la disparition. Du moins, pas tous. Une secte qui se fait appeler les Guilty Remnants, n'a aucune intention de laisser se produire l’événement. Ce sera au chef de la police locale, Kévin Garvey, d'assurer un semblant d'ordre. La grande appréhension lorsque l'on prend connaissance de ce postulat, c'est qu'il semble être familier. On pense (un peu) à la série française Les Revenants, et (beaucoup) au navet américain Les 4400. The Leftovers serait-elle, encore, une histoire consacrée à la réapparition mystérieuse de personnes disparues ? Ou, pire, une enquête sans fin pleine de rebondissements sur les raisons de cette disparition ?
    En fait, il n'en est rien. Lindelof et Perrotta prennent un pari casse-gueule et d'une grande audace avec cette première saison : celle de ne jamais aller fouiller du côté des disparus mais de se concentrer uniquement et totalement sur ceux qui sont restés en arrière. 

    C'est bien là l'idée géniale de The Leftovers. Durant les dix épisodes qui constituent la première saison, jamais les scénaristes ne vont venir s’embarrasser d'une enquête autour des disparus. Si vous pensiez découvrir une série où vous aurez toutes les réponses, vous pouvez d'ores et déjà passer votre chemin. Mais attention, The Leftovers n'est pas Lost. Si la seconde n'avait simplement aucune idée d'où elle allait, la première est réglée avec une minutie qui force le respect. En explosant les barrières de genres et en infiltrant de bonnes doses de SF et de fantastique dans la série, Lindelof parvient cette fois à diriger proprement ses idées. En fait, The Leftovers est cette oeuvre que l'on espérait depuis longtemps pour le scénariste américain, celle de la maturité. Faisant fi des rebondissements abusifs et des cliffhangers faciles, la série se resserre sur ses personnages et, notamment, autour de la famille Garvey. Une des principales originalités de The Leftovers, c'est de faire pénétrer le spectateur dans un monde où l'on arrive après la bataille. Il faut égrener les épisodes pour comprendre petit à petit les raisons de chacun. Du prêtre au gourou de la secte locale, en passant évidemment par le chef de la police. De ce fait, en plongeant tête la première dans une thématique difficile, celle du deuil, la série fait des merveilles comme on en avait pas vues depuis Six Feet Under !

    Parce que, ne tournons pas autour du pot, cette première saison de The Leftovers est d'une incommensurable tristesse. Ce qui ne veut pas dire que la série tourne au mélodrame appuyé et rasoir, non, pas du tout. Avec une écriture d'une subtilité prodigieuse, Lindelof et Perrotta ménagent leurs effets et laissent s'écouler une petite mélodie triste, aussi triste que les quelques notes de Max Richter qui brisent le cœur du spectateur en quelques secondes. Chaque personnage à l'écran, du plus incompréhensible au plus rationnel, chacun va avoir son heure de gloire et exposer son chagrin de façon digne. Les dix épisodes de The Leftovers s'intéressent à ceux qui restent, à la peine du survivant. En cela, elle aborde un thème universel qui va bien plus loin que le postulat de départ. Cela pourrait être les conséquences d'une guerre ou d'un séisme, mais c'est bien un événement indéterminé et fantasque qui cause la disparition de masse. Du coup, la peine ressentie et les émotions qui en jaillissent paraissent encore plus authentiques. Aussi cruelle que la mort aléatoire d'un être cher en somme. C'est le questionnement sur la perte et, surtout, sur comment la vivre, qui donne à The Leftovers sa phénoménale capacité à émouvoir.

    Alternant les moments improbables et mixant à parts égales les mystères (les chiens pourchassés, la secte des Guilty Remnants, la possible folie de Kévin, les pouvoirs de Wayne...), The Leftovers joue constamment sur la corde raide. Là où Lost a fini par rapidement perdre à ce petit jeu, The Leftovers remporte la mise. Les éléments surnaturels et/ou inexpliqués viennent rajouter du suspense et jouent le rôle de catalyseur pour les personnages. Si l'on n'a pas toutes les réponses dans cette première saison, ce n'est jamais un frein ni un inconvénient, tant cette fois les artifices du scénario sont au service de la dramaturgie. A l'image d'un Penny Dreadful, The Leftovers joue la carte des loners - c'est-à-dire un épisode entier consacré à un unique personnage - avant de revenir sur le chassé-croisé des différents personnages, Kevin Garvey en tête. Et comme pour la série de Showtime, les loners s'avèrent sublimes. On pense à l'épisode 3 Two boats and a Helicopter, mettant en avant le personnage du révérend Matt Jamison, incarné par le génial mais trop rare Christopher Eccleston. On pense aussi à l'épisode 6 Guest, où Lindelof nous fait redécouvrir totalement le personnage de Nora Durst, joué par la formidable Carrie Coon. Ces deux épisodes montrent la capacité de la série à adopter un caractère feuilletonesque sans pour autant renier son côté romanesque et ample. Au lieu de devenir des trésors écrasants en regard du reste - comme pour les loners de Penny Dreadful -, ils magnifient et décuplent le reste de la saison. Le résultat, forcément, est tout simplement génial.

    Seulement, The Leftovers ne serait rien sans sa galerie d'acteurs. A commencer par son rôle principal, Justin Theroux, qui compose un Kevin Garvey tout en nuances, à la fois play-boy en uniforme et père de famille brisé et imparfait. A l'instar de tous les personnages qui traversent The Leftovers, Kévin incarne la fragilité de l'homme, la tristesse de celui qui voit tout s'écrouler et qui perd ses proches sans jamais être capable de retrouver le contrôle de la situation. On citera également un des rôles les plus éminemment difficiles de la série, celui de la gourou des Guilty Remnants, Ann Dowd. Si son personnage arrive à être constamment détestable, c'est grâce au jeu impeccable de l'actrice qui explose littéralement dans l'épisode 8 Cairo. Il faut d'ailleurs saluer la description de la secte des Guilty Remnants à cette occasion. Elle est l'exemple même que Lindelof peut utiliser son hermétisme à des fins salutaires. Comme nombre de sectes, et celle-ci davantage encore, on ne comprend jamais les raisons de leurs actes incroyables et quasiment honteux. Même lorsque Patty s'échine à expliquer sa vision des choses à Garvey. Car le but, finalement, n'est pas de comprendre, mais bien de montrer que selon les différents points de vues, certaines positions ne seront jamais totalement explicables. En ce sens, Lindelof était l'homme idéal pour porter les Guilty Remnants à l'écran.

    Que reprocher à cette première saison ? Trop de mystères parfois ? Possible. A coup sûr en tout cas de ne pas avoir réussi à exploiter l'arc de Tom Garvey, qui semble bien pâle en comparaison des autres et qui finit par ennuyer par rapport à la grandiose réussite du reste. Même le destin de Wayne, personnage le plus improbable de la série, finit par devenir captivant et émouvant. Mais ce reproche peut-il vraiment venir ternir la première saison de The Leftovers ? Non, définitivement pas. Parce que la série se conclut par deux épisodes encore plus formidables que ce que l'on pouvait espérer. L'épisode 9, The Garveys at Their Best, revient sur l'avant-disparition avec une justesse d'écriture époustouflante et une séquence finale à donner des frissons qui arrive, enfin, à expliquer le personnage de Laurie et son devenir. Et puis la conclusion, avec un épisode 10, The Prodigal Son Returns, qui fait des choix radicaux en abandonnant quasi-totalement Mapleton durant la moitié du temps, pour venir nous jeter à la figure les événements qui s'y sont déroulés en conclusion. Une conclusion superbe, encore plus émouvante que la séquence terrible de Kévin s'effondrant en larmes devant Matt. Si la série s'achève sur le monologue de Nora Durst, c'est aussi pour en finir avec les larmes de ceux qui ont tout perdu, pour montrer, comme un ultime pied de nez, que l'espoir peut surgir de la façon la plus improbable qui soit. 

    Si vous avez peur de subir la même déconvenue qu'avec Lost, soyez tranquilles, en soi, la première saison de The Leftovers peut se voir de façon isolée, sans aucune nécessité de poursuivre. Cette brillante histoire de disparus, de deuil, de foi, d'espoir, d’ésotérisme, de folie et d'humanité servie par une galerie de personnages superbes, c'est la conjugaison de deux talents, ceux de Tom Perrotta et de Damon Lindelof. The Leftovers constitue l'une des découvertes les plus marquantes dans l'histoire télévisuelle, une découverte pleine d'audace, de justesse et d'émotions, où quelques notes de Max Richter suffisent à nous tirer des larmes. 
    Nul doute que la saison 2 aura fort à faire pour reprendre dignement le flambeau.  
     

    Note : 9/10

    Meilleur(s) épisode(s) : The Garveys at Their Best et The Prodigal Son Returns



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  • Commentaires

    1
    Lo
    Dimanche 29 Mars 2020 à 18:47
    Cette série est encore pire que got .Une merde sans nom .
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