• [Critique] Juste la fin du monde

    Grand Prix Cannes 2016
    Meilleur réalisateur pour Xavier Dolan Césars 2017
    Meilleur acteur Gaspard Ulliel Césars 2017

    Enfant chéri de la critique cannoise, le canadien Xavier Dolan a encore frappé cette année sur la Croisette. Après le prix du Jury pour son merveilleux Mommy en 2014, il remporte cette fois le Grand Prix pour Juste la fin du monde. Dans un palmarès très contesté, le jeune cinéaste n’a pourtant pas été épargné par la critique. Premier film avec un casting français de prestige, Juste la fin du monde joue la carte de l’adaptation de la pièce de théâtre, en l’occurrence ici celle de Jean-Luc Lagarce. Clivant largement le public lors de sa diffusion, le métrage a-t-il vraiment mérité sa récompense ou Cannes a-t-il encore commis un délit de copinage de plus ?

    Sur un thème relativement simple – mais très dur à traiter -, celui de l’annonce d’une mort prochaine, Juste la fin du monde s’enferme dans la maison familiale où tous les drames du passé sont restés piéger dans l’ambre, où les rancœurs sont encore chaudes et où les esprits un brin revanchards. Car Louis, personnage central de l’intrigue, revient après 12 ans passés à l’étranger et après avoir littéralement abandonné sa sœur, son frère et sa mère. On devine très vite que Louis vient dire une chose terrible à cette famille qu’il regrette mais qu’il ne sait absolument pas comment leur parler.

    « J’ai peur d’eux » répète Louis durant ce huit-clos familial. Et l’on comprend rapidement pourquoi. On pénètre dans une sorte de cocotte-minute, où les émotions sont prêtes à péter, où l’on sent constamment la tension qui monte. Le style Dolan est toujours présent, le réalisateur choisissant de nouvelles expérimentations – encore plus radicales – en filmant presque constamment en plans serrés ou en gros plans ses personnages. On est donc capturés par les émotions ainsi qu’asphyxiés dans le même temps. Ce choix artistique s’avère vite à double tranchant. En enfermant son intrigue dans un lieu unique, le canadien redouble l’effet claustrophobe de son film en le conjuguant avec son choix de mise en scène. Le problème majeur qui se pose, et c’est une première pour un film de Xavier Dolan, c’est que le métrage tombe dans l’hystérie la plus totale ainsi que dans la logorrhée chronique de ses personnages.

    Forcément, avec tant de ressentiment contre Louis, on sait dès le départ que les choses avec Antoine, son frère irascible, Suzanne, sa sœur perdue et Martine, la mère excentrique style Diane de Mommy, vont être compliquées et explosives. C’est ici que Juste la fin du monde perd son public. Les acteurs passent leur temps à crier, à s’engueuler, à s’emballer. Les longs tunnels de dialogues en tête-à-tête (le film fonctionne par confrontation entre Louis et un autre membre de la famille présente) se révèlent douloureux au possible. La palme revenant à l’entretien entre Louis et Suzanne, juste exécrable et inutile. Le film fatigue par ce mécanisme d’hystérie perpétuelle. Le spectateur se sent écrasé par les disputes et les cris, d’autant plus que tout se filme en gros plan. On est piégés et, franchement, c’est très désagréable à la longue.

    On n’arrive en réalité bien vite à comprendre ce qu’a voulu tenter Xavier Dolan. Dresser le portrait douloureux d’un homme confronté à ses erreurs passées, à ses manques. Gaspard Ulliel, magnifique, erre de pièce en pièce chassant les vieux fantômes de sa mémoire. Dans ces instants de flash-backs stylisés, Dolan redevient égal à lui-même, c’est clinquant mais c’est outrageusement beau. Sauf que cela ne se produit que par fugaces instants mélancoliques. On regrette amèrement que le cinéaste se prenne les pieds dans le tapis tant on sent le potentiel d’émotion derrière. Un potentiel palpable lors de l’entrevue entre Nathalie Baye, la mère, et Ulliel dans un cabanon. Dolan excelle à filmer avec sincérité la relation mère-fils, cette fois encore. Ou surtout dans ce crescendo final où Cassel brille d’un coup dans cette colère foudroyante mais…qui arrive comme un cheveu sur la soupe. Il manque la narration logique et charmeuse d’un Mommy. Il manque même l’extravagante musique des précédents films avec des morceaux qui sonnent faux ! Une première ! Une chanson de Moby très mal placée, une autre de Blink 182 qui n’a rien à faire là…bref, que se passe-t-il à l’école Dolan ?

    Il avait pourtant bien des cartes en mains pour briller. A commencer par un casting de stars-égéries qui font tout ce qu’elles peuvent pour être à la hauteur. Cassel est excellent, Ulliel aussi, Nathalie Baye se Dolanise de la meilleure des façons possibles, Léa Seydoux n’est pas insupportable…Et Marion Cotillard interprète le rôle le plus intéressant et le plus nuancé du métrage. C’est son personnage qui aurait mérité plus d’approfondissement encore, surtout qu’il est à la fois extérieur et intérieur à la cellule familial. Mais non, Xavier Dolan, patauge, ne retrouve que quelques éclats de sa grandeur bien connue et ne peut sublimer son sujet comme il sait pourtant si bien le faire…

    Juste la fin du monde est le premier échec de la carrière du jeune Xavier Dolan. On voudrait aimer ce film plein d’émotions brutes, on voudrait vraiment mais c’est trop. Trop hystérique, trop asphyxiant, trop mal raconté,trop mal dosé…Le réalisateur passe à côté de son sujet. Du coup, on se demande avec un tel Grand Prix ce que nous réserve la Palme d’Or

    Note : 4/10

    Meilleure scène : Louis et Antoine plus jeunes en train de jouer - Louis et Martine dans le cabanon - La colère d'Antoine

    Meilleure réplique : "J'ai peur d'eux"

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  • Commentaires

    1
    Lundi 3 Octobre 2016 à 13:49

    Le livre de Gaudé, une petite chose qui laisse indifférent, considéré comme un chef-d'oeuvre. Hum, il doit y avoir eu grossière erreur.

    Non sens sur le film de Xavier Dolan, le bloggeur est visiblement passé complètement à côté (à savoir: parvenir à faire des longs monologues des moments de cinéma; filmer en gros plans sert à montrer comment une parole envahi tout l'espace et écrase l'interlocuteur, à qui toute présence est niée; capacité à faire fonctionner l'ensemble malgré la présence de 5 stars à égo; et sur le fond, bien sûr, le huis clos familial et tout ce qu'il a de vain, parfaitement réussi).

    Fin de partie. Enfin; suppression du fil RSS de ce blog, rien de grave. Juste qu'il est manifeste que le bloggeur est trop loin de notre sensibilité (pour ne pas dire complètement à côté de la plaque).

    2
    Samedi 8 Octobre 2016 à 13:09

    Nous dirons cela cher lecteur.
    Gaudé est un écrivain mineur, tout critique digne de ce nom le sait.
    Et Dolan ne fait que des chef d'oeuvre.

    Merci de nous avoir éclairé de vos lumières et euh...bonne suppression !

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