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    "Anarchie", cela signifie "sans chef", pas "sans ordre". Avec l'anarchie vient l'âge de l'Ordnung, l'ordre vrai, qui n'est pas l'ordre imposé. L'âge de l'Ordnung commencera quand le cycle de folie incohérente, de Verwirrung, révélé par ces appels, sera retombé. Ceci n'est pas l'anarchie, Eve. C'est le chaos.

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    Bazar du Bizarre - Lille - 24 Rue des Ponts de Comines

  • [Critique] Preacher, Tome 3

     A peine sortis de Massada et de la première rencontre avec le Graal, Jesse et Cassidy font cette fois chemin vers la Nouvelle-Orléans après un bref passage par New-York pour retrouver une Tulip légèrement sur les nerfs. Conscient qu'il doit percer les secrets de Genesis, l'entité qui l'habite désormais, Jesse est prêt à toutes les folies (ou presque...) pour découvrir les vilains secrets de Dieu. Heureusement Cassidy connaît toujours un tas de monde dès qu'il s'agit des trucs un peu louche. Il demande donc à son ancien ami Xavier de pratiquer un rituel vaudou pour explorer les tréfonds de l'âme de Jesse. Ce qu'a oublié de dire le vampire irlandais par contre, c'est qu'il n'a pas que des amis à la Nouvelle-Orléans et qu'une secte d'apprentis-vampires, les Enfants du Sang, ne voit pas d'un bon œil le retour de Cassidy dans leur ville. Mais pire encore, un autre secret bien gardé de Cassidy risque de détruire le trio le plus déjanté de tout les temps...

    Pour ce troisième tour de piste, Preacher entre dans un nouvel arc narratif : Dixie Fried. Après le grand feu d'artifice à Massada, Ennis et Dillon calment un tantinet le jeu en se recentrant dans un premier temps sur les retrouvailles de Jesse et Tulip, cette dernière ayant été laissé en arrière pour éviter qu'elle ne soit blessée dans la bataille. Forcément hautes en couleurs, les conséquences de cette "gentille" trahison de Jesse fait long feu et l'on s'amuse particulièrement de l'amour enragé de ces deux-là. Sauf que l'histoire introduit alors un nouveau bouleversement : Cassidy à Tulip son lourd secret. Nécessaire pour la suite de l'histoire (on y reviendra dans le prochain tome), ce retournement apparaît cependant comme relativement poussif et cliché. Le trio amoureux étant certainement l'un des poncifs les plus usés qu'Ennis pouvait nous sortir. Du coup, la déception s'invite pour la première fois dans la série. Heureusement, à côté des errements émotionnels de Tulip et Cassidy, il reste les tribulations de Jesse pour découvrir la vérité sur Genesis, le Saint des Tueurs et Dieu. 

    Les Enfants du sang, une secte ridicule au possible, remplace le Graal pour cet arc en apportant encore davantage de situations comiques, Ennis s'attaquant cette fois aux clichés qui entourent les vampires avec une joie non dissimulée. Il mixe tout ça avec un rituel vaudou qui tourne mal et de vieilles connaissances qui semblent en savoir long sur Cassidy. Le résultat tient en haleine et fait oublier la plupart du temps les geignements d'un Cassidy qui, du coup, apparaît bien moins charismatique qu'auparavant. L'action s'avère pourtant toujours au rendez-vous et le jusqu'au boutisme des deux auteurs également. Si l'on perd de vue Herr Starr et son organisation, on recroise le désopilant Tête-de-Fion, toujours aussi sympathique et pathétique, qui va par la suite permettre à Ennis de se foutre royalement du monde de la musique US.

    Ce troisième tome comprend également deux autres spin-offs : Saint of Killers et Cassidy : Blood and Whiskey.
    Saint of Killers raconte l'histoire du Saint des Tueurs en laissant à Ennis l'occasion d'accomplir son rêve le plus fou : scénariser un vrai western burné (dans une veine plus "traditionnelle" que Preacher). Cette fois, Steve Dillon cède la place à Steve Pugh pour un trait plus râpeux et certainement plus daté qui sied à merveille au côté Far-West de l'histoire. On apprends enfin la vérité sur le Saint des Tueurs tout en faisant un détour par l'Enfer pour y découvrir un Diable un tantinet dépassé par les événements. Toujours aussi jouissif, le récit ne révolutionne pas le genre mais offre une petite ballade récréative et pétaradante au lecteur.
    Cassidy : Blood and Whiskey replonge quant à lui dans la première rencontre entre Cassidy et les Enfants du Sang avant les événements de l'arc principal. Garth Ennis oppose sa vision du vampire à celle d'une Anne Rice ou d'un Bram Stoker pour se moquer ouvertement des clichés de la littérature à propos des seigneurs de la nuit. L'histoire d'Eccarius, authentique parodie d'Entretien avec un Vampire, s'avère hilarante de bout en bout grâce aux réponses cinglantes d'un Cassidy en grande forme. Peut-être le meilleur arc de ce troisième tome ou, tout du moins, le plus drôle et impertinent. 

    Malgré une petite déception liée au choix scénaristique de Garth Ennis à propos de Cassidy, Preacher reste une valeur sûre et arrive une nouvelle fois à tenir en haleine le lecteur. Les deux spin-offs qui accompagnent l'histoire principale ajoutent encore davantage de plaisir à cette lecture acidulée, faisant la lumière sur quelques recoins obscurs de l'aventure par la même occasion. Soyons rassurés, Preacher sent toujours la poudre, la drogue et le sang.
     

    Note : 8.5/10 


    Critique du Tome 1

    Critique du Tome 2

    Disponibles également aux Editions Panini :

     

    [Critique] Preacher, Tome 3

    [Critique] Preacher, Tome 3

     

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  • [Critique] Preacher, Tome 2

    Pour ce second tome toujours aussi volumineux, nous retrouvons le trio de Preacher - Jesse Custer, Cassidy et Tulip O'Hare - après les événements de l'arc All in the Family. Garth Ennis en ayant terminé pour le moment avec les origines de Jesse Custer et de sa diabolique famille, le scénariste peut s'employer à dévoiler une des grandes menaces autour de Custer : le Graal. Dans le premier arc de ce second tome, Hunters, Jesse et Tulip rejoignent Cassidy en Californie. Occupés à boire, baiser et casser des tronches, nos joyeux comparses ne se doutent pas un instant qu'Herr Starr, le bras droit de l'archipère d'Aronique, s'apprête à tout bouleverser. ce dernier fait parti d'une organisation secrète qui commande aux plus puissants de la planète : le Graal. Voyant en Jesse un nouveau Sauveur potentiel, Herr Starr va remuer ciel et terre pour le capturer. Autant dire que la folie maintenant bien connue de la série s'avère au rendez-vous.

    Ennis ne change pas une recette qui marche en tissant avec toujours plus de fantaisie et d'impertinence les liens qui unissent le trio principal. Seulement, là où Tulip et Jesse constituaient le point de mire du précédent volume, c'est Cassidy qui va trouver cette fois une place bien plus importante en devenant, bien malgré lui, l'enjeu principal des deux arcs présentés ici. Avant de parler du vampire irlandais, disons quelque mots de la nouvelle création d'Ennis et Dillon : Le Graal. Toujours dans l'optique de parodier l'Eglise, les auteurs imaginent une secte de l'ombre qui ressemble fichtrement à une bonne grosse parodie dégénérée du Vatican et du Saint-Père. Puisqu'il s'agit de Garth Ennis, autant dire qu'il n'y va pas avec le dos de la cuillère. L'organisation est dirigée par un gros porc boulimique ne rêvant que de placer un nouveau messie protégé par le Graal à la tête de l'humanité. Sauf que le messie en question est issu d'une longue tradition de consanguins attardés et qu'il est...légèrement débile. Avec son humour corrosif coutumier, Ennis place un allemand qu'on penserait échappé d'un vieux James Bond autant que d'un quartier général SS en tant que bras droit de l'archipère. Une façon assez drôle de rappeler les accointances de l'Eglise et de l'Allemagne à une certaine période de l'Histoire. Pour parfaire le tout, il s'amuse avec la sexualité du viril Herr Starr en ajoutant deux guignols dans l'histoire : les détectives du sexe. Bref, vous l'avez compris, Preacher ne s'arrange pas côté politiquement correct.

    En conservant son sens du dialogue qui claque et de l'insulte qui fait du bien, Ennis s'amuse donc à faire s'affronter le Graal et le trio de choc de Preacher. Et puisqu'on est à San Francisco, terre de débauche par excellence, autant y aller à fond dans les clichés. On fait donc la connaissance d'un certain Jesus de Sade (parfait oxymore quand même) qui organise une soirée pour le moins haute en couleurs durant laquelle tout ce beau monde se rencontre. Les nombreuses saloperies des invités s'avèrent tour à tour drôles, odieuses, insupportables et hilarantes. D'autant plus hilarantes quand Jesse et les autres décident d'y jouer les trouble-fêtes. Forcément, ça tire dans tous les sens, ça gicle, ça meurt bruyamment et de façon improbable...mais c'est surtout jouissif...comme d'habitude. Tout finit par une erreur d'appréciation d'Herr Starr qui présente par la même occasion Massada, la base opérationnelle du Graal, au lecteur. 

    L'arc suivant, bien plus conséquent, s'intitule Proud Americans. Garth Ennis plonge sans retenue dans l'organisation du Graal, présente les personnages débiles et savoureux du Messie et de Frankie, ainsi que les machinations d'Herr Starr pour prendre le pouvoir des mains de d'Aronique. Le numéro #18 offre cependant une parenthèse dans cette aventure et replonge un tantinet dans le passé de Jesse en expliquant l'histoire du briquet Fuck Communism du père du prêcheur. En parlant de la guerre du Vietnam, Garth Ennis fait des merveilles, arrive à faire passer un message plein de tristesse et de rancœur au milieu des excès habituels pour finir par une note sérieuse au sujet des soldats jetés dans l'enfer du Vietnam. C'est foutrement beau. S'ensuit alors 5 numéros d'aventures menées tambour battant où l'enjeu principal est Cassidy, préparant le terrain pour les deux derniers numéros. Ici, Ennis s'emploie à remettre Cass' au centre du trio d'origine, lui donnant l'importance qu'il mérite tout en s'amusant comme un petit fou des pouvoirs de régénération extraordinaire de notre vampire préféré. Il en profite également pour discourir sur le machisme ordinaire de Custer, un machisme pas si méchant que ça puisque motivé par l'amour et la peur de perdre Tulip. Une façon futé pour affirmer la force de caractère (et l'habilité à l'auto-défense) de Tulip. 

    Le scénariste finit par faire intervenir Le Saint des Tueurs, commence à relier les différentes histoires introduites précédemment et termine sur une note bien plus intimiste. Les deux derniers numéros, #25 et #26, raconte l'histoire de Cassidy. On sent ici bien davantage l'implication personnelle de Garth Ennis dans le récit, lui aussi d'origine Nord-Irlandaise. Il raconte la guerre civile de 1916 à Dublin, la futilité de la lutte et les nombreux loups qui se sont repus de la mort de jeunes garçons plein d'idéalisme. En mêlant Cassidy à la lutte pour l'indépendance, Garth Ennis finit de bâtir un personnage exceptionnel, à la fois habité par son sentiment de patriotisme bafoué mais, également, par l'horreur du temps qui passe. Devenu vampire, Cassidy traverse les époques, perd ses amis et connaît la solitude. Devant le ciel étoilé New-Yorkais, Cassidy et Jesse se font témoins du temps passé, jetant à New-York un Je t'aime plein de mélancolie et de tendresse. Cassidy trouve définitivement sa place dans l'aventure, et offre par la même occasion l'une des scènes les plus fortes du comic book. Ces fiers Américains aussi prompts à se foutre de la gueule des français que du passé peu glorieux de leur pays, ces fiers américains valent leur pesant d'or.

    Avec ce second volume toujours aussi maîtrisé, bourré de folie, d'idées hilarantes (le chat et Cassidy, le Messie demeuré...), de sous-textes hérétiques et, forcément de vrais moments d'émotions, Preacher continue sa route sanglante et jouissive. Une immense et glorieuse réussite qui donne envie de boire du whisky et de monter tout en haut de l'Empire State Building.  

      

    Note : 9.5/10

    CITRIQ

    Critique du Tome 1

    Disponibles également aux Editions Panini :

    [Critique] Preacher, tome 1

    [Critique] Preacher, Tome 2 

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  • [Critique] Preacher, tome 1

     Jeune prodige anglais dans le monde des comics dans les années 90, Garth Ennis a fréquenté comme nombre de ses collègues de l’époque 2000 A.D, un hebdomadaire de science-fiction britannique où Alan Moore, Brian Bolland ou encore Neil Gaiman ont officié. Il faut pourtant attendre 1991 pour qu’Ennis devienne scénariste d’une des séries les plus cultes du label Vertigo (la collection « adulte » de DC Comics) : Hellblazer. Durant 4 ans, l’anglais va appliquer sa recette maison à Constantine, rendant la série plus brutale et irrévérencieuse que jamais. C’est également à cette période que Garth Ennis rencontre un certain Steve Dillon, dessinateur génial s’il en est, qui va par la suite collaborer avec lui sur un tout nouveau projet pour Vertigo : Preacher.

    Preacher deviendra au fil des numéros l'une des séries les plus cultes de Vertigo, voyant la parution de 66 numéros jusqu’en 2000. Récompensé par pas moins de quatre prix Eisner, le bébé d’Ennis et Dillon s’attire les louanges de la presse spécialisée comme du public. Il faut attendre l’année 2016 pour que le comic book soit porté sur le petit écran par la chaîne américaine AMC dans un format similaire à celui de The Walking Dead. Avant de reparler de la série télévisée, il était tout naturel de se pencher sur le comics d’ailleurs récemment réédité dans une édition respectant le découpage VO par Urban Comics. On mentionnera ici que cette critique porte sur le premier tome de l’édition Urban, ou sur le premier tome de l’édition Panini et la moitié du second.

    De quoi parle donc ce fameux Preacher ?
    D’un pasteur du nom de Jesse Custer qui vit dans une petite ville au fin fond du Texas. Un beau jour, alors qu’il n’en peut plus de sa congrégation de rednecks débiles, Jesse est frappé par une entité échappée des geôles du Paradis : Génésis. En s’unissant à lui, Génésis lui donne un pouvoir inestimable : La Voix de Dieu. Du coup, tout ce que demande Jesse grâce à la Voix devient réalité. S’il vous dit de lui préparer un café, vous lui préparez un café sur le champ. S’il vous dit d’aller vous faire enculer par un taureau…espérons que vous avez de la crème hémorroïdaire sur vous, et de la bonne. Suite au cataclysme provoqué par cette rencontre, qui souffle son Eglise au passage et une grande partie des bouseux de la petite ville en question, Jesse est tiré des décombres par son ex-petite amie, Tulip O’Hare, et le déjanté Cassidy qu’elle a elle-même rencontré auparavant dans des circonstances discutables. Commence alors une quête pleine de bruits, de fureur, de violence, de sexe, de vulgarité et de vaseline, le tout saupoudré d’une histoire d’amour torride. Jesse a une idée : trouver ce connard de Dieu et lui demander de rendre des comptes sur sa façon douteuse de gérer ses enfants. Traduction : Dieu va avoir mal à l’anus.

    Ce premier (imposant) volume rassemble les douze premiers numéros de la série. On peut encore scinder ces douze numéros en deux arcs : Gone to Texas (#1-7) et Until the End of the World (#8-12). D’emblée, Preacher s’impose comme une série de comics irrévérencieux et bourrés de personnages vulgaires, brutaux et, pour tout dire absolument jouissifs. Ennis nous emmène dans le Texas, avec tous les stéréotypes que cela présuppose, et s’amuse comme un fou à décrire une humanité écœurante de médiocrité et de brutalité. Sauf qu’il ne s’agit pas véritablement d’une peinture dramatique ordinaire. Il s’agit avant tout d’un tour de piste à la Ennis avec un humour noir (parfois même très très noir) succulent qui mêle tour à tour tabassage en règle, vampire, scène de sexe hardcore, massacre au colt et autres évocations zoophiles. Preacher n’est pas vraiment là pour faire dans la dentelle et cela se voit dès son premier arc. Ennis nous montre le paradis comme on l’a rarement vu avec des anges un tantinet dépassés, un Dieu démissionnaire et puis surtout un pasteur qui en a un peu marre de toutes ces conneries de religion.

    Avant d’être un joyeux road-movie référencé, Preacher est un brûlot absolu à l’encontre de la religion chrétienne. Si vous êtes pratiquant, vous risquez de mourir rapidement d’étouffement à la lecture de Preacher. Il faut dire aussi que les « bons chrétiens » qui font partie de la congrégation de Jesse n’ont pas vraiment voler le vitriol balancé par Ennis. Pourtant, le britannique a l’intelligence de ne pas nier l’existence de Dieu mais d'en faire un véritable élément moteur de son intrigue, une entité toute-puissante à qui Jesse doit remonter les bretelles pour ses conneries. Rapidement, Ennis fait de Preacher un road-movie, déplaçant son action quasi-immédiatement ailleurs que dans le trou du cul du Texas. On s’ennuie donc difficilement dans cette tornade d’action, de fou-rire corrosif et de satire grinçante. Les personnage quand à eux s’avèrent instantanément à la hauteur.

    D’abord, Jesse, pasteur désabusé mais combatif au lourd passé (que l’on ne découvre que dans le second arc de l’album). Ensuite, Tulip O’Hare, ex-petite amie de Jesse, sacrée bout de femme qui ne s’en laisse pas conter facilement. Enfin, Cassidy, truculent vampire irlandais véritable monument d’humour douteux et dictionnaire de jurons sur pattes. Ce trio magique charme d’emblée, on s’attache comme pas possible à cette équipe de bras cassés aussi forte en gueule qu’en présence. C’est aussi la relation qu’entretienne ces trois-là qui donne à Preacher son charme fou. Si l’on attendra le second album pour approfondir le personnage de Cassidy, le deuxième arc du présent volume permet de revenir sur la relation Tulip-Jesse. En supplément de son hommage au western (même John Wayne est un personnage de Preacher !), Ennis est capable de nous décrire une histoire d’amour passionnée au milieu des trucs les plus dégoûtants du monde. Comme la maison des L’angelles. Entre T.C, enculeur de poules notoires et Jody, tueur fanatique de la vieille pourriture qui sert de mémé à Jesse, Garth nous explique comment est né l’amour entre Tulip et Jesse. Le résultat s’avère foutrement romantique. Qui l’eut cru ?

    C’est aussi la violence et l’absolue liberté de ton de Preacher qui surprennent le lecteur même encore à l'heure actuelle. On imagine d’ici la surprise des lecteurs de années 90 ! Preacher emploie un langage très cru, ne recule devant aucune blague de mauvais goût, trouve des tortures toujours plus repoussantes (le cercueil de Mémé en est un brillant exemple) mais surtout, Preacher tourne en ridicule la religion et pervertit la cellule familiale. L’œuvre remet Dieu à l’image de l’homme, s’en moque, lui tire dans les pattes et finit par lui retirer son aura (cf la discussion entre Tulip et Dieu dans le numéro 11 et 12). Garth Ennis a une façon bien à lui de réfléchir sur le dogme et le sens des responsabilités. Ajoutez à cela un goût prononcé pour le western à l’ancienne et quelques personnages qu’on n’aurait jamais imaginé un jour en comics (Tête de Fion et le Saint des Tueurs pour ne pas les nommer) et vous obtenez un premier album culte dans tous les sens du terme.

    Preacher convainc d’emblée. Méchant, joyeusement foutraque, irrévérencieux, drôle, noir… Preacher, c'est aussi jouissif que de voir Justin Bieber se faire attaquer par un ragondin dopé au viagra, le tout sans capote et a cappella. Un trio d’enfer a pris la route et l’on espère que vous êtes bien accrochés à votre siège, parce que ça va faire mal.

    Note : 9.5/10

    CITRIQ

    Disponibles également aux Editions Panini :

    [Critique] Preacher, tome 1

    [Critique] Preacher, tome 1

      

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  • [Critique] Southern Bastards, Tome 1 : Ici repose un homme

    Difficile dans le monde du comics américain de passer à côté du petit génie Jason Aaron. Responsable de l'incontournable série Scalped (éditée également intégralement chez Urban Comics) dans la prestigieuse collection Vertigo ou de poids lourds chez Marvel comme son  fameux run sur Wolverine, l'américain quitte cette fois les deux grandes maisons mères du comic book US pour aller faire un tour chez Image. Rejoint par Jason Latour côté dessin, il nous offre la série Southern Bastards, un récit brut de décoffrage prenant place dans l'Alabama. Edité pour la première fois en France par Urban, le premier volume (intitulé Ici repose un Homme) ne fait pas dans la demi-mesure.

    Earl Tubb est de retour dans le village de Craw County dans le fin fond de l'Alabama. Il se donne deux jours pour déménager les affaires de l'ancienne maison de son père et foutre le camp de cette satané ville. Seulement voilà, les vieux démons ne sont jamais loin, surtout lorsque ce sont les pires ordures du coin qui ont repris les choses en main dans la région. Une seule confrontation qui tourne mal dans le restau' local et c'est l'escalade. Et Earl n'est plus le genre d'homme à fuir. Mené par la poigne de fer du belliqueux Euless Boss, le coach de l'équipe de football locale, les rats montrent les dents. Réveillant de vieilles haines et de profonds traumatismes, Earl Tubb n'a plus qu'une solution : reprendre le gourdin de son vieux.

    Génie du récit hard-boiled, Aaron retrouve sa plume acérée pour ces quatre premiers numéros de la série Southern Bastards. Après une courte préface des deux auteurs qui nous expriment à la fois leur haine et leur amour du sud des Etats-Unis, les choses vont vite, très vite. Pourtant, Aaron ne précipite rien, il laisse éclater la violence et resurgir avec fracas des éléments du passé de ses personnages. Au cours de ce récit, on suit Earl Tubb, un vieux briscard ayant fait le Viêt nam et qui cache une sacrée rancune envers son paternel, l'ancien shérif de Craw County. Incarnation magnifique mais impitoyable de la justice, Earl n'y va pas avec le dos de la cuillère. Et c'est tant mieux quand l'on voit la cruauté et la bêtise des rednecks d'en face.

    Parce que oui, Southern Bastards nous emmène faire la (dé)plaisante connaissance de ces hommes bas du front et violents qui peuplent l'Amérique profonde. Dépeint sans aucune concession et avec un constant souci de réalisme social par Jason Aaron, Boss et ses hommes sont un ramassis d'ordures qui n'éprouvent aucun remord lorsqu'il s'agit de tabasser à mort un homme, voir pire. L'affrontement entre Earl et les sbires fait peut-être long-feu mais Jason Aaron garde le suspense intact pour l'inévitable rencontre entre Tubb et le Coach, point d'orgue de ce récit brutal. Cependant, il ne faut pas limité Southern Bastards à un comic book d'action, il est en effet bien davantage. Outre le réalisme de l'environnement et des protagonistes, Jason Aaron travaille le passé d'Earl et, grâce au talent de Latour, fusionne passé et présent, expliquant comment les vieilles rancunes se pérennisent.

    Entre les lignes, Southern Bastards devient un récit mélancolique. Bouffé par l'amertume d'une vie douloureuse, Earl Tubb expie ses démons lorsqu'il prend la défense des faibles. Il rejoue à sa façon la partition paternelle et retrouve en un sens, la rédemption qu'il avait attendu toute sa vie. L'emploi de la tombe et de l'arbre ainsi que des pages explosées en myriades de vignettes, tout cela permet au récit d'inclure une dimension temporelle et un message plus profond. Les racines ne sont jamais vraiment coupées et notre passé nous attend au moindre faux pas. En décidant de l'affronter, Tubb risque gros. Futé comme il est, Aaron nous réserve pourtant un autre niveau de filiation...que l'on vous laisse découvrir dans l'épilogue de ce volume. 

    Récit brutal mais plus malin qu'il n'en a l'air, ce premier volume de Southern Bastards happe le lecteur avec une rapidité peu commune. Jason Aaron profite du trait noir et torturé de Jason Latour pour accoucher d'un uppercut qui fait mal, plongeant sans complaisance dans une certaine Amérique. 
    On se jettera sans attendre sur le second volume.

    Note : 8.5/10

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  • [Critique] America's got powers, Volume 1

     

    Image Comics est le quatrième éditeur de comics sur le marché américain. Créée par des pointures comme Todd McFarlane ou Jim Lee, la société a accueilli un certain nombre d’œuvres mémorables au fil du temps. En 2012, un nouveau projet débarque avec America's got powers. Malgré la réutilisation du thème super-héroïque, la série gagne petit à petit une excellente réputation. Ce qui intrigue pourtant, c'est que son scénariste n'est autre que Jonathan Ross, bien plus connu au Royaume-Uni pour son rôle de présentateur TV que pour ses talents d'auteur de comic book. Pourtant il ne s'agit pas d'un coup d'essai puisque l'anglais a déjà écrit Turf ou Revenge chez le même éditeur. America's got powers s'avère pourtant la grande entreprise de Ross qui trouve l'excellent dessinateur Bryan Hitch pour l'épauler dans cette tâche. Mais le coup de crayon de l'auteur d'Ultimates est-il le seul atout de cette nouvelle série prometteuse ?

    Alors que le soleil se lève sur la ville de San Franscico, ses habitants ne se doutent pas un instant que cette journée sera hors du commun. Du ciel tombe un immense et mystérieux cristal dont personne ne comprend bien la nature. Après quelques instants à flotter dans les airs, celui-ci explose en une vague d'énergie lumineuse aveuglante. Pourtant, personne ne meurt, personne n’est blessé. Seules les femmes enceintes de toute la région accouchent simultanément et donnent naissance à des bébés en pleine santé. Ces enfants deviendront bientôt la préoccupation principale des Etats-unis puisqu'ils se mettent à développer des dons tout à fait extraordinaires. Pour canaliser une jeunesse prête à se déchaîner, les autorités parquent ces nouveaux super-héros dans des camps et organisent une vaste émission de télé-réalité où les surhommes s'affrontent dans le but d'intégrer la super-équipe Génération-Pouvoirs.
    Tommy Watts regarde America's got powers comme tout le monde. Il fait partie de ces enfants pas comme les autres... sauf que lui n'a hérité d'aucun pouvoir.

    Il faut avouer que dit comme ça, le postulat de départ d'America's got powers ne déborde pas d'originalité. Le thème des super-héros venant au monde après un événement inexpliqué a déjà été traité ailleurs (l'extraordinaire Rising Stars de Joseph Michael Straczynski) et l'individu solitaire en quête de sens à sa vie ne se révèle pas un élément de première fraîcheur. Ainsi, la série démarre assez mal. Heureusement, le trait de Bryan Hitch n'a rien perdu ni de son dynamisme ni de son esthétisme. Le dessinateur des Ultimates offre des planches superbes et amples où les jeunes super-héros s'entrechoquent et où les couleurs fusent. On le sait pourtant, un trait magnifique ne suffit pas pour faire un vrai et bon comic book. America's got powers serait-il un pétard mouillé ?

    Loin de là. En développant son récit, Jonathan Ross s'éloigne de la problématique de départ autour de l'événement fondateur pour se concentrer sur la chose la plus intrigante de l'histoire, l'émission de télé-réalité. C'est précisément ici qu'America's got powers devient passionnant. Parodiant ouvertement les émissions du type Britain's got talent, Ross s'attaque en vérité à la manipulation médiatique et au voyeurisme. Les super-héros deviennent un prétexte pour dénoncer avec force la tendance perverse des téléspectateurs à regarder les choses les plus violentes en oubliant qu'il s'agit de véritables hommes et femmes derrière leur écran. L’arène où s’entre-tuent les adolescents est rapidement couverte par les cris de ferveur des fans, totalement aveugles au drame qui peut se jouer devant eux. Sous le motif de l'entertainment, le public est prêt à regarder mais surtout à accepter n'importe quoi. A commencer par parquer des enfants dans des camps, expérimenter sur eux toutes sortes de traitements, avant de les envoyer joyeusement se tabasser en leur faisant miroiter une place dans une équipe bidon. Ross touche du doigt une des plus épineuses et dramatiques questions de la société moderne.

    Meilleur encore, il s’intéresse au drame humain que vivent ces super-héros à travers Tommy, un zéro, dont le frère a péri dans l'émission et dont la vie ressemble à un vrai parcours du combattant. Autour de lui gravitent quelques personnages secondaires attachants, des objecteurs de conscience prêts à tout pour ne pas utiliser leurs pouvoirs et vivre le plus normalement possible. Seulement voilà, pour des raisons monétaires et rapidement militaires, ce genre d'individus devra vite arrêter de rêvasser. Ross montre comment, inévitablement, les autorités utilisent tous les instruments à leur disposition pour faire entrer les plus récalcitrants dans le moule. Tommy en fera l'amère expérience. Trois numéros donc pour commencer ce volume, c'est un peu court mais Panini nous livre une édition hardcover pour 13 euros, pas de quoi crier à l'arnaque, au contraire. Finissons par dire que les quelques articles de journaux glissés en début de chapitres apportent toujours de précieuses informations sur l'univers. Une plus-value appréciable.

    Pour ce premier volume, America's got powers dépasse son manque d'originalité initiale pour s'intéresser à notre société moderne bouffée par la télé-réalité et le voyeurisme malsain. Avec le trait toujours somptueux de Bryan Hitch, Jonathan Ross nous offre une excellente série dont on attend déjà avec grande impatience la suite !

    Note : 8/10

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  • [Critique] Le roy des ribauds, Livre 1

    S'il existe bien un duo magique dans le monde de la bande-dessinée française que l'on apprécie particulièrement, c'est celui de Ronan Toulhoat et Vincent Brugeas. On les avait découverts en 2010 avec une oeuvre aussi colossale que géniale : Block 109. Déclinée en série (6 tomes à ce jour), cette uchronie apocalyptique sur fond d'affrontement entre la Russie Soviétique et l'Allemagne Nazie avait su épater son monde. Après un crochet par le monde de Chaos Team (dont on reparlera prochainement), les deux compères se sont lancé un tout nouveau défi. Oubliez le monde moderne, leur dernière oeuvre s'intitule Le Roy des Ribauds et nous entraîne au XIIème siècle. Friands d'histoires et de détournements plus ou moins extravagants, les deux français nous livrent cette fois une bande-dessinée rude, haletante mais surtout passionnante.

    Nous sommes en l'an de grâce 1194. Le roi Philippe Auguste de France craint la survenue d'un attentat sur sa personne, d'autant plus qu'il doit accueillir ses alliés teutons. Pour le protéger, il peut compter sur un personnage de l'ombre, un certain Triste Sire, qui contrôle en sous-main une bonne partie des affaires de la capitale grâce à ses compagnons d'armes, les Ribauds. Malheureusement, sa position ne va pas sans quelques risques. Lorsqu'un commerçant s'en prend à sa fille, le Triste Sire perd son sang froid et l'assassine. Le problème, c'est qu'il agissait en tant qu'informateur du roi et que celui-ci, fou de rage, réclame la tête de ses assassins. D'autant plus que l'homme connaissait l'identité d'un ennemi terrible n'attendant que le bon moment pour frapper sa majesté.

    Scindé en six chapitres, Le Roy des Ribauds nous plonge avec une facilité insolente dans le nouvel univers de Toulhoat et Brugeas. Utilisant son cadre médiéval au mieux de ses possibilités, l'ouvrage renoue avec le charme du premier Block 109 en jonglant avec l'histoire avec un grand H et les fantasmes délicieux des auteurs. Inspiré par des éléments plus ou moins véridiques (à en croire la post-face), Le Roy des Ribauds choisit d'explorer une époque troublée où le roi Philippe Auguste fait face à la menace latente de l'Angleterre. Paris occupe donc une place tout à fait centrale dans l'ouvrage, et l'on ne s'en plaindra pas, tant la cité se trouve magnifiquement illustrée et employée. Entre basse-fosse et cour royale, la ville des Lumières a certes une cathédrale en trop pour l'époque (Notre-Dame n'étant pas encore achevée en réalité), mais elle a également un charme fou à revendre. C'est là le premier succès du Roy des Ribauds.

    Le second, c'est bien évidemment ses protagonistes tous plus charismatiques les uns que les autres. En premier lieu, le fameux Triste Sire au design tout à fait génial mêlant bestialité renfrognée de vieux bandit et regard calculateur de chef de bande. Son personnage, génial de bout en bout, reste bien évidemment l'attraction numéro un. Mais il sera également épaulé par un certain nombre de seconds rôles savoureux, à commencer par le belliqueux Glaber ou l'étrange roi Philippe Auguste, un jeune souverain aux allures de vieillard dégageant une aura de puissance impressionnante à chacune de ses apparitions. Une des plus belles trouvailles (que l'on espère retrouver par la suite), c'est également le Hibou... mais on vous laisse le découvrir. Evidemment, à ce stade vous l'aurez deviné, ce qui permet à tout ce beau monde de prendre vie, c'est le trait de Ronan Toulhoat.

    A l'instar de son excellentissime travail sur Block 109, Toulhoat nous offre des planches dantesques et une tripotée de designs inspirés. Du Hibou au Triste Sire, en passant par Richard Cœur de Lion, son dessin reste toujours aussi succulent. Allié à l'écriture fluide et intelligente de Vincent Brugeas, le résultat s'avère aussi passionnant qu'admirable. Même si l'intrigue semble un peu maigre au départ, elle s'étoffe rapidement et met en place ses pions. Comme tous les premiers volumes, il s'agit ici plutôt d'installer l'univers tout en happant le lecteur. Deux choses tout à fait réussies par les français. Les amateurs de policier seront aux anges, tout comme les aficionados de capes et d'épée, dans ce récit mené tambour battant qui nous entraîne dans les intrigues de rues et de palais. L'envie clairement affichée de créer une histoire de l'ombre pour une période historique fameuse laisse envisager de beaux développements par la suite. Espérons simplement que le succès soit une fois de plus au rendez-vous !

    Nouvelle réussite pour le tandem Brugeas - Toulhoat avec Le Roy des Ribauds. Malgré un premier tome destiné à mettre en place leur univers et leurs personnages, les deux hommes s'en tirent plus qu'avec les honneurs en dépeignant avec talent une période passionnante de l'histoire et en y ajoutant un certain nombre de personnages savoureux. Ajoutez-y un récit un peu linéaire mais franchement efficace, et vous obtenez une bande-dessinée des plus réussies. Vivement la suite !

    Note : 8/10


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  • [Critique] Gotham Central, Tome 1

    Volume regroupant Dans l'Exercice de ses fonctions - Le Mobile - Pour Moitié (Numéro 1-10)

    Lorsque l'on dit Gotham, naturellement on pense Batman. Pourtant, on oublie certains acteurs primordiaux de chaque histoire ou presque, très souvent cantonnés à de la figuration ou des rôles subalternes : les flics de Gotham City. Parce que c'est bien beau d'avoir un super-héros dans la ville, il faut tout de même boucler les méchants et se charger des autres enquêtes du quotidien. Le Batman ne peut pas être partout tout le temps. C'est ce que ce sont dit Greg Rucka (Daredevil, Elektra, Wonder Woman) et Ed Brubaker (Criminal, The Authority, Sleepers), deux spécialistes du polar, chacun à leur façon. Après le monstrueux event No Man's Land, c'est donc sur les forces de police que DC se penche. Publié une première fois en France par les défuntes éditions Semic, c'est grâce à l'excellent éditeur Urban Comics que nous avons droit à une mouture en 4 volumes dont ce premier tome a la lourde charge d'hameçonner le public pour la suite. Les flics peuvent-ils être à la hauteur de la chauve-souris ?

    La réponse est oui, trois fois oui. Non seulement ce que nous ont concocté Rucka et Brubaker est une petite douceur pleine de saveurs inconnues, mais en plus ils font équipe avec Michael Lark qui avait déjà bossé avec Brubaker sur Daredevil. Son trait, rude et rapeux, s'adapte parfaitement à ce polar hard-boiled servi bien noir par les deux scénaristes américains. Mais revenons-en à nos histoires. On en compte trois dans ce premier volume, chacun  mettant en scène un super-vilain différent. La première (et aussi la plus courte) sert d'introduction en centrant l'intrigue sur une affaire de routine qui tourne mal. Pour l'occasion, Rucka et Brubaker écrivent à 4 mains un récit qui pose les bases, et qui déjà, s'interroge : Dans une ville où sévit le Batman, quelle place pour de "petits" inspecteurs ? Malgré son nom de Brigade des Crimes Majeurs, l'unité qui intervient ici vit en fait dans l'ombre du justicier masqué. Celui-ci passera d'ailleurs de temps à autre devant nos héros ordinaires, mais sans jamais prendre une part prépondérante à l'intrigue, définitivement dévolue à l'inspecteur Driver et ses collègues. 


    La réflexion primordiale qui sous-tend presque tout le recueil, c'est donc la relation qu'entretiennent les simples policiers avec le Batman. Une relation d'amour-haine en fait, rendue d'autant plus délicate par cette espèce de minuterie qui s'écoule inlassablement jusqu'à la tombée de la nuit et la venue obligatoire de celui qui résoudra à coup sûr l'affaire en cours. Dès lors, les flics aiment autant celui qui représente à leurs yeux la quintessence de la justice et de son implacabilité qu'il le déteste lorsqu'il se compare à lui et sa scandaleuse supériorité. Dans un sens, Rucka et Brubaker explorent l'impact qu'a eu le Batman sur les autres "justiciers" de Gotham. C'est non seulement très malin mais aussi très efficace. Dans la seconde histoire - Le Mobile -, c'est Ed Brubaker qui prend le relai en solo. Celui-ci s'axe encore davantage sur l'intimité des inspecteurs de police tout en livrant une histoire à la fois simple mais extrêmement efficace, une spécialité du bonhomme. Son enquête passionnante a la bonne idée de réemployer un méchant de troisième zone - Firebug - tout en jouant avec certains clichés et faux-semblants. Il n'oublie pas de poursuivre la réflexion amorcée dans le premier arc avec un final aussi court que brillant confrontant un Batman distant à un Driver revanchard. 

    Enfin, Pour Moitié, c'est un peu le gros morceau de ce premier volume. Et aussi la plus grosse réussite. Greg Rucka revient aux commandes en solo et offre une plongée formidable dans la vie intime et professionnelle de l'inspecteur Renée Montoya. Ne négligeant ni son enquête - réellement passionnante - ni ses personnages - tous très travaillés -, Rucka se paye le luxe de lier son récit à celui de No Man's Land grâce à son super-vilain (qu'on ne dévoilera volontairement pas) vraiment bien employé. Surtout, l'américain livre une réflexion incisive et militante sur l'homosexualité féminine en lui donnant du panache, de la beauté et surtout du réalisme. Très certainement le plus important en nombre de pages, ce dernier arc l'est également du point de vue de l'intelligence. Rucka honore autant les flics de Gotham que le droit de s'aimer librement, en profite pour tordre le coup aux préjugés et y ajoute une bonne dose d'émotions que l'on applaudit bien fort. Une prise de position qu'on l'on admire d'autant plus après la lecture de sa brillante post-face. En fait, la seule petite chose à reprocher à ce premier volume, c'est le manque de relief de Mr Freeze, peu creusé puisque présent dans l'arc le plus court, malheureusement. 

    Ce premier tome de Gotham Central réussit un exploit similaire au Joker d'Azzarello : offrir un récit passionnant et intelligent sans recourir en premier lieu au Batman. En misant sur l'originalité de découvrir le milieu policier tout en exploitant le plus judicieusement possible les possibilités offertes par cette démarche, Greg Rucka et Ed Brubaker inaugurent en grande pompe une série qui s'annonce d'ors et déjà indispensable.

    Note : 9/10

    Meilleur arc : Pour Moitié


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  • [Critique] Hercule, Tome 2 : Les Dagues de Koush


    Les
    Dagues de Koush marque la seconde et dernière incursion du Britannique Steve Moore dans l'univers mythologique du demi-dieu Hercule. Ce nouvel opus affiche un certain nombre de changements importants. Côté dessin d'abord, l'excellent Admira Wijaya cède la place au dessinateur de Red Sonja, Chris Bolson, tandis que le héros grec quitte les côtes de la vieille Europe pour le territoire égyptien. La petite troupe de mercenaire qui avait abandonné la Grèce pour Thrace dans le volume précédent - voir Les guerres thraces - s'embarque pour la vaniteuse Egypte. Même si deux des leurs les ont quittés en quête d'autres gloires, les aventuriers restants s'apprêtent à affronter les mystères du pharaon Séti, en pleine guerre civile avec le renégat Amenmesse et son puissant sorcier, Kadhis, maître des dagues de Koush. Que les dieux soient grecs ou égyptiens, le fils de Zeus ne peut échapper à son statut quasi-divin et doit se résoudre à prendre parti. Mais, c'est également la fin des aventures d'Hercule chez Milady Graphics puisque Steve Moore interrompt sa carrière dans le monde des comics avec cette dernière série. Fin amère ou vrai baroud d'honneur pour le scénariste anglais ?

    Tout comme Les guerres thraces, ce second tome reprend une intrigue politique mais en plaçant cette fois les héros grecs face à une civilisation bien plus vieille et hautaine que les hommes de Thrace : celle des pharaons. Pris au milieu d'une guerre civile acharnée, ils doivent très rapidement choisir leur camp. De postulat débute un récit qui comprend son lot de machinations et de coups de théâtre plus ou moins prévisibles. Même si le fil conducteur reste simple et peu surprenant, il s'avère plus dense que dans le précédent opus et également plus prenant. Un des éléments qui concourent à cette réussite réside dans la plus grande liberté prise par Moore envers la dimension fantasy de son histoire. On retrouve les dieux mais aussi des sorciers, notamment le mystérieux Khadis et son culte d'assassins. De manière similaire, la dimension divine d'Hercule semble davantage mise en relief cette fois. D'un point de vue plus général, les mercenaires s'avèrent mieux exploités et mis en valeur. On regrette néanmoins beaucoup l'absence du trublion Tydée, bien qu'Autolycos pallie quelque peu à ce manque grâce à sa personnalité de voleur retors et calculateur. Quant à Hercule, Steve Moore diminue la dimension solitaire et sombre du héros, tout en accentuant par contraste la violence froide et odieuse du monde qui l'entoure. Cette fois, l'Anglais aborde frontalement le massacre entraîné par les conflits et l'extrême cruauté des hommes. En cela, ils semblent conformes à l'image de leurs divinités.

    Autre bon point, le changement de cadre. En passant dans l'Egypte ancienne, Moore tranche avec son précédent récit et dépayse le lecteur. En essayant également de coller au plus près de l'histoire, il ajoute une touche d'authenticité des plus appréciables. Seul gros regret, que ce soit contre des Thraces ou des Egyptiens, la troupe d'Hercule confirme son statut d'invincibilité si bien que le lecteur a du mal à s'inquiéter à propos des risques pris par les personnages, tant la victoire s'annonce inévitable. Côté humour, le scénariste nous gratifie de quelques beaux moments, notamment avec la relation entretenue par une des reines du pharaon, Séti, et Atalante mais surtout par les deux apparitions des pirates Lysiens qui rappelleront aux lecteurs quelques bons moments des bandes dessinées d'Albert Uderzo.

    On finira par dire un mot sur la partie graphique des Dagues de Koush, assurée cette fois par Chris Bolson. Même s'il n'atteint pas la magnificence du dessin de son prédécesseur Admira Wijaya, son travail reste excellent en donnant un visuel des plus matures à cette épopée guerrière. On apprécie d'ailleurs particulièrement le découpage de planches, toujours surprenantes et dynamiques. Pour compléter le tout, Milady Graphics offre un travail éditorial de qualité à son lectorat avec les couvertures originales ainsi qu'une préface et une interview de Steve Moore.

    Avec Les Dagues de Koush, Steve Moore tire sa révérence avec élégance. Sa vision résolument sombre et violente du mythique Hercule offre au lecteur un excellent moment de divertissement qui tranche avec les versions aseptisées d'antan. Ne passez pas à côté.

    Note : 7.5/10

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  • [Critique] Hercule, Tome 1 : Les guerres Thraces

    Pourchassé par Hera depuis sa naissance, Hercule est las d'affronter les dieux. Entouré de ses compagnons, il part vers Thrace pour devenir mercenaire et se faire oublier de l'Olympe. Dans ce royaume barbare, le roi Cotys désire faire de ses hommes une armée disciplinée et invincible. Il compte sur les Grecs pour l'aider à unifier Thrace. Mais les desseins du roi s'avèrent beaucoup plus ambitieux que ce qu'il prétend...

    Ami de longue date du talentueux Alan Moore, Steve Moore a notamment travaillé sur 2000 AD ou Tom Strong. De son côté, l'indonésien Admira Wijaya a fait ses armes sur The Darkness avant de se retrouver à dessiner le Hercule de Steve Moore. C'est donc un duo méconnu qui arrive en France pour ce premier volume des aventures du demi-dieu intitulé Les guerres Thraces. Reste à savoir si Milady Graphics a fait un bon choix...

    Au premier abord, les guerres thraces s'avère un récit convenu. En suivant l'histoire de la compagnie de mercenaires mise sur pied par Hercule, on retrouve des influences de 300 malgré ce qu'affirme l'auteur dans la postface. Ce groupe de héros fait preuve d'une maestria guerrière qui le met hors de portée des armées adverses si bien que jamais nous n'aurons de doute sur l'issue des combats. Le suspense de l'œuvre s'en trouve donc partiellement gâché. L'autre moitié de l'intrigue gravitant autour du roi Cotys et de sa cour relève un peu le niveau d'ensemble sans que cela sorte énormément des sentiers battus. Nous avons avant tout à faire à un comics d'action et de violence. De ce côté-là, nul doute que les amateurs seront ravis. Admira Wijaya dessine magnifiquement ces affrontements violents et impitoyables avec un trait remarquablement précis et sombre. On lui reprochera simplement de ne pas trouver cette touche d'originalité pour démarquer réellement ses planches. On l'aura compris, les guerres thraces fournit sa dose de testostérone au lecteur en oubliant de donner une véritable profondeur à son intrigue.

    Pourtant, le récit de Steve Moore réserve une bonne surprise. Celle-ci ne se trouve pas dans les personnages qui gravitent autour d'Hercule. De Tydée, un cannibale belliqueux, à Atalante, la pseudo-amazone vouée à Artemis, la caractérisation de la troupe s'avère simpliste mais promet quelques bons moments de franche rigolade - on pense notamment à l'obsession bestiale de Tydée pour la chair humaine et la cervelle. Non, le réel atout de ce comics, c'est Hercule lui-même. Vu par Steve Moore, le héros mythologique navigue bien loin des épaves télévisuelles auxquelles on a déjà eu droit. Le demi-dieu n'est plus un jeune premier mais un guerrier aguerri et surtout lassé par la guerre et par la perfidie des dieux. C'est une figure amère et sanguinaire que l'on découvre. Loin des clichés du genre et grâce aux nombreux souvenirs de sa vie qui parsèment le récit, Hercule prend de l'épaisseur et perd beaucoup de sa superbe pour nous montrer son vrai visage, celui d'un héros qui n'en a plus l'étoffe. C'est véritablement sur ce point que le comics regagne de l'intérêt et mérite d'être parcouru.

    Récit violent et vibrant de fureur guerrière, Les guerres Thraces n'a rien de novateur ni dans ses péripéties ni dans ses personnages secondaires. Pourtant, grâce à la réappropriation réussie du héros grec, Steve Moore hisse son récit au-dessus de la masse de comics ordinaire. En y ajoutant l'élégant dessin d'Admira Wijaya, on obtient au final une œuvre divertissante et qui réinvente Hercule comme il se doit.

    Note : 7/10

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  • Deadpool - Il faut soigner le soldat Wilson

    Parmi tous les super-héros Marvel, il en reste un bon nombre qui demeurent discrets voir quasi-inconnus en France. Comme Ghost-Rider, pas aidé par l’affligeante nullité de son adaptation filmique. Ou comme Deadpool. Pourtant, celui-ci commence à trouver son public, grâce à un jeu vidéo débridé et une publication régulière en kiosque. Réputé comme atypique dans la production de la Maison des Idées, Il a eu droit à une mini-série en 2011 par un ancien scénariste du Punisher, Duane Swierczynski. Intitulée « Il faut soigner le Soldat Wilson », elle comporte 4 numéros et peut parfaitement introduire le personnage aux novices. Dans un petit 100% de Panini, voici donc Wade Wilson, un sacré personnage…

    C’est fait, le mercenaire Wade Wilson a été capturé et il se retrouve devant la justice. Mais pas sûr que le juge, comme l’Amérique, soit prêt à encaisser les révélations de celui qui se fait aujourd’hui appeler Deadpool. Après avoir reçu l’Arme X (comme Wolverine), Deadpool a rejoint la Team X aux côtés de Bullseye, Silver Sable et Domino pour faire le sale boulot du gouvernement américain. Et puis ils sont morts. Enfin pas tous. Ou pas. Tués par un cartel mexicain… ou une piqûre de potassium. Ou pas. Difficile à dire en fait car rapidement, Wilson se révèle légèrement déséquilibré…

    Pour ceux qui ne connaissent Deadpool que par son apparition dans le long-métrage Wolverine – Origines, ce volume va être un sacré choc. Parce que Wade Wilson, alias Deadpool, n’a rien du tout du muet qui apparaît face à Jackman. C’est même tout le contraire. L’énorme réussite de ce petit arc, c’est forcément lui. Impossible à faire taire, impertinent à souhait, caustique, délirant, fou à lier, le super-héros détonne réellement. Cas rare – unique ? – il profite de certaines cases pour s’adresser directement aux lecteurs et institue ainsi un jeu constant dans la narration. En fait, le héros aux sabres, c’est un peu Spider-Jerusalem en moins sérieux et en plus violent. Beaucoup plus. Délire et franche rigolade en perspective.

    Mais Swierczynski ne se contente pas de nous faire découvrir les origines de Wilson, il joue avec nous. Comme pour le juge qui écoute le témoin, impossible de dire ce qui est vrai ou pas dans le récit de Deadpool… jusqu’à la toute fin (et encore…). L’ironie constante du personnage épouse l’ironie du scénario et nous fait partir dans différentes fausses pistes autour de manipulations génétiques, d’opérations secrètes bidons ou encore de vendettas délirantes. Pendant toute l’histoire qu’il mélange et mélange encore, Deadpool s’éclate à faire du second degré et des blagues incongrues (quand il enlève son masque pour révéler… un masque de Michael Jackson…), et le résultat s’avère d’un jouissif total. Le lecteur s’éclate de la première à la dernière page.

    Pour autant, le comic book n’est pas idiot, loin de là. Ultra-référencé d’abord – Terminator, X-Men, Rodriguez… -, il réjouit son lectorat qui s’amusera à dénicher les milles et un petits clins d’œil disséminés ici et là. Ensuite et surtout, son histoire parle en fait de la notion d’origine. Swierczynski tente de faire passer un message très intelligent, à savoir qu’avec toutes les versions qui existent dans le monde du comics, comment vraiment savoir ? D’où ce jeu de piste et ses délires. Les divers procédés employés – la narration de Deadpool, les cases en parallèles avec opposition fantasmes/réalité, l’histoire alternative racontée par des officiels haut-placés… -, tout concourt à maintenir non seulement le doute mais la pertinence du propos. Le résultat est une éclatante réussite. Le trait de Jason Pearce, débridé et dynamique, sert impeccablement l’histoire et, de par sa mise en page, permet d’accentuer l’effet de folie du personnage.

    Résultat ?
    Ce court récit de Deadpool est un régal. Vraiment. C’est fun, ultra-jouissif, très drôle, roublard et passionnant. Ajoutez-y une pincée de gore, un zeste d’intelligence et une grosse dose d’humour et d’autodérision, et vous voilà devant quelque chose de totalement loufoque et savoureux. A apprécier au plus vite…Forcément !

    Note : 9/10


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